Milo ne souhaite que deux choses dans la vie : être heureux et passer un maximum de temps devant la console. Lycéen à l'imagination débordante, Milo est un jeune homme solitaire évoluant dans une petite bulle tranquille. Cependant, ce style de vie n...
— Un camp de vacances ? C'est une mauvaise blague, j'espère ?
J'ai attendu le départ de tous les invités pour parler avec mes parents et exposer mon point de vue sur ce plan foireux. Ils savent que je déteste me retrouver au milieu de personnes de mon âge et il est encore trop tôt pour me lancer dans l'inconnu. Mes mains tremblent légèrement en songeant à ce qui m'attend dans cette colonie pour les gamins. Un mélange de colère et d'angoisse.
— C'est uniquement pour ton bien, mon chéri. Ton psychiatre est d'accord avec notre décision de t'envoyer dans ce camp. Nous avons convenu que c'était le meilleur moyen pour toi de tourner définitivement la page, dit ma mère.
— En m'envoyant à l'échafaud ?
— Ce n'est pas une punition. Considère cette expérience comme une aventure afin de rencontrer de nouvelles personnes et changer d'air. Veux-tu passer le reste de ta vie dans ta bulle alors que tant de belles choses n'attendent que toi.
Mes parents veulent bien faire, mais ce cadeau est un véritable poison. Je souhaitais passer mon été devant la console et me promener le soir en toute tranquillité. Mais au lieu de ça, je me retrouve dans un camp de vacances minable dans lequel je vais devoir prétendre ne pas m'ennuyer et aller bien. Ma place est réservée pour début Juillet et je ne pourrais pas y échapper. Des idées loufoques s'installent dans mon esprit, je suis suffisamment désespéré pour tenter ma chance et espérer convaincre mes parents de ne pas m'envoyer dans ce camp de vacances.
De la musique provient de la chambre de ma sœur. Elle est en compagnie de ses deux meilleures amies, Hannah et Melody. La seconde ne pouvait pas être présente lors du barbecue car celle-ci participait à une importante compétition de natation. Je donnerais n'importe quoi pour échapper à cette conversation et prétendre ne pas être blessé par le choix de ma famille.
— J'aurais simplement pu me rendre chez papi et mamie ! m'exclamé-je.
— Les choses doivent changer, Milo.
Mon père et ma mère échangent un regard signifiant que cette conversation est close. Je soupire puis m'éloigne de mes parents en serrant les poings. Cela ne sert à rien de les raisonner, ils sont déterminés. Je récupère rapidement mon portable puis enfile de nouveau ma paire de tongs pour quitter la maison. J'ai besoin de prendre l'air et m'éloigner du domicile familial.
J'attrape les écouteurs traînant dans la poche de ma veste puis quitte la maison en claquant la porte. Ils ont comploté dans mon dos uniquement pour m'envoyer en prison. Je glisse mes écouteurs dans les oreilles puis lance une chanson de ma playlist du moment et m'éloigne de mon quartier paisible. Everhill est une ville moyenne située dans le Maine. Elle est recommandée en tant que destination de vacances, mais il est rare de croiser des touristes.
Je prends la direction de la plage située à moins de trois kilomètres de la maison pour faire ma balade quotidienne. Il est suffisamment tard pour que je puisse librement me promener et ne croiser personne. J'enfonce les mains dans les poches de mon pantacourt puis me laisse bercer par la musique. Cela me donne au moins l'occasion de ne plus penser.
***
La plage est presque toujours bondée de monde la journée, mais le soir c'est une autre histoire. Il arrive que certains groupes d'amis se retrouvent pour passer la soirée, mais c'est très rare. Je m'installe sur le ponton en souriant légèrement. Personne ne peut m'emmerder lorsque je suis ici. Je peux être moi. Parfois, j'ai le sentiment que les gens attendent toujours quelque chose de moi. Mes parents et mon psychiatre veulent me rendre heureux alors que je le suis déjà. J'ai une bonne famille et jouer à la console m'aide à ne pas sombrer dans de nouvelles crises d'angoisses. Je ne suis pas parfait, mais qui l'est ? J'ai conscience que j'avais besoin d'aide lors de ma dépression, mais je vais mieux maintenant. Mes idées noires ont disparu et j'arrive à sortir librement sans craindre le regard des gens.
Je retire mes tongs puis plonge mes pieds dans l'eau encore chaude puis soupire. C'est ce quotidien que j'aime. Ma place n'est pas auprès d'adolescents stupides dans un camp de vacances. Il est vrai que je pourrais peut-être me détacher des écrans de temps en temps, mais jouer aux jeux vidéos est un peu une passion. Je soupire d'agacement en imaginant mon arrivée dans ce camp de vacances. Je ne suis pas certain que cette aventure en soit une bonne.
Le soleil est sur le point de se coucher. Les journées se rallongent de plus en plus, c'est agréable. J'ai beau être épuisé par cette folle journée, je ne me sens pas d'humeur à rentrer et sauter dans mon lit pour dormir. Les gloussements des amies de My m'empêcheront de trouver le sommeil avant le milieu de la nuit. J'éprouve un pincement de jalousie en songeant à la chance que ma sœur a eu durant toute sa scolarité. Myla n'a jamais vécu l'horreur du harcèlement moral et physique et n'a jamais éprouvé l'envie que tout s'arrête durant une brève minute. Minute suffisante pour avoir cette idée ancrée dans la tête pendant des mois. Elle s'est toujours retrouvée entourée d'amis tandis que moi je me contentais de rester dans l'ombre à attendre un miracle. Il est probable que je ne me sois pas montré assez entreprenant envers les autres, mais comment l'être ?
J'observe le ciel aux teintes orangées en souriant de nouveau. J'aime cette ambiance tranquille et estivale. Je repousse une mèche de mes cheveux bouclés puis plonge ma main dans l'eau. Ma plus grande envie est de plonger dans cette eau turquoise et laisser mon esprit s'envoler. Je regarde autour de moi afin de surveiller de potentiels voleurs, mais constate avec soulagement que personne n'est dans les parages. Je coupe ma musique puis retire mes écouteurs puis camoufle celui-ci dans la poche intérieure de ma chemise. Il ne me faut que quelques secondes pour me décider à retirer mon débardeur ainsi que mon pantacourt et abandonne le tout sur le ponton avant de plonger dans la mer.
J'ouvre les yeux sous l'eau afin de regarder les poissons nager en toute tranquillité. Je reste quelques secondes ainsi avant de remonter à la surface et m'allonge en soupirant. Ces quelques secondes de paix intérieure sont bénéfiques. Mes parents ont peut-être décidé de m'envoyer dans un camp de vacances cependant je suis libre de mes choix. J'arriverai à les convaincre de ne pas m'y envoyer. Milo Howell ne va certainement pas se laisser faire ! C'est terminé l'époque où je me faisais écraser par des connards arrogants. Je ne suis peut-être pas encore capable de faire face aux adolescents de mon âge cependant je suis encore capable de dire non à mes parents lorsque c'est nécessaire.
Je reste de longues minutes à fixer le ciel dont les étoiles commencent lentement à apparaître. Je suis seul contre le reste du monde, c'est tellement bon comme sentiment, mais cela ne durera pas. Ma prochaine crise d'angoisse pourrait débuter dans les prochaines minutes ? Ces moments de paix ne sont que temporaires et l'ancien Milo reviendra chassant tout ce qu'il y a de bon en moi. Je plonge ma tête sous l'eau en nageant de plus en plus profondément comme si ce geste allait noyer mes problèmes. J'aimerais parfois tout effacer et recommencer ma vie dès le début afin de réparer mes erreurs. J'aimerais être le garçon que mes parents ont toujours voulu et ne pas être cette épave. La normalité est-elle réservée uniquement aux privilégiés ? Une nouvelle forme de jalousie bouille dans mes veines cependant je la chasse. Mon psychiatre dit que je garde trop de choses pour moi et que ce n'est pas bon. J'ai conscience d'éprouver beaucoup de jalousie pour toutes ces personnes vivant dans un monde parfait et qui n'ont jamais connu la douleur et la souffrance interne. J'ai honte d'éprouver une telle chose pour ma propre sœur. Avec l'espoir cela s'effacera, du moins je l'espère.
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