- 〉écho ❞

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𝙀𝙘𝙝𝙤 - 𝙎𝙤𝙡𝙞𝙩𝙪𝙙𝙚

Une pierre atterrit contre sa vitre, et le garçon releva la tête. Il était jusque-là roulé en boule sous sa couette, essayant vainement de se réchauffer ― il tremblait depuis la veille, de façon si incontrôlée que les adultes lui avaient dit de s'enfermer au chaud pour les faire cesser, quand bien même cela ne servait à rien dans son cas ―, et il eut toutes les peines du monde à se tirer de l'étreinte chaude de la couverture pour se poster à sa fenêtre.

Le bruit d'autres pierres contre celle-ci le poussa cependant à se hâter, et il plaqua finalement son nez et son front contre le verre, avant de reculer en sentant le froid mordant le gagner à nouveau. Malgré la nuit tombée depuis des heures, il distingua une silhouette qui lui faisait des signes un peu plus bas. Un petit sourire éclaira son visage quand il le reconnut enfin. Il avait beau se changer en glaçon, la simple vue de ce garçon aux fines boucles brunes le réchauffait inexplicablement.

Le garçon aurait voulu descendre le saluer, jouer avec lui jusqu'au bout de la nuit, mais il savait que les adultes étaient dans le salon. Il savait qu'ils surveilleraient l'entrée, ce soir encore plus que d'habitude, et qu'ils ne laisseraient plus rien passer. Ils avaient découvert sa transgression de l'interdit, et ils l'empêcheraient de recommencer, c'était certain. Le garçon n'avait même pas pu dire au revoir à son ami. Cela le rendait triste.

Il se tenait pourtant debout, face à lui si on omettait la différence de hauteur entre eux. Lui était au troisième étage, son compagnon à même le sol, et ils n'avaient aucun moyen de se rejoindre, ou même de communiquer discrètement. Si seulement... Si seulement il avait maîtrisé ses pouvoirs, il aurait peut-être pu faire quelque chose. Après tout, les adultes passaient leur temps à apparaître et disparaître soudainement, et il était comme eux, non ?

Il plissa les yeux très fort, dans le vain espoir de provoquer quelque chose. Peut-être que s'il y mettait son cœur, son âme, il y parviendrait ? Rien ne changea autour de lui cependant. Les pierres avaient cessé de heurter sa vitre, signe que l'autre l'avait vu. Pourtant, devant son absence de réaction, il vit clairement son ami perdre son enthousiasme. Cela lui brisa le cœur encore un peu plus.

Ses mains frigorifiées se posèrent sur le bord de la fenêtre. Peut-être qu'il pouvait simplement l'ouvrir ? Au moins pour lui dire au revoir ? Mais à peine eut-il tenté de pousser la vitre qu'une main se posa sur son épaule et le fit sursauter.

« Arrête. »

La voix chaleureuse le fit se retourner doucement. Il pensait que l'adulte venu serait en colère... Mais la femme face à lui lui sourit doucement. C'était celle qu'il préférait, réalisa-t-il. Celle qu'il considérait presque comme sa mère, parce qu'elle s'occupait de lui depuis qu'il avait ouvert les yeux, et qu'elle avait de beaux cheveux d'une teinte proche de la sienne.

« Tu ne peux pas t'approcher de lui, reprit-elle en se baissant à sa hauteur, froissant les beaux motifs de son kimono. Il est dangereux.

Mais c'est mon ami ! protesta faiblement l'enfant.

Les gens comme nous n'ont pas d'amis, mon petit. Nous ne sommes pas comme ces humains. Les liens amicaux n'existent pas pour nous.

Mais... »

Ces lois lui semblaient bien cruelles. Il ne se sentait pas différent de ce garçon qui attendait sa venue, bien au contraire. Même si leurs couleurs de cheveux et d'yeux étaient différentes, ils avaient la même peau pâle, le même sang qui battait dans leurs veines. En quoi était-il moins humain que lui ? Pourquoi ne pouvait-il pas rejoindre cet enfant aux yeux chaleureux et au sourire innocent ? L'adulte sembla remarquer son trouble et son sentiment d'injustice, car elle se baissa pour prendre sa main dans la sienne. Ses doigts à la couleur des roses vinrent caresser doucement la peau du petit garçon.

« Je sais que c'est difficile, elle lui sourit, et il réalisa alors que, toute adulte qu'elle semblait, elle ne devait pas être si âgée ; sa peau ne portait pas l'ombre d'une seule ride, et possédait bien au contraire la tendresse de la jeunesse. Mais tu ne peux pas y changer quoi que ce soit pour le moment. » Elle sembla hésiter avant de remettre une mèche de ses cheveux en place. « Viendra un jour où, si tu le désires encore, tu pourras essayer de changer nos lois. Mais ce jour n'est pas encore venu, et il te reste encore beaucoup à apprendre.

Est-ce que je peux au moins lui dire au revoir ? » plaida finalement l'enfant en serrant la main de l'adulte.

« C'est impossible. » Sa voix était ferme malgré la sollicitude. « Il est déjà trop tard pour cela. Un jour peut-être le reverras-tu. Mais ce jour-là... »

L'expression tendre de l'adulte se froissa en un visage inquiet et triste. Le garçon ne comprenait pas vraiment pourquoi. Quelque chose de mauvais allait-il se produire s'il revoyait son ami ? Non, impossible. Le garçon niait cette possibilité de tout son cœur. Il se le promettait, il allait revoir son ami. Que ce soit dans un an ou dans dix, leurs chemins se recroiseraient, il en était certain.

Parce que jamais il n'oublierait son nom. Il le conserverait, gravé dans son cœur, jusqu'à ce qu'ils puissent se revoir. Et il le répéterait chaque jour, pour ne jamais l'oublier.

Osamu Dazai. Son ami.

-

« Tu aurais dû lui dire la vérité.

Hors de question. Il n'a même pas dix ans.

Peu importe. Il doit faire face à son identité.

C'est aisé pour toi de dire cela.

Nous sommes passés par là aussi.

C'est justement pour ça que je refuse de lui dire si tôt.

Je le ferais moi-même alors.

Ôgai.

Quoi ?

Fais un pas de plus et je t'envoie en Enfer.

Tu sais que c'est impossible.

L'impossible ne m'a jamais arrêtée. »

NOS NOMS ÉCRITS À LA CRAIE - 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂, 𝘀𝗵𝗶𝗻 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂Où les histoires vivent. Découvrez maintenant