- 〉écho ❞

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𝘌𝘤𝘩𝘰 ; 𝘝𝘪𝘷𝘳𝘦

Le jeune homme aux cheveux flamboyants contempla avec une expression impénétrable le sang qui couvrait désormais ses doigts pâles. Il était rare qu'il ne porte pas ses gants noirs, mais ceux-ci étaient tout aussi détrempés par le liquide sombre que ses mains présentement, alors les remettre ne servait à rien : il avait besoin d'une nouvelle paire.

Après avoir poussé un long soupir de découragement, il se redressa et posa sur le corps à ses pieds un regard qui se voulait inexpressif mais dans lequel transparaissaient ses émotions. Même les années d'entraînement ne parvenaient pas à cacher l'horreur qu'il ressentait à chaque fois qu'il était témoin de ce genre de meurtres affreux. Il s'agissait des événements qu'il voulait le plus faire cesser.

Sans doute était-ce à cause de cette envie sourde en lui qu'il s'était précipité sur l'individu tombé au sol, dès que la voie avait été libre, et qu'il avait posé avec désespoir ses mains sur la plaie béante qui élargissait son torse. Il savait bien que c'était vain, que l'homme était mort sur le coup lorsque le couteau avait traversé son cœur.

Cela ne rendait pas la mort plus simple à accepter.

Même les messagers de la mort ne l'apprécient pas plus que les Hommes. Ils ne la craignent pas autant qu'eux mais ne ressentent aucune satisfaction à l'idée de la voir se dérouler sous leurs yeux.

Avec un soupir, il déplia la grue posée sur son épaule et balaya les environs du regard. Ses orbes céruléens se posèrent finalement sur une silhouette recroquevillée dans un coin, tremblante, terrorrisée : à n'en pas douter, il s'agissait de l'âme de celui qui venait de se faire tuer. Il s'approcha de lui doucement, pour ne pas rajouter à son angoisse, avant de s'adresser à lui sur un ton ferme :

« Monsieur Alexander Pushkin, né le 26 mai 1984, porte-parole de l'ambassade de Russie au Japon ? » Il énonça doucement les informations inscrites sur le bout de papier sombre, tout en observant l'autre homme se raidir et se retourner vers lui.

« Vous me voyez ? répliqua celui-ci sur un ton hystérique.

Oui. » répondit sobrement le messager. Son interlocuteur lui désigna le cadavre sur le sol.

« Et ça, vous le voyez aussi ?

Oui.

Je ne suis pas fou ? On me fait juste une mauvaise blague ?

Ce n'est pas une blague. Vous avez été tué par votre beau-frère et votre associé. »

Le jeune homme aux cheveux flamboyants entreprit de lui expliquer sur un ton calme et posé sa situation, dans les termes les plus clairs possibles : il était décédé et se trouvait désormais dans l'entre-deux monde ; son âme n'avait pas trouvé le repos et errait sans but. La raison de sa présence ici était justement de permettre à celle-ci de trouver son chemin jusqu'à l'au-delà, et permettre à cet homme dont la vie s'était brutalement achevée de trouver le repos éternel.

L'autre l'observa avec des yeux ronds ― puis, l'ébahissement et la stupéfaction laissèrent la place à un profond agacement et une grande colère.

« Si vous saviez, pourquoi vous n'êtes pas intervenu ? »

La phrase fit se contracter la mâchoire et les poings de Chuuya. Il y était habitué, de nombreuses personnes réagissaient ainsi, surtout après les meurtres violents comme celui-ci. Ceux qui mouraient de maladie ou de vieillesse avaient généralement moins de mal à accepter sa présence et la réalité de leur trépas. Les personnes décédées au cours d'accidents étaient aussi souvent en état de choc, et acceptaient la réalité de la fatalité ― sauf dans les rares cas où tout était de la faute de quelqu'un d'autre, et qu'on ne se trouvait là qu'au mauvais moment. Parmi les types de personnes, les enfants étaient souvent ceux qui souffraient le plus à l'annonce de leur mort ― on envoyait en général des messagers avec beaucoup d'empathie pour eux, indépendamment de leur secteur.

Il n'était jamais simple de dire à un enfant d'une dizaine d'années qu'il ne grandirait plus jamais.

L'homme était dans une tranche d'âge critique ― il avait déjà vécu, mais pas assez pour accepté d'avoir été tué, en étant trahi au passage par ses proches. Ceux-ci devaient simplement se dire qu'il ne saurait jamais qu'ils étaient les responsables, puisqu'il était mort. Ils ignoraient encore que même dans la mort, les humains savent ce qu'il s'est produit.

(Ce qu'il advenait ensuite des âmes qui cherchaient vengeance était une autre question, un autre flolklore.)

Il fit néanmoins face à cet homme qui criait son injustice et sa colère à son intention, et répondit posément :

« Les Hommes ont toujours le choix, à n'importe quel moment de leur vie. Mais pas devant la mort. Ni vous ni moi ne pouvons prendre la décision de tourner les talons et de l'éviter. La mort n'est pas un choix parmi tant d'autres. » En tout cas, elle ne devrait pas l'être, compléta-t-il dans son esprit. Personne ne devrait jamais avoir envie de l'atteindre volontairement. « Personne ne peut y échapper. C'est cela, vivre. »

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Leur colère est légitime.

Ils sont des Hommes.

Pas pour ça.

Que veux-tu dire ?

Personne ne devrait jamais mourir ainsi.

C'est pourtant le cas de centaines de personnes chaque jour.

Cela n'en est pas moins injuste.

Tu commences à parler comme lui.

Qui ?

Tu le sais très bien.

NOS NOMS ÉCRITS À LA CRAIE - 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂, 𝘀𝗵𝗶𝗻 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂Où les histoires vivent. Découvrez maintenant