2 : Journée de congé

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Dans son lit, Meilin repassait en boucle le film de sa vie. Elle faisait souvent ça quand elle n'arrivait pas à dormir, classant ses souvenirs, les décortiquant, les analysant encore et encore. Elle pensait au Zhong, son pays ; à son père, mort à la guerre ; à sa vie d'avant et à la fille qu'elle avait été autrefois, ou du moins que les gens pensaient qu'elle était... 

Puis, comme souvent, ses pensées se tournèrent vers Rollan. Le beau, le drôle, le courageux Rollan. Celui avec qui et contre qui elle s'était tant de fois battue. Celui avec lequel elle avait vécu tant de choses. Cela faisait longtemps qu'elle ne le considérait plus comme un simple ami sans oser se l'avouer totalement. 

Quand elle vivait au Zhong, elle avait beaucoup de prétendants. Tous les garçons de son âge et même plus la courtisaient. Ils lui offraient des fleurs par dizaines, l'inondaient de compliments. Pourtant, aucun ne lui avait jamais fait l'effet que lui procurait la présence de Rollan à ses côtés. 

Lui, le vagabond, le va-nu-pieds des bas quartiers, cet orphelin, ce mendiant. Lui qui était le seul à savoir la faire rire et à la connaître réellement. Lui qui l'avait acceptée en tant que Meilin et non comme la « fille du général Teng », une jolie fille riche qui aurait fait un bon parti. Lui qui avait su reconnaître ses qualités et les apprécier. Lui qui lui avait toujours accordé une confiance aveugle, même lorsqu'elle était sous l'emprise de la Bile... 

Plus elle pensait à lui, plus le cœur de Meilin cognait fort dans sa poitrine et bientôt, elle eut comme un besoin irrépressible de se trouver près de lui, de le voir, de l'entendre, de sentir son odeur. Elle voulait qu'il la prenne dans ses bras, qu'il lui murmure à l'oreille et qu'il la serre tout contre son cœur. Elle voulait se sentir en sécurité avec lui, penser qu'il la protégerait.

 Meilin sursauta lorsque cette idée prit place dans son esprit. D'habitude, c'était elle qui protégeait les autres, pas le contraire... Pourtant, elle devait bien s'avouer que si les « autres » en question étaient Rollan, elle était prête à se laisser défendre contre une armée entière de conquérants... même si elle devrait bien finir par aller l'aider, sinon il ne tiendrait jamais le coup tout seul. Cette idée la fit sourire et elle s'endormit, amusée.

Le lendemain était jour de repos. Abéké, Conor, Rollan et Meilin avaient décidé de se rendre à la rivière afin de pouvoir se détendre ensemble. C'était une chaude journée et ils pouvaient donc se baigner sans craindre d'attraper la crève. 

Rollan et Conor ne se l'étaient pas fait dire deux fois et s'amusaient à s'éclabousser. Les filles, plus réservées, s'étaient assises sur un gros rocher et les regardaient jouer en silence. Elles avaient toutes deux enlevé leurs chaussures et leurs pieds trempaient dans l'eau fraîche.

« Ils sont mignons, tu ne trouves pas ? demanda Abéké au bout d'un moment.

- Ils ont surtout l'air de deux gamins, marmonna Meilin en retour.

- Ils ont grandi depuis la première fois qu'on les a vus.

- Normal : ils ont trois ans de plus.

- Ils se sont embellis aussi. Ils sont plus musclés et leurs visages font plus matures.

- Pff, moi je trouve surtout qu'ils ont grossi, lâcha Meilin en rougissant malgré elle.

Abéké se tut un moment. En se tournant vers elle, Meilin s'aperçut qu'elle la regardait, sourire aux lèvres.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien. Toi, par contre... Tu es toute rouge.

Meilin détourna vivement la tête.

.・✭ Animal Tatoo : La colère du Duc de ConcorbaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant