- 〉écho ❞

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𝘌𝘤𝘩𝘰 ; 𝘚𝘶𝘤𝘤𝘦𝘴𝘴𝘪𝘰𝘯

Le jeune homme aux cheveux flamboyants prit une profonde inspiration, avant de fermer les yeux. Il attrapa dans le même mouvement le stylo négligemment posé à côté d'une feuille de papier, avant de déposer la pointe de la plume sur le blanc immaculé, les yeux toujours fermés. Il n'avait aucune idée d'où il se trouvait par rapport aux bords de la feuille, mais son instinct lui soufflait qu'il avait bien choisi ; aussi s'y abandonna-t-il, car c'était la chose la plus logique dans cette situation.

Une poignée de secondes plus tard et l'obscurité qu'il voyait jusqu'alors derrière ses paupières closes commença à vaciller. On lui avait maintes fois répété que c'était totalement logique mais il n'en éprouva pas moins une bouffée d'angoisse et ouvrit les yeux d'un coup, lâchant le stylo qui roula en éclaboussant le papier.

Une feuille de foutue ― tout comme sa concentration.

Il prit une seconde inspiration avant de changer de feuille et de répéter les mêmes étapes. Cette fois-ci, quand l'obscurité s'éclaircit, il ne bougea pas, serrant simplement les paupières de toutes ses forces pour ne pas être tenté de les rouvrir. Une poignée de secondes encore, et il vit quelque chose.

Un homme avançait tranquillement dans la rue, avant de se faire renverser par une voiture.

Une femme discutait avec son compagnon ; en un instant, il l'avait poignardée, fou de jalousie.

Deux hommes se souriaient, leurs mains entrelacées, alors que l'un d'eux rendait son dernier soupir dans son lit d'hôpital.

Une femme regrettait de ne pas avoir agi plus vite, alors que le pont de bois s'effondrait sous ses pieds.

Chacun de leurs noms s'ancrait dans son esprit en même temps que leurs visages et leurs âges, laissant le jeune homme pantelant entre chaque visions. Une fois que l'afflux se calma, il rouvrit les yeux et observa la feuille. Sans même qu'il ne s'en rende compte, son poignet avait bougé tout seul et inscrit les noms de ces pauvres hères dont la vie allait s'arrêter dans quelques minutes.

Après avoir poussé un long soupir et s'être massé les tempes pour chasser la migraine qui commençait à pointer le bout de son nez, il attrapa la feuille et se redressa. Il lui fallait maintenant allait la faire examiner pour déterminer si oui ou non il avait bien deviné ce qui allait se produire. Il n'était pas encore l'Ecrivain, mais ne tarderait pas à le devenir. Il lui fallait s'habituer à cette nouvelle fonction, s'habituer à passer ses journées à voir d'autres mourir.

Il ne savait pas s'il saurait le faire aussi bien que ce qu'on attendait de lui.

Il avait déjà du mal à les voir mourir sous ses yeux, alors prédire sans cesser leur mort...

Il chassa cette pensée de son esprit en secouant la tête longuement, avant de prendre la direction de la salle du Conseil où tous devaient l'attendre avec impatience. Il consulta une dernière fois sa feuille, peinant à croire qu'il avait pu écrire aussi lisiblement tous les noms de ces gens qu'il ne connaissait pas sans s'en rendre compte. C'était une pensée presque terrifiante.

Devenir Ecrivain équivalait-il à perdre ainsi le contrôle de son corps ? Cela l'effrayait, il l'admettait.

Alors qu'il hésitait à pousser la porte de la salle, une voix familière résonna dans son esprit ― il fallait croire qu'il ne le laisserait jamais en paix.

Tu es le meilleur pour ce rôle ; après tout, tu es le seul à avoir un tant soi peu d'humanité.

Il ne savait pas exactement s'il s'agissait d'un compliment pour lui ou d'une insulte dirigée à l'encontre de tous les autres messagers. Sans doute un petit peu des deux, connaissant le concerné. Mais cette phrase était restée dans son esprit ; après tout, il fallait bien qu'il change les choses d'une manière ou d'une autre, pour tous ceux qui en étaient incapables.

Et si cela devait nécessairement passer par lui... Qu'il en soit ainsi ; il passerait la porte de cette salle et se soumettrait à l'œil aiguisé des Anciens. Qu'ils en soient satisfaits ou non, il était leur candidat. Et il leur faudrait accepter que lui, le rebelle, l'amoureux des humains, le provocateur, prenne la direction de leur petite société.

(Il ne leur laisserait jamais le choix.)

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Alors ?

Tout est identique aux prédictions d'Ôgai.

Il est déjà doué, pour son âge.

Tant mieux. Il nous faudra vite un remplaçant.

Mais pouvons-nous lui faire confiance ?

Il est loyal.

Il fricote aussi beaucoup avec les humains.

Qu'importe ! Il fait son travail correctement.

Vous le défendrez jusqu'au bout, n'est-ce pas, Kôyô ?

N'oubliez pas que vous me l'avez confié.

NOS NOMS ÉCRITS À LA CRAIE - 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂, 𝘀𝗵𝗶𝗻 𝘀𝗼𝘂𝗸𝗼𝗸𝘂Où les histoires vivent. Découvrez maintenant