Prologue

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Une ombre se faufile dans l'obscurité. Elle passe outre les caméras, les lanternes trop vives et les regards scrutateurs des oiseaux nocturnes, puis se glisse jusqu'à une porte entrouverte. Comme prévu. Elle prend garde à ne pas claquer la poignée et s'avance dans le noir.

D'ici, on pourrait croire qu'elle sait ce qu'elle fait. Pourtant en s'approchant, on remarque ses mains tremblantes, son souffle court et ses gestes maladroits. Ce n'est pas une professionnelle, loin de là. Elle n'a rien de ces voleurs, cambrioleurs ou simples visiteurs qui brisent les lois pour leur plaisir. Elle n'est qu'une ombre. Une ombre lourde de regrets, mais prête à tout pour réparer sa faute.

La porte se ferme. L'immense bâtiment engloutit la fine silhouette, tel un insatiable mangeur d'Hommes. Qui sait combien de temps elle mettra à digérer celui-ci ?

Mais revenons quelques pas en arrière, à l'abri des caméras encore éteintes. C'est en s'écartant du sujet qu'on le comprend parfois mieux ; comme s'il s'agissait de cligner des yeux pour comprendre comment mettre le roi en échec.

L'ombre du bâtiment s'étend, silencieuse, sur une plaine vide, abandonnée il y a plusieurs siècles pour des raisons obscures. Quelques empreintes de pas, les siennes sûrement, forment des miroirs pour la brume dans l'herbe boueuse.

On serait presque tenté d'observer le ciel, de s'allonger là pour cueillir les étoiles, si le brouillard ne nous en empêchait pas. Impossible de savoir où commence le ciel, où stagne le soleil ; la brume se referme et vous laisse ses larmes pour seul horizon.

On pourrait se croire au milieu de l'Écosse, aux pieds d'un de ces châteaux sombres où hurlent des fantômes incapables de se défaire de leurs chaînes, et nul n'aurait tort d'y songer, d'ailleurs. Pourtant, nous sommes toujours en France, à quelques kilomètres d'une boulangerie à l'odeur de pain, de croissants et de macarons.

Ici tout est flou, secret, rempli de mystère. C'est comme si chaque atome s'accrochait à vous pour vous empêcher de partir, comme si chaque brin d'herbe pliait dans une direction différente pour vous perdre. Comme si tout ici s'arrangeait pour vous retenir entre les griffes de la Demeure.

Le silence lui-même semble maître des lieux et les cris des chouettes et des corbeaux sont rendus inaudibles par le rideau de brouillard. Cependant, bientôt, celui-ci se lèvera. Bientôt, la plaine perdra son obscurité pour redevenir celle qu'elle était avant que les Hommes ne la ternissent. Peut-être est-ce là une seconde chance, ou peut-être est-ce autre chose...

Dans quelques heures, ce paisible endroit sera souillé de corps évanescents. En attendant, amis, levez vos verres. Le banquet peut commencer...

Le Club des Handsome GuysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant