12. Le passé remonte toujours à la surface

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— Qu'est-ce qui se passe ?

Il ne répond pas et me fait signe de le suivre. Je lui emboîte le pas jusque dans le Salon. Personne n'a bougé, les candidats assis là sont les mêmes que quand je suis parti. Je cherche Alexandre des yeux, mais il n'est pas dans la pièce. Je m'aperçois alors que tout le monde m'observe d'un drôle d'air. Lysandre se décale sur le canapé et me fait signe de m'asseoir. Tout ce silence commence à former une masse informe dans ma gorge. Je m'oblige à parler pour la chasser.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi vous faites tous cette tête ? Tu ne devais pas peindre, Peter ?

Lysandre et lui échangent un regard. Le poids dans ma gorge est retombé et me tord désormais le ventre. Je me tortille sur le canapé, ce qui ne fait qu'empirer ma gène. Avec une moue attristée, Lysandre me tend son portable. Un article de journal envahi l'écran. Je plisse les yeux. La mise en page et la formulation des phrases me procurent une sensation de déjà-vu.

Je relève la tête et croise le regard de Cole, assis face à moi, qui baisse les yeux presque immédiatement, comme si soutenir mon regard lui coûtait trop cher. Et soudain, je me souviens. Je rends son portable à Lysandre et me tourne vers Peter.

— C'est l'article sur mon frère.

Il hoche douloureusement la tête.

— Je peux savoir qui vous l'a montré ?

Il y a plus de colère dans ma voix que je ne l'aurais voulu. Ce morceau de journal réveille de mauvais souvenirs. Je croyais qu'il avait été oublié de tout le monde. Apparemment, ce n'est pas le cas.

— Internet.

Lysandre répond sans me regarder, les yeux fixés sur son portable. Il se dépêche d'enchaîner, comme si un trop long silence pouvait me faire exploser. Je crois plutôt qu'il pourrait me tuer.

— L'article est partout sur les réseaux depuis ce matin. On sait que tu n'y es pour rien, mais certaines personnes ont commencé à dire que c'était ta faute si ton frère s'était fait harceler, que c'est parce que...

— Parce que c'est moi qui ai dénoncé les frères et sœurs de ses camarades et les ai envoyés en prison.

Je me masse les tempes. Je sais tout ça. Ce n'est pas nouveau. C'est même pour ça qu'on devait déménager, mais ça ne s'est pas fait...

Lysandre acquiesce et termine dans un souffle :

— Ils disent que c'est toi qui es responsable de la tentative de suicide de ton frère et que, si tu avais voulu, tu aurais pu le sauver plus tôt.

Cette fois, j'explose. Qu'on m'accuse d'être responsable de son harcèlement est déjà dur, mais qu'on insinue en plus que j'ai voulu le laisser mourir, je ne peux pas laisser passer ça.

— Et qu'est-ce qu'ils en savent ces cons, hein ? Ils étaient là au moins ? C'est pas eux qui ont vu leur frère s'asphyxier sous leurs yeux, merde ! Bien sûr que j'aurais pu le sauver si j'étais arrivé plus tôt, peut-être qu'il vivrait normalement aujourd'hui ! Mais non, il est coincé sur un lit d'hôpital et je suis obligé de participer à cette putain d'émission pour qu'ils ne le virent pas de l'hosto !

Peter me retient par les épaules et me force à me rasseoir. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'étais debout. Je me dégage et Zhao accourt pour lui donner un coup de main. J'ai envie de les frapper pour évacuer ma colère, mais une petite voix me souffle que ce ne sont pas les responsables, alors je les laisse me malmener comme une poupée de chiffon. Leurs voix me semblent lointaines, une seule phrase tourne en boucle dans mon esprit : Je l'ai tué. Je l'ai tué. Je l'ai tué.

Le Club des Handsome GuysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant