38. Franchir la porte du monde

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Je sais très bien que l'amour n'est pas qu'une histoire de colle. Ou de Cole, c'est selon. Je suis conscient que vouloir rester à moins de dix centimètres de l'élu de son cœur toute la journée est un comportement plutôt malsain, en réalité. Être amoureux c'est aussi savoir apprécier la liberté de l'autre. Ce qui n'empêche pas d'en être jaloux.

Cole est introverti, mais il attire les gens comme un aimant. Sans doute un peu à son insu et plus qu'il ne le souhaiterait. Les gens l'apprécient facilement, c'est un fait. Je comprends aisément pourquoi, d'ailleurs.

Je n'ai pas cette capacité. Les autres ne s'intéressent pas à moi autant qu'à lui. Leurs sourires ne sont pas aussi sincères lorsqu'ils sont lancés dans ma direction. Je ne devrais pas en être jaloux, au contraire, je devrais être heureux pour lui ; mais je ne peux m'empêcher de l'envier.

— Lucas ? Peter a proposé d'aller tester la piscine, tu viens ?

Le sourire de Cole au-dessus de moi me sort de mes pensées et une pointe de culpabilité me saisit. Je me force à lui sourire naturellement et repose ma tasse sur la table.

— Non, merci. Je préfère vous laisser entre vous.

Ce n'est pas l'envie de le voir en maillot de bain qui manque, pourtant. Mais les regards fuyants de Lysandre et Peter qui discutent ensemble me font comprendre qu'en réalité, seul Cole souhaite ma présence. J'ai à peine refusé que les deux compères entraînent déjà Cole loin de moi. Il se retourne pour m'adresser un signe de la main, ainsi qu'un sourire triste, et disparaît.

Je me retrouve presque seul dans la grande salle, la solitude au cœur et des larmes aux bords des paupières. Qu'est-ce que j'ai fait ? Ou plutôt, qu'est-ce que je n'ai pas fait ? Pourquoi ne parviens-je pas à nouer des amitiés aussi solides que celles des Trèfles ?

Je me lève et abandonne le reste de mon petit-déjeuner. Cette histoire m'a coupé l'appétit. Au moins, je n'ai pas encore revu Jasper. Nul doute qu'il saisira le premier moment pour me faire la peau. Tant pis, j'ai fait mon choix et je ne compte pas le regretter tout de suite.

Alors que je marche vers la sortie, une tâche blanche envahie ma vision. Je crois d'abord que je fais un malaise, avant de me rendre compte que c'est simplement Felix qui me tend un kimono.

— Pour toi.

Je tends la main et saisis le vêtement avant de le regarder. Son visage est aussi inexpressif que d'habitude, pourtant il me met du baume au cœur. Un sentiment rapidement remplacé par la sensation de trahir Cole. Pour chasser cette idée de mon esprit, je demande :

— Comment tu as su ma taille ?

Felix hausse les épaules.

— J'ai su, c'est tout.

Je ne peux m'empêcher de sourire. En dehors du tapis d'entraînement, difficile de lui arracher plus de dix mots. Il esquisse un sourire maladroit en réponse.

— Et pourquoi tu as fait ça ?

Il hausse à nouveau les épaules. À croire que je ne fais que poser des questions stupides.

— Tu en avais besoin.

Je ne comprends pas tout de suite la teneur de ses mots, comme si mon cerveau hésitait à les enregistrer. Lorsque je les saisis enfin, ils agissent comme une évidence. Félix a raison, j'en avais besoin. Du vêtement, certes, mais surtout de ses paroles et de ses actes. De son attention. Une attention bien différente que celle que m'offre Cole. Une attention amicale.

— Tu as raison, je dis. Allons-nous entraîner.

Cette fois-ci, un véritable sourire se dessine sur ses lèvres, comme s'il avait jusque-là craint que je refuse son cadeau.

Le Club des Handsome GuysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant