7 : Balade en carrosse

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Il fallut plusieurs heures – qui parurent durer une éternité à Rollan – avant que les marins ne cessent leurs recherches, mais les enfants ne s'autorisèrent à ressortir à l'air libre qu'une fois certains qu'ils ne risquaient pas de tomber nez à nez avec un matelot hors de lui. 

Après avoir passé tant de jours en proie à la panique ou emprisonné dans un endroit plutôt exigu, Rollan ne fut pas mécontent de pouvoir enfin respirer tranquillement. Il s'étira longuement, savourant la caresse de la brise nocturne sur son visage. 

Une fois ses muscles détendus, il roula dans l'herbe tandis que Meilin faisait sortir Jhi de l'état passif dans lequel elle était coincée depuis des jours et l'enlaçait, heureuse de la retrouver. Une furieuse envie de voir Essix près de lui saisit alors le garçon. 

Il avait besoin de lui parler, de la toucher, de sentir qu'elle était là. Malheureusement, l'obscurité de la nuit l'empêchait de distinguer sa silhouette dans le ciel et de toute façon, la pointe de solitude qu'il sentait percer au fond de son cœur lui annonçait que le faucon se trouvait bien trop loin de lui pour pouvoir l'entendre si jamais il se décidait à l'appeler. 

Pour tenter de compenser le manque, il plongea une main dans la douce fourrure de Jhi, que Meilin, toujours aussi peu encline aux déferlements d'affection, avait déjà lâchée.

« Bon c'est pas tout, mais il va maintenant falloir aviser des options qui s'offrent à nous, déclara la jeune fille qui ne perdait décidément pas le nord.

- On doit rejoindre l'Eura, indiqua Rollan, soulignant l'évidence.

Meilin roula des yeux.

- Oui, mais comment ?

- En prenant un autre bateau, je suppose. Tu penses que les Capes Vertes accepteraient de nous prendre à bord de l'un des leurs si on le leur demandait gentiment ?

- Peut-être, mais je ne veux pas prendre le risque qu'ils aient été mis au courant de notre cavale et qu'ils cherchent à nous livrer au Duc. Après tout, même si nous faisons partie des personnalités les plus importantes du pays, nous sommes recherchés, et les Tatoués ont la fâcheuse habitude de se plier aux lois. »

Après maintes délibérations, ils finirent par se mettre d'accord pour jouer une nouvelle fois les passagers clandestins. L'idée ne les emballait pas plus que ça, mais ils ne voyaient pas d'autre alternative. Après s'être promis de se montrer beaucoup plus prudents, ils partirent en repérage sur le port, désert à cette heure-ci.

Le lendemain, ils se fondirent sans mal dans la foule des matelots qui, ayant passé la nuit au château, chargeaient leur navire de toutes les garnisons qu'ils avaient marchandées avec les Capes Vertes. Refusant de faire la même erreur que lors de leur dernière traversée, ils ne jetèrent même pas un regard aux barques de sauvetage pourtant très attirantes et allèrent trouver un coin tranquille où se planquer dans la cale, non loin des cuisines. 

Le voyage se passa cette fois sans encombre, bien que dans un ennui mortel. Le moment de la journée présentant le plus d'animation pour Rollan était celui où se glissait furtivement dans petite pièce servant de garde-manger pour y chiper de quoi les nourrir, Meilin et lui. Le reste du temps, il le passait à discuter avec la jeune fille ou bien à méditer. 

Le plus dur, mis à part la déprime qui n'était jamais bien loin, était d'arriver à ne pas trop ruminer l'incident du marché. Il savait que la mort d'Aaron n'était pas souhaitée et que Meilin s'en voulait terriblement. Aussi, il n'avait pas envie d'enfoncer plus que nécessaire le couteau dans la plaie en lui rappelant ce qu'elle avait fait ni développer du ressentiment à son égard. Pour éviter que cela n'arrive, il se forçait à énumérer dans sa tête toutes les fois où Meilin s'était montrée héroïque dès que l'envie de ruminer de plus sombres pensées se faisait sentir.

.・✭ Animal Tatoo : La colère du Duc de ConcorbaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant