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Les rues de Londres me paraissent toujours étranges, même deux ans après les avoir arpenter chaque matin. Mon nouvel appartement est à l'autre bout de la ville, parmi des rues que je n'avais jamais vues avant d'y emménager. J'ai tout de même pris mes habitudes, et me dirige en ce moment même vers l'une d'entre elles. J'entre dans le petit café qui me voit arriver tous les matins depuis deux ans. Il est vide, mais c'est normal puisqu'il n'est que cinq heures du matin. Personne ne travaille à cette heure-ci dans ce quartier de Londres, à part moi et Lucie, barista devenue une amie à travers nos discussions de cinq minutes tous les matins. Je lui souris en m'approchant du comptoir et lui demande un grand café noir. J'essaye de varier chaque jour mais j'ai décidé d'opter pour un classique, aujourd'hui. Après avoir mis le café à couler, Lucie revient s'accouder en face de moi.

— Quel est le programme d'aujourd'hui ? elle demande calmement.
— On va tenter un nouveau traitement pour Grace. Elle est un peu nerveuse alors je lui ai promis une balade dans l'hôpital.

Lucie sourit, compatissante. Depuis qu'elles se sont rencontrées il y a quelques mois quand Lucie m'a déposé du ravitaillement pour une garde de nuit, elles s'entendent à merveille. Des fois Lucie vient à l'hôpital juste pour la voir et m'ignore complètement. Grace n'a que quinze ans alors que Lucie a mon âge et les voir ensemble est comme voir deux sœurs s'amuser entre elles. Ça me fait plaisir de les voir s'entendre aussi bien.

— Je viendrais la voir ce soir avant de rentrer chez moi. Tu fais la garde de nuit ? elle demande en s'éloignant pour aller chercher mon café.
— Non, je la ferai demain. Je dois garder ma nièce ce soir.

Je lui tends quelques billets.

— D'accord, on se voit demain alors.
— Je viendrais déjeuner ici avant d'aller bosser. À demain, je souris.

Je prends ma tasse et sors du café. Le ciel est toujours noir, les rues éclairées faiblement par des lampadaires. Cet endroit est devenu mon habitude grâce à quatre choses : la qualité des produits, le fait qu'il soit ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Lucie, et sa proximité avec l'hôpital. Au bout de dix minutes de marche durant lesquelles je me brûle presque l'œsophage à cause du café (une autre de mes habitudes), j'arrive à l'hôpital. Je me change rapidement dans une blouse bleue puis commence ma journée. Je dis bonjour à Chris et Liz à l'accueil et me dirige vers les chambres et la salle de repos des infirmiers. J'entre dans la pièce vide et ouvre le mini-frigo dans lequel je pose mon déjeuner et une bouteille d'eau.

— Salut, j'entends quelqu'un lancer derrière mon dos.

Je me retourne et souris.

— Salut Dyl. Comment tu vas ce matin ?
— Ce matin ? C'est encore la nuit Hannah.
— T'étais de garde cette nuit hein ? je devine.

Quand Dylan râle et qu'il porte une tête d'enterrement, comme maintenant, c'est souvent parce qu'il a effectué une garde de nuit et qu'il est épuisé. Il est généralement quelqu'un de jovial et qui vous donne envie de rire en toutes circonstances. Dylan s'écroule sur une chaise de la salle de repos, une bouteille d'eau à la main.

— A quelle heure tu termines ? je demande.
— Onze heures. Je reviens ce soir. Toi ?
— Dix-huit heures. Je dois aller chez Harry ce soir.

Dylan hoche la tête, l'air exténué. Je m'approche de lui et pose une main sur son épaule.

— C'est bientôt fini Dyl, courage.

Il penche la tête en arrière et ferme les yeux. Il pourrait presque s'endormir sur cette chaise, dans cette position, au risque de récolter un torticolis. Ça lui est déjà arrivé.

— Heureusement que j'adore ces gosses, sinon je demanderais à ne plus faire de gardes de nuit.
— Comme si t'avais le choix, je lève les yeux au ciel. Je vais préparer les médocs pour Grace, je te laisse. Donne moi un bisou de bon courage.

Always YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant