-Chapitre 14-

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6 jours.

Les flammes grignotant les brindilles crépitaient, offrant pour seul réconfort aux deux fugitifs, la chaleur leur rappelant leur foyer. Foyers qui devaient être réduits à néant, comme la totalité de ce qui représentaient la clarté, l'ordre, et l'avant-guerre. Hermione plongea son pic en bois pourvu d'un maigre morceau de chair de rat dans le feu ardent qui se consumait devant ses yeux révulsés par la fatigue. Son genou heurtait de temps à autre celui de Drago, mais ils n'avaient plus la force de se parler. Effarés, ils n'osaient plus compter les minutes qui les séparaient de la fin. La motivation semblait s'être enfuie au plus profond d'un enfer abyssal duquel elle ne souhaitait plus sortir.

Drago bascula sa tête en arrière et il ferma les yeux. Ses muscles ne désiraient plus qu'une chose qu'on les laisse tranquille mais son mental, lui, refusait de flancher.

- Malefoy, commença la brune, j'aimerais te connaitre. Toi. Et la raison pour laquelle tu n'as agit que maintenant. S'il te plait.

Hermione coula un regard abattu au blond.

- Si nous venons à mourir, j'apprécierais avoir pu découvrir l'étendue de ta souffrance et la partager un temps soit peu, pour que ton histoire ne s'efface pas. Qu'elle soit marquée d'une pierre blanche dans un esprit, au moins, je t'en prie.

Drago posa sa main contre son épaule meurtrie tandis qu'il pesait le pour et le contre. Après toutes ces années de mutisme, allait-t-il réussir à exprimer l'inexprimable ? Ses pupilles se focalisèrent sur les flammes orangeâtres qui tendaient à s'envoler vers les étoiles.

- J'ai été élevé par ma mère jusqu'à mes neuf ans. Elle m'apportait amour, respect, valeur et sagesse. Son rôle de mère lui tenait particulièrement à cœur. Elle me répétait sans cesse que j'étais un bon, un gentil garçon. Elle m'aimait, plus que quiconque, Hermione. Il soupira. Mon père ne fut présent pour moi qu'à mon neuvième anniversaire. Un homme froid, hautain, méprisable. Si tu savais comme je le haïssais... Il m'a enseigné à fermer mon esprit, à ne pas être vulnérable. Il m'a toujours trouvé trop sensible, pas assez courageux, trop faible. trop lâche, cracha-t-il. L'avis de ma mère ne comptait plus pour personne. J'étais devenu la chose de mon père, son maigre espoir. Si je n'agissais pas comme bon lui semblait, je recevais une correction bien méritée. Je te laisse tout le loisir d'imaginer.

Hermione déglutit péniblement.

- Je l'admirais pour sa force. Et quelle force, grommela-t-il dans sa barbe. Enfin, je suis arrivé à Poudlard. Sans hésitation, je fus réparti à Serpentard. Je pensais enfin m'enfuir de cet enfer que je vivais, au manoir. ce fut tout l'inverse. Je me calquais à mon père sans arrêt : hautain, mauvais, négligeant. J'ai été élevé dans le culte de la pureté du sang. Et, tu faisais partie des tares que j'avais appris à détester. Je vous ai longtemps jalousé, sa voix se brisa, réduite par un violent sanglot.

Il coula un regard austère à son acolyte. Cette dernière se figea. Cette version de lui était effroyable.

- Toi et Ron vous tourniez autour d'Harry, sans arrêt. C'était toujours vous trois. Vous vous aimiez, bien plus que je ne pouvais l'imaginer. D'un amour pur, inébranlable. Je n'avais rien de tout ça. Harry semblait être l'obsession et la priorité de mon père. Harry semblait être la priorité des professeurs, des élèves, de toi, de tout le monde. Et je demeurais Drago Lucius Malefoy. Le grand méchant de l'histoire. Et, même si je ne me pardonnerais jamais tout ce que j'ai pu dire ou faire, je comprends cette petite partie de moi, qui parait être vouée à un avenir funeste, fait de vengeance et de regrets.

Un long silence suivit la tirade de Drago. Hermione ne savait comment rebondir, et elle trouva légitime d'accuser le coup sans mot dire. Il glissa subitement son bras le long de la nuque de la jeune femme tout en appuyant son menton sur le haut de son crâne.

- Parle-moi de toi, susurra-t-il de sa voix rocailleuse, pour que nous soyons enfin sur le même pied d'égalité.

- J'ai vécu une enfance relativement simple, en comparaison. Issue d'une famille moldue, je ne connaissais rien à la magie. J'ai eu la chance d'avoir deux parents aimants, prêts à me soutenir quoi qu'il advienne. Ma première année à Poudlard a été, cependant, la pire année de mon existence. Je me réfugiais d'autant plus dans les livres pour fuir les moqueries et les mauvaises langues dont tu faisais partie. Mon sang faisait apparemment tâche parmi vous tous. Je me suis par la suite liée d'amitié avec Neville, Harry, Ron et ses deux grands frères, George et Fred. Je me suis rapprochée de Fred, plus que je ne l'espérait, au fil du temps. Elle soupira. George était comme moi, sensible, attentif, plus discret. mais Fred... Il rayonnait. Et j'aimais sa manière de vivre, au jour le jour, sans jamais éprouver le moindre regret. Il était incroyable, Drago, tu peux me croire. Je suis tombée amoureuse de lui, et ce fut loin d'être un long fleuve tranquille. Ron ressentait vraisemblablement des sentiments pour moi, sentiments qui par ailleurs n'étaient plus réciproques. Les deux frères se sont haït, battus durant des mois,

- Jusqu'à ce qu'il comprenne que l'amour et le cœur étaient plus fort que tout.

Hermione se blottit contre le torse de Drago et elle ferma les yeux : elle divagua bien vite sur ce souvenir, ce soir-là, dans la salle commune. Cette nuit où elle crut ne jamais plus réussir à respirer.

" Novembre 1995.

Tu t'approchais de moi, au beau milieu de la salle commune de Gryffondor. Ta main posée sur ma taille. L'autre me caresse la joue. Les battements de mon cœur s'accélèrent. j'ai peu mangé, pourtant je ressens l'envie soudaine d'évacuer mon diner. Tu frôles mon oreille. Tu murmures : " tu as gagné la partie, Hermignonne, je suis incapable de me tenir éloigné de toi."

Ta poigne se resserre autour de ma taille. Mon estomac se contracte. J'ai compris.

Tu m'embrasses. Oubliant la pudeur. Oubliant les interdits. Oubliant les sentiments de ton petit frère. tu ne peux résister. Je t'aime, Fred Weasley. je veux le crier. Le hurler. Comme un animal blessé. Je t'aime, toi et ta stupide audace.

Tu t'éloignes légèrement de moi. Tu me souris malicieusement. J'ai gagné.

Ron se lève. Il renverse un fauteuil. George tente de calmer le dragon qui s'éveille en lui. Ron s'approche dangereusement de toi. Sa mâchoire se contracte. Ses poings se resserrent. Il compte te frapper. Vous vous battez. Comme des lions. Comme des diables. Tu te bats pour défendre tes sentiments. Il se bat pour clamer haut et fort qu'il est déçu, qu'il a mal. Il te hait, en cet instant. Tu saignes. Il mugit.

McGonagall débarque en trombe dans la salle commune. Elle vous sépare. Vous vous considérez froidement, comme en tant de guerre. Une guerre entre Weasley. "

" Depuis ce soir,

ce soir où j'ai dû faire taire les cris de mon âme,

je me suis fait la promesse de me venger,

Hermione, tu as choisi ton côté.

La partie ne fait que commencer,

Et je te promets,

de me venger,

pour avoir écorché mon cœur. "

𝟑𝟎 𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐬'𝐨𝐮𝐛𝐥𝐢𝐞𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant