17 : Rollan et Hortense

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« Vous savez ce qui est pire que de ne pas avoir de lit pour dormir ? C'est d'en avoir un qui put la transpiration d'autrui. Je suis sûr que ces draps n'ont pas été lavés depuis au moins un millénaire !

Rollan repoussa du bout du doigt le morceau de tissu grisâtre censé lui tenir lieu de couverture pour la semaine à venir, une grimace de dégoût scotchée sur le visage. Abéké rit, assise sur l'unique chaise de la chambre.

- Arrête, c'est pas drôle, marmonna Rollan en inspectant minutieusement chaque côté de l'oreiller. J'ai hérité de la pire chambre de tout ce foutu château ! Même les domestiques ne doivent pas avoir autant de mites sous leurs matelas !

- Voilà ce qui arrive quand on se retrouve en rivalité direct avec le fils du riche propriétaire qui nous héberge !

- Je ne vois pas de quoi tu parles, riposta le garçon en piquant un phare.

- Non, bien sûr ! »

Abéké prit un air moqueur. Comme l'autre faisait mine de ne pas la voir, elle projeta un petit morceau de mousse dans sa direction, qui rebondit sur son épaule. Vif comme l'éclair, Rollan se retourna et lui abattit son oreiller rapiécé sur le crâne. La Cape-Verte couina. Elle s'apprêtait à riposter lorsqu'Hortense fit une entrée en fanfare, les bras chargés de couvertures en tous genres.

« Salut les amis ! Je suis passée à la buanderie avant de venir. J'ai cru comprendre que tu n'étais pas le mieux loti de tous, Rollan, alors je me suis dit que ça pourrait t'être utile.

- Merci Hortense, tu ne sais pas à quel point tu me sauves la vie ! Un peu plus et je finissais en pâté pour mites ! »

Il déchargea la jeune fille de son fardeau et commença immédiatement à le déplier. Les filles vinrent lui donner un coup de main et à trois, ils finirent par offrir à Rollan une literie plutôt correcte. 

Lorsque ce fut chose faite, le garçon prétendit tomber de sommeil et les poussa hors de sa chambre. En vérité, il cherchait surtout à se débarrasser d'Hortense pour pouvoir discuter plus librement avec Abéké. Cette dernière accompagna sa camarade jusqu'au coin du couloir pour faire bonne figure avant de revenir rapidement auprès de Rollan.

« On n'a pas encore parlé de la façon dont on s'organise pour nos recherches, indiqua-t-elle tandis qu'il refermait la porte derrière eux.

- Justement, j'y ai un peu réfléchi et je pense que le mieux serait que j'aille farfouiller dans les affaires persos de notre cher ami le Duc pendant que tu t'occuperas des cuisines et autres lieux publiques dans le genre. Il doit y avoir pleins d'employés au courant de trucs intéressants à faire parler là-bas.

- On ne devrait pas plutôt faire l'inverse ? D'habitude, c'est toi qui es doué pour faire la causette, et moi pour la discrétion.

- Je sais, mais cette fois-ci, c'est une affaire personnelle, et j'ai bien l'intention de m'en prendre au Duc le plus directement possible.

Abéké gloussa.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien, je trouve juste adorable la manière dont tu prends les choses à cœur lorsqu'elles concernent Meilin !

- Bon aller, ça suffit, je crois que nous nous sommes mis d'accord, tu peux aller te coucher maintenant ! »

D'un geste mi joueur, mi excédé, il la remit dehors, pour de bon cette fois. Malgré la porte close, il entendit ses rires retentirent en échos dans le couloir.

Le lendemain, Rollan dormit aussi tard qu'il le pu. Sur le coup des onze heures, on frappa à sa porte. Il se leva cahin-caha, les yeux encore bouffis de sommeil. Hortense se tenait sur le seuil de la chambre. Elle prétexta s'être inquiétée de ne pas le voir descendre déjeuner, mais il pressentait que ce n'était pas là la véritable raison de sa venue. Quand elle s'assied sur le lit défait et ramena confortablement les jambes contre elle, il en eut la confirmation. 

.・✭ Animal Tatoo : La colère du Duc de ConcorbaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant