Je n'ouvris pas mes yeux une fois retournée dans mon corps physique, prenant d'abord le temps de renforcer chacun de mes boucliers, puis, toujours immobile, je déployais mes sens pour vérifier si quelqu'un était dans la chambre, c'était effectivement le cas. Le général était là, je me contraignis à ne pas bouger quand j'entendis ses pas dans mon dos. Je restais immobile même quand il s'assit de l'autre côté du lit, mais pas quand il toucha mon visage de ses doigts. En quelques secondes, j'étais debout de l'autre côté de la chambre, en position défensive. Il partit d'un rire léger, et je repris une posture en apparence normale. D'un ton condescendant, il déclara:
- J'ai triché, je suis venu avant l'heure, tu dineras avec moi ce soir, après, nous commenceront à jouer.
Il partit après une courbette moqueuse, et je sentis la bile me monter à la gorge. Jamais je n'aurais cru regretter le centre de détention, mais comparé à ce que suggéraient cette chambre et les insinuations du général, j'aurais préféré repasser sept mois là-bas qu'une seule nuit ici. Il m'avait, de manière surprenante, laissé mes affaires, mis à part mes armes, cela allait de soi, évidemment. Je m'attelais donc à créer un cercle élémentaire des plus basiques, pour ne rien trahir de nos pratiques, puis je me glissais dans un état de semi-conscience et déployais pleinement mes sens psychiques. C'était aussi agréable qu'étirer un muscle travaillé au quotidien, je laissais mes sens se mettre en alerte tout en gardant une partie de ma conscience concentré sur mon corps, et j'attendis. Au fil des heures, je remarquais le schéma des gardes, la méthode qu'ils utilisaient pour déterminer si une personne était autorisée à entrer ou non, la géographie du bâtiment également, ainsi que les tunnels qu'il y avait sous la maison.
Avant que je sache ce qu'il se passe j'avais les yeux ouverts et la flamme de la bougie que j'avais devant moi jaillissait jusqu'à ma hauteur. Le regard effaré du garde me fit sourire mais je me reconcentrais une minute, le temps de remercier le feu d'avoir rempli son office de protecteur et de l'apaiser, puis de bannir les éléments un par un, silencieusement. Le garde avait à présent une longue lame à cinq centimètre de mon cou, je suppose qu'il n'avait jamais vu l'un de nous au mieux, bien que tout soit relatif, de sa forme. Je me relevais doucement en retenant un rire, c'était tout de même comique de les prendre à leur propre jeux. Il continuait à me suivre de la pointe de sa lame sans mot dire, les yeux écarquillés, je lui lançais un regard interrogatif et il m'ordonna d'une voix blanche:
- Suivez-moi pour le dîner.
Acquiesçant, je lui fit signe de passer devant, histoire de vérifier s'ils étaient entraînés correctement, une information capitale pour mon évasion. Malheureusement pour moi, il connaissait son travail et posa légèrement la pointe de sa lame sur ma nuque afin que j'avance devant lui. Tendue comme un arc, je me laissais guider.
La salle à manger était spectaculaire, une longue table de huit ou dix places avec un magnifique chemin de table en dentelle qui ressortait particulièrement bien sur le bois sombre et verni. Les chaises étaient délicatement ornées de sculptures et des dorures qui scintillaient de feuille d'or ici et là. L'homme qui représentait les rares choses qui pouvaient encore me faire peur se tenait devant moi, un large sourire sur le visage, comme si nous allions partager un banal dîner entre amis. Tirant l'une des chaises devant laquelle était posée une assiette, il déclara:
- Je t'en prie, installe-toi.
- Je ne dirais pas merci, répondis-je d'un ton glacial.
Les poils de ma nuque se hérissèrent quand je le laissais passer derrière moi, j'étais affamée, n'ayant rien mangé depuis la veille, mais je n'osais espérer de la nourriture, me rappelant trop bien comment les gardes m'avaient pratiquement fait mourir de faim. J'ouvris mon œil psychique afin de déterminer le schéma selon lequel les gardes étaient placés dans la salle tout en gardant mes yeux faussement alertes. Il y en avait peu, quatre selon ma vision des signatures émotionnelles, donc le repas serait un bon moment pour s'évader... en apparence. En regardant un peu plus loin derrière les portes, je réalisais que deux gardes étaient présents derrière chacune d'entre elles et jurais intérieurement tout en gardant une façade parfaitement impassible et glaciale. Un domestique arriva avec un plateau de poulet rôti et de haricots verts qui me mit l'eau à la bouche mais je détournais les yeux immédiatement. Il servit nos deux assiettes mais ne remit pas la mienne devant moi. Souhaitant me distraire de cette nouvelle tentative de me faire parler, j'ouvris à nouveau mon œil psychique et transmis toutes les informations recueillies jusque-là à Dorian, qui en réponse m'envoya une vague de chaleur et de détermination. Ils élaboraient déjà un plan, parfait. Je me retirais du lien avant que mes expressions ne me trahissent. Alek Patel me regardait droit dans les yeux quand il m'annonça:
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The tears we hide
Paranormal"Alors, tu joues les gardes du corps maintenant ?" me demanda Dorian, un sourire moqueur dansant sur ses lèvres, très calmement, en poussant sa magie contre mes défenses. "Que pourrais-tu possiblement en avoir à faire ? La seule chose qui t'intéress...