10. Rêve

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Je suis assis, mon dos posé contre le mur en pierre de la ruelle. Mes yeux font des aller-retour entre mon ventre et le couteau de Livai. J'enlève mon écharpe et la presse contre mon entaille pour essayer de calmer l'hémorragie. Je lève enfin la tête vers le visage de l'autre.

Je tombe dans le regard brisé du noiraud. C'est avec étonnement que je remarque ses yeux légèrement humide et la colère et la tristesse qui reflètent dans son regard.

Son poing se resserre brusquement sur la lame rougeâtre. Il ne parle, il ne bouge pas, il ne m'aide pas.

Il est juste debout devant en me regardant d'un air piteux comme si j'étais une pauvre bête au seuil de l'abandon.

Je tousse un coup et un spasme me parcours quand mon ventre se contracte. Je pose ma main sur mes lèvres et remarque du sang sortir de ma gorge.

Je jette un énième coup d'oeil à Livai.

-" Pourquoi ?" Je lui demande dans un faible souffle.

Pour la première fois, je vois son regard filer le miens et il le devie dans une autre direction.

Soudain, il lache prise sur son couteau et un bruit aigu se fait entendre quand le bout de métal percute le sol.

Il s'accroupit, posant un genou au sol. Ses yeux gris se replongent dans les miens. Aucune haine, aucune joie ne brille dans ses pupilles sombres. Seuls la colère, le regret et la tristesse semblent régner dans le regard du noiraud.

Il pose une de ses mains sur ma joue. J'aimerais l'arrêter, j'en suis incapable.

Ses fins doigts passent le long de mon visage, me faisant frissonner. Tant de questions se mélangent dans ma tête.

Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Et pourquoi devient-il si doux alors qu'il vient de lâcher la lame qui vient de me blesser?

Apres d'innombrables caresses, il s'approche de mon oreille.

-" Désolé" dit il.

Mon coeur se sert quand j'entends sa faible voix se briser quand il prononce ce mot.

J'aimerais lui poser des dizaines de questions mais mon souffle et la douleur qui ronge le bas de mon ventre me l'en empêchent.

Il pose ses délicates lèvres sur les miennes. Un baiser pur, sans arrière-pensée. Juste un simple contact entre nos deux visages pour rendre la situation encore plus floue qu'elle ne l'est déjà.

Je le retiens en essayant vaguement de relever mon bras en sa direction, en vain. Sa main finit son chemin au bas de mon visage et s'enlève.
Livai se relève, une larme au bord de ses yeux.

Il s'en va, me laissant dans ma souffrance et dans mon incapacité.

Je ferme les yeux en me concentrant sur le bruit de ses pas qui commence à diminuer.

Malgré les nombreuses couches que j'ai enfilé, mon corps se refroidit au contact de ma peau contre le sol. L'air froid passe par la déchirure de ma chemise, maintenant tachetée de sang.

J'essaye de bouger les membres de mon corps pour évaluer le temps qu'il me reste avant de perdre le reste de mes forces.

Mon ventre me fait souffrir, heureusment que l'écharpe éponge le sang qui en sort.

Je me lève, tentant tant bien que mal de me tenir sur mes jambes. Ma respiration est faible et saccadée, je ne peux pas aller bien loin.

Je marche dans les ruelles de la ville, en laissant un chemin parsemé de gouttelettes rougeâtres. Je suis légèrement recroquevillé sur moi-même afin de camoufler la douleur qui transperce mon corps.

Destins éloignés [Eruri] (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant