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𝘌𝘤𝘩𝘰 - 𝘋𝘦́𝘤𝘪𝘴𝘪𝘰𝘯
Négligemment affalé sur un banc, le jeune homme aux cheveux flamboyants laissa échapper un profond soupir. De son emplacement, il distinguait parfaitement la maison et les deux personnes qu'il était venu observer ― il avait parfois l'impression qu'il ne faisait que cela, observer. Observer encore et encore les humains qui vivaient, tandis que lui restait dans leur ombre. Il était la silhouette funeste qu'on apercevait parfois dans les reflets, celle que tout le monde redoutait.
Cela ne le dérangeait pas outre mesure en réalité. Il avait toujours vécu de la sorte, dans l'ombre des autres. Il était né pour cela. Mais ces derniers temps, il ressentait réellement ce décalage entre lui et les Hommes. Il avait beau être affalé de la sorte, dans une posture qui n'avait rien de correct et qui lui aurait valu les remontrances de ses aînés, personne ne lui accordait le moindre regard. Ils passaient à côté de lui sans ciller. Tant qu'il garderait son couvre-chef noir, personne ne serait en mesure de le voir.
Ses orbes céruléens ne quittaient pas les deux êtres humains qu'il était venu voir. Ils discutaient tranquillement, à l'ombre d'un cèdre, comme s'ils ne parlaient que de la pluie et du beau temps. Mais le jeune homme savait que ce n'était pas le sujet réel de leur conversation.
Il avait été envoyé pour prendre la mesure de la situation, avant d'en faire son rapport à l'Ecrivain. Puis, des décisions seraient prises. Comme à l'époque. Sans doute les mêmes, d'ailleurs. Ils n'avaient pas beaucoup de choix dans les décisions à prendre : elles tournaient en général entre prétendre ne rien voir ou agir.
Son regard alternait entre les deux hommes, mais se posait plus fréquemment sur le plus jeune d'eux deux. Il connaissait parfaitement bien ces boucles brunes, ces bandages blancs qui dépassaient de sa chemise entrouverte et ce petit sourire. Il les voyait un peu trop fréquemment à son goût. Et il ne parvenait pas à croire que, même près d'un siècle plus tard, il continuait de le rendre chèvre. Son calvaire ne s'achèverait donc jamais ?
La deuxième personne était plus âgée ― en apparence uniquement évidemment ; l'autre idiot suicidaire avait beau avoir le visage d'un jeune adulte, il était le plus vieil être humain sur Terre ― mais personne n'aurait eu l'audace de la traiter de vieille. Une aura de puissance se dégageait de l'homme, quand bien même elle était moins forte que celles que le rouquin expérimentait dans sa vie quotidienne. Ses cheveux noirs, sa chevalière d'argent et ses yeux de la même teinte le faisaient plus ressembler à un chef de la pègre qu'à un simple homme d'affaires.
De ce que le jeune homme aux cheveux flamboyants pouvait en dire, il avait l'air d'être une bonne personne. D'ailleurs, même s'il détestait l'admettre, si sa Némésis avait accepté de tout lui confier, c'était parce que c'était quelqu'un de bien. L'homme avait deux enfants, une femme qu'il aimait de tout son cœur, et serait sans doute un jour un grand-père épanoui, à moins que des forces supérieures n'en décident autrement.
Le jeune homme avait toujours été doué pour lire les cœurs, et il pouvait l'affirmer : cet individu ne serait pas une menace. Et peut-être... Peut-être qu'il saurait contrôler le brun mieux que les autres ― il doutait que cela fusse seulement possible, mais l'espoir faisait vivre.
Il soupira un petit peu, puis posa une main sur son chapeau avant de l'enlever. Il se redressa dans le même temps, attirant ainsi sur lui des regards surpris ― certains devaient se demander d'où il sortait, mais personne n'imaginerait qu'il venait d'apparaître de la sorte. De toute manière, il ne leur accorda aucune importance, se contentant de regarder les deux individus. Le brun l'avait repéré ― il le faisait toujours, et leurs regards se croisèrent.
Pendant quelques secondes, ils échangèrent un regard silencieux, jusqu'à ce que l'autre homme remarque que son interlocuteur ne l'écoutait plus et le regarde à son tour. Le jeune homme aux cheveux flamboyants hocha la tête à son intention quand ce fut le cas, puis se détourna pour se lever et tourner les talons.
Il savait que l'autre avait compris ce qu'il avait signifié par son attitude.
Lorsqu'il atteignit un quartier calme et dénué de personnes, il remit son couvre-chef sur son crâne et replongea dans cet univers terne qu'il connaissait bien. Maintenant, il avait du pain sur la planche pour convaincre l'Ecrivain de laisser une chance à cet homme...
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― C'est de l'inconscience.
― On peut tenter le coup.
― Hors de question.
― Il faut bien que quelqu'un sache.
― As-tu oublié que c'est l'exacte raison de tout ceci ?
― Non.
― Alors, à quoi penses-tu ?
― Il faut choisir une personne. Une famille. Une seule.
― Dans quel but ?
― Pour éviter que d'autres ne l'apprennent.
― Il n'a pas tort.
― Tu t'y mets aussi ?
― Si on ne fait rien, des dizaines de personnes finiront par savoir.
― Alors que si on le laisse faire, seule une famille saura.
― ... Cela finira mal. Je le pressens.
― Ils te prouveront le contraire.
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NOS NOMS ÉCRITS À LA CRAIE - 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂, 𝘀𝗵𝗶𝗻 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂
Fiksi Penggemar─ (🌠) ❝ J'AIMERAIS VOUS POSER UNE QUESTION, MONSIEUR NATSUME. CROYEZ-VOUS RÉELLEMENT À LA MASCARADE QU'EST CET ENTERREMENT ? ❞ Atsushi redoute la mort. Son enfance, il l'a passée dans une cage invisible, dont les barreaux l'ont protégé au point de...