Chapitre n°10

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Discrètement, je vérifiais les alentours, sondant les intentions de chaque esprit que je croisais. La Sécurité Intérieure avait laissé une équipe en bas pour me récupérer si jamais je décidais que la fenêtre n'étais pas une si mauvaise option de sortie. Je jurais sous cape, découvrant que les agents à notre porte étaient venus dans l'idée de nous ramener tous les deux, ils étaient hors du cadre de la loi, des militaires.

Je concoctais rapidement un sortilège d'illusion pour dissimuler mon identité et touchais la magie de Dorian avec la mienne, le laissant savoir que j'avais sorti mes armes. Je me mis à découvert, pris une grande inspiration, puisant dans les courants d'énergie alentours afin d'amplifier ma force et mon endurance. Mon katana et mon poignard firent chanter l'acier de leurs fourreaux. Nous y étions.

Ils étaient deux, typique pour une fouille du domicile. Je pris le premier, lui lançant une poudre aveuglante que j'avais préparée à l'Académie. Il me pris immédiatement en joue mais je me décalais et tranchais son bras d'armes pour lui frapper le poignet par la suite. Le pistolet tomba au sol et il sortit une matraque ainsi qu'un couteau de lancer militaire.

Beaucoup mieux ! On allait pouvoir s'amuser. Essayant de me retirer mon sabre, il en attrapa la pointe avec ses mains gantées. Mauvaise idée, si j'avais été normale les gants auraient suffi mais là, j'envoyais une vague de mon pouvoir dans la lame qui traversa le gant et coupa profondément sa paume. Retirant mon sabre, je ne perdis pas de temps et m'approchais pour l'assommer avec le pommeau de mon poignard. À ce moment-là, je me sentis parfaitement satisfaite, je n'avais même pas une égratignure !

J'attachais solidement mon adversaire au canapé et lui redonnais un coup de pommeau sur la tête, juste au cas où, et parce que ça faisait vachement de bien quand même ! Il était nouveau, jeune, il s'en remettrai, mais je venais probablement de confirmer les choses horribles qu'ils leur disaient sur nous en formation.

Ma tête m'élança subitement, un violent et instinctif appel au secours de Dorian. J'imagine que le sien n'était pas nouveau ! Je me précipitais vers l'entrée et la scène qui se jouait devant mes yeux m'horrifia, Dorian tenait sa tête ensanglantée, prostré au sol mais toujours en garde offensive, son bras ne tremblant pas d'un millimètre. L'agent se tenait au-dessus de lui, un regard de haine pure sur son visage, une pointe de sadisme pour parfaire le portrait.

Mon cerveau se remit en marche et je me plaçais sans hésiter devant Dorian, katana et poignard toujours en main. L'agent était armé d'une dague et d'un couteau de lancer. Il tenta de m'atteindre à la gorge, mais je bloquais avec ma main gauche, qui tenait le poignard, prenant cette opportunité de lui infliger une blessure au flanc, il devint de plus en plus rapide et moi également, puisant dans l'énergie des éléments que j'appelais à moi avec des incantation chuchotées. Nous dansions de la manière la plus mortelle qui soit, l'acier s'esquivant, s'entrechoquant, ou tranchant la chair de l'un de nos corps. Je ris, me noyant dans le tourbillon de lames, faisant ce pour quoi j'étais née, ce pour quoi j'étais faite. Malheureusement, il avait parfaitement compris ma faiblesse et lorsqu'il tenta d'atteindre Dorian, je pris instinctivement le coup à sa place et me retrouvais avec une lame enfoncée dans le ventre.

La douleur était chaude, cuisante et floutait mes pensées, je n'agissais plus qu'à l'instinct, qu'à l'adrénaline, continuant à murmurer mes incantations. Je pris un shuriken à l'aveugle dans ma ceinture et le lançais dans la poitrine de l'homme, c'était maladroit, mais il n'était pas loin et avait une poitrine large. L'étoile se planta dans un de ses poumons et son sang m'éclaboussa le visage. Je récupérais le sac de secours que Dorian laissait toujours dans sa chambre, le trainant tant bien que mal à travers le brouillard de souffrance qui m'entourait et récupérais également mes affaires. En arrivant dans l'entrée, je vis que Dorian s'affairait avec difficulté lui aussi à attacher le second agent, le shuriken toujours dans sa poitrine. Il récupéra l'un des sacs, je ne vis même pas lequel c'était et nous descendîmes les escaliers, miraculeusement, sans s'effondrer. Je le remerciais silencieusement de n'habiter qu'au premier étage.

En sortant du bâtiment, nous aperçûmes l'équipe d'agents restée en retrait et je jurais à nouveau au milieu de mes incantations. Me détachant de Dorian, je fouillais dans ma ceinture et trouvais finalement la poudre enchantée que je cherchais, elle assommait les gens aussi bien qu'un coup de pommeau ! Je la lançais sans modération sur chacun des agents, restant toujours hors de vue de ces derniers. Une fois satisfaite de la panique et du sommeil que j'avais créé, je retournais vers la voiture où Dorian avait déjà chargé les sacs et s'était installé côté conducteur. Je m'assis sur le siège passager avec un gémissement de douleur.

La conduite erratique de Dorian nous menât jusque chez Céline, il savait que je devais vérifier qu'elle allait bien avant de prendre le temps de me soigner. Nous toquâmes comme des dératés à la porte et Liliana vint nous ouvrir, son regard devenant de plus en plus horrifié alors qu'elle prenait la mesure exacte de notre état respectif. Je la rassurais immédiatement, ou en tout cas j'essayais :

- On les a tous assommés, on peut prendre les chambres d'amis, on se soignera tout seuls ?

C'était succinct et dit avec un gémissement de douleur, mais elle avait compris et répondis :

- Oui bien sûr, entrez, je vous amène vos sacs. Si vous avez besoin de matériel pour vous soigner, il y en a dans le premier tiroir de la commode de chaque chambre d'invités.

- Merci, soufflais-je, presque à bout de force, imitée par Dorian.

Liliana observait avec suspicion Dorian, mais laissa couler lorsqu'elle vit qu'il m'aidait à monter les escaliers.

Arrivés là-haut, nos sacs montés, je vidais le contenu dudit tiroir sur le lit et commençait à prendre ce qu'il fallait pour soigner Dorian lorsque sa voix m'interrompit :

- Je m'occupe de toi d'abord, tu es en train de te vider de ton sang et tes incantations ne fonctionnent pas parce que tu crains en guérison et on le sait tous les deux. Je peux attendre ce n'est qu'une commotion cérébrale et quelques coupures.

Je voulu répliquer que ces "quelques coupures" étaient quand même sur son crâne mais je ne réussis qu'à émettre un long gémissement de douleur, je m'étais penchée pour attraper quelque chose et la dague s'était enfoncée plus profondément. Dorian jura et m'allongea sur le lit, plaçant beaucoup de coussins pour surélever ma tête. Il s'assit et commençât à psalmodier des incantations de guérison qui endormirent légèrement la douleur cuisante dans mon ventre, il retira l'arme de la blessure et commençât à refermer mes entrailles à l'aide de sa magie et d'une formation médicale d'urgence qu'il avait suivie il y a longtemps. Il entreprit ensuite de sortir le kit de suture, je grimaçais à sa vue. Je m'étais déjà recousue moi-même avec ce machin et ça faisait vraiment, vraiment mal sans anesthésie. Après avoir aspergé abondamment la plaie de désinfectant, il commençât à me recoudre et je broyais son genoux pour ne pas crier.

La douleur me renvoyait à de vieux souvenirs, des souvenirs que je ne voulais pas déterrer. Je m'accrochais à la jambe de Dorian pour les repousser, il n'avait pas été là à cette époque. Il termina finalement de me recoudre et usa d'un peu plus de magie pour endormir la douleur.

Incapable de dire quoi que ce soit tant j'étais éreintée, je me mis à travailler sur sa tête, où une belle coupure de six ou huit centimètres saignait. Je la noyais dans du désinfectant, ainsi que mes mains et le matériel. Je tentais d'endormir la zone comme il l'avait fait avec moi mais il avait raison, j'étais plus qu'inapte en guérison magique, je me sentais coupable mais n'y pouvait rien. Je savais en revanche très bien réaliser des points de suture, j'avais beaucoup de pratique. Je lui donnais un mélange d'herbes dans un verre d'eau quand j'eus fini, je l'avais préparé au labo d'herbologie avant de venir, sachant pertinemment que j'avais une sérieuse tendance à me cogner la tête un peu partout. Le mélange aidait avec les traumatismes crâniens. Dorian me remercia, je débarrassais la lit de tout le matériel et je me trainais jusqu'au lit, m'endormant instantanément, la magie de Dorian m'enveloppant comme toujours.

The tears we hideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant