8 : Retour chez les Ardus

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Les souvenirs qui affluaient en Meilin à la vue du désert blanc et froid d'Artica n'étaient pas vraiment les meilleurs de sa vie. La hantise de la mort de son père, la bataille contre Suka, la famine et le découragement pour arriver jusqu'à elle... 

Le conducteur de charrette – Octave de son vrai nom – les avaient déposés sur le port le plus au nord de l'Eura. De là, ils avaient pris un bateau en partance pour l'Artica. Le propriétaire n'était pas vraiment ravi de prendre des passagers, mais Rollan et Meilin avaient su débourser la somme nécessaire pour qu'il s'abstienne de leur faire le moindre commentaire. 

A présent, les deux enfants marchaient en silence sur l'étendue sans fin de la banquise. Pour être sûrs de ne pas se perdre, ils s'étaient solidement encordés l'un à l'autre. Leurs sacs étaient pleins à craquer de nourriture. La vision de faucon de Rollan leur permettait d'avancer en évitant autant que possible les crevasses. 

Meilin aurait aimé lui parler. Elle avait tant de choses à lui dire, mais le jeune homme n'avait visiblement pas la tête à ça. Quand il ne guettait pas les trous sous la neige, il jetait des regards soucieux vers le ciel. 

Cela faisait plusieurs jours qu'ils n'avaient pas de nouvelles d'Essix et ça en devenait vraiment inquiétant. Elle n'était pas morte, auquel cas Rollan ne serait plus en état de faire quoi que ce soit, mais rien ne leur assurait qu'elle ne gisait pas quelque part, agonisante. Cette pensée fit frémir Meilin. Elle n'osait imaginer un monde sans le faucon au caractère de cochon, ou pire encore, avec un Rollan fou à lier.

« Je suis sûre qu'elle va bien, affirma soudain Meilin pour rompre le silence qui devenait pesant.

- Je ne sais pas... Elle n'est pas du genre fusionnel, mais ça n'est pas dans ses habitudes de s'éloigner ainsi sans donner signe de vie... »

Il se mordit la lèvre avec nervosité. Meilin voulut prendre sa main, mais il se dégagea poliment. A la fois triste et vexée, la jeune fille enfonça ses mains dans ses poches et accéléra légèrement la cadence. Il commençait à faire nuit. Avisant une corniche susceptible de les couper du vent, Rollan et Meilin décidèrent de montrer le camp. 

Juste avant de d'entreprendre la traversée d'Eura à Artica, ils avaient pris le temps de se munir d'une petite tente et de deux duvets haute-montagne. Ils ne mirent pas longtemps à tout installer et un quart d'heure plus tard ils se pressaient l'un contre l'autre pour se tenir chaud. Rollan avait sorti deux lamelles de viande et des biscuits de son sac. Ils mangèrent en silence, exténués par leur long périple.

Bien plus tard, alors que le froid de la nuit devenait si intense que son duvet avait du mal à empêcher ses pieds de geler, Meilin se réveilla. Le lit de Rollan était vide. Réprimant la panique qui la menaçait, Meilin sortit la tête de la tente. 

Son ami se trouvait là, assis à quelques mètres de leur abri, scrutant avec anxiété l'obscurité. Il cherchait toujours Essix. Ne sachant pas vraiment comment sa présence serait reçue, Meilin appela Jhi. Elle espérait que l'énergie tranquille de son panda pourrait aider le garçon à s'apaiser. Ce dernier sursauta lorsque Jhi posa sa grosse tête sur son épaule. Il était si perdu dans ses pensées qu'il ne l'avait même pas entendue arriver. 

Une fois remis de sa surprise, il accepta de bonne grâce l'affection du panda, et alors que celui-ci se couchait près de lui, il se tourna vers son invocatrice. Meilin lui adressa un sourire timide puis, voyant que son inquiétude pour Essix prenait le pas sur son ressentiment, elle sortit à son tour de la tente et s'avança vers ses compagnons.

« Ça va ? demanda-t-elle en prenant place de l'autre côté de Jhi.

- Je n'arrivais pas à dormir : il fait trop froid. Et toi ?

.・✭ Animal Tatoo : La colère du Duc de ConcorbaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant