22. Elias ?

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Je m'oblige à descendre au sous-sol, mon livre entre les mains, même si j'ai tout sauf envie de cuisiner avec les deux super-glues qui ne me lâchent pas d'un pouce. Lorsque j'ouvre la porte de la cuisine, il est encore tôt et la préparation du dîner ne commence pas avant une heure. Juste le temps qu'il me faut pour mitonner une quiche Lorraine, en comptant la cuisson.

Je m'avance et repère le cuisinier au fond, la tête plongée dans un des larges réfrigérateurs, sans doute en train de chercher quoi faire pour le repas de ce soir. Je m'approche et lance :

— Bonsoir !

Le cuisiner sursaute et s'écarte avant de claquer la porte et de se tourner vers moi. Son visage s'illumine tout à coup.

— Lucas ! Je t'ai déjà dit de me tutoyer, voyons.

Il se penche sur le côté et observe Néo et Friedrich avant de me demander en les désignant d'un mouvement de tête :

— De nouveaux amis ?

— Je n'ai pas d'amis.

Il éclate d'un rire franc et pose un bras autour de mes épaules pour m'obliger à faire face aux deux Piques. Je retiens un soupir et me force à sourire, rictus qui n'a pas l'air de contenter le cuisinier, puisqu'il s'exclame :

— Comme l'indique ma grosse bedaine, je suis le cuisinier de ce château. Je m'appelle Jérémie, mais certaines personnes me surnomment Garfield.

J'ai l'impression qu'il jette un léger coup d'œil vers le mur en terminant sa phrase, mais son regard revient si vite vers nous que je me demande si je n'ai pas rêvé. En tout cas, il ne m'avait jamais parlé de ce surnom. J'aimerais bien savoir qui a eu l'idée de lui donner un nom pareil.

Néo affiche un grand sourire et tend une main que Jérémie s'empresse de serrer.

— Moi, c'est Néo. Et lui, c'est Friedrich, ajoute-il en désignant celui-ci dans son dos.

L'intéressé se contente d'un léger geste de la main et continue son exploration minutieuse de la cuisine, ses yeux ne semblant pas s'arrêter une seule seconde sur ce qui l'entoure mais tout englober d'un seul coup.

Je brandis le livre que je tiens dans les mains et déclare, à l'attention de Jérémie :

— Je voudrais faire une quiche Lorraine, si ça ne t'embête pas.

Il sourit et s'essuie les mains sur son tablier, libérant mon dos d'un poids au même instant. Je prends une grande inspiration avant de poser le livre sur le plan de travail et d'aller me laver les mains. Je sais très bien qu'il ne dira pas non, j'espère juste qu'il demandera à Néo et Friedrich de partir pour limiter le nombre de personnes dans la cuisine. Malheureusement, mes prières ne semblent pas avoir été entendues.

— Mais bien sûr ! Je suis sûr que tes nouveaux amis sont des as en cuisine, en plus. Vous pourrez peut-être m'aider à préparer le repas quand vous aurez fini.

Je lui lance un regard rempli de sous-entendus et demande :

— Tu n'as pas déjà des commis pour ça ?

Il me lance un clin d'œil, se penche vers moi et chuchote à mon oreille.

— Les caméras te surveillent. Saisis ta chance, Lucas. Ne te laisse pas distancer à cause de ton introversion.

Je ne saisis pas bien ce qu'il veut dire par « distancer », mais je décide de l'écouter et de rester ; sa première phrase bien ancrée dans la tête. Les caméras me surveillent. J'avance vers le lavabo, suivi par mes compagnons de ce soir. Jérémie a raison sur un point : mon introversion m'a déjà beaucoup coûté. Elias appréciait Néo, je n'ai plus qu'à faire de même. Je lui tends la serviette pour qu'il s'essuie les mains et il me retourne un sourire pour me remercier.

Le Club des Handsome GuysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant