Chapitre n°13

29 4 0
                                    

En voyant mon état, il récupéra ses affaires et m'ouvrit sans un mot le coffre, puis la porte du siège passager. Céline monta tout aussi silencieusement à l'arrière et je m'endormis en un rien de temps, échappant ainsi au regard scrutateur et inquiet de Dorian.

Je me réveillais bien plus tard, en début de soirée, au fond de couettes inconnues. La panique commençait à monter dans ma gorge, ma respiration devenant erratique alors que je cherchais frénétiquement mes armes. Lorsque mes doigts effleurèrent l'un de mes couteaux de lancer, je me calmais un peu, le contact froid de l'acier trempé m'apportant un sentiment de sécurité. Je gardais mes doigts bien serrés autour de la lame, prenant en note ce qui m'entourait, les sons, le décor, les odeurs. J'avais un odorat particulièrement efficace, ce qui me permit de saisir la

fragrance particulière de Dorian. Je forçais mes épaules à se relaxer, j'allais bien, j'étais en sécurité. Je réussis enfin à respirer un peu plus normalement.

M'extirpant des doux draps de lin, je me dirigeais vers la porte et m'avançais dans le salon. Avec un regard entendu, Dorian me remit un mug fumant de café au lait, je le pris, le rouge me montant aux joues, me rappelant dans quelles conditions il avait appris mon café favori. Mais c'était un souvenir pour plus tard, je devais lui parler avant de me dégonfler et de lui causer plus de peine que nécessaire. J'avalais le café brûlant cul sec pour me remettre les idées en place, essayant tant bien que mal de rester pragmatique alors que je prononçais la phrase fatale :

- Il faut que je te dise un truc.

- Ok, j'écoute, répondit-il avec simplicité, une lueur inquiète dans les yeux.

Je lui révélais toute l'histoire et finis mon récit en affirmant tristement :

- Je suis désolée, je dois y aller, cette petite fille, Eliana, elle en a besoin, et je suis la seule qui connaisse l'intérieur des locaux, même si je ne reviendrais probablement pas.

Il resta muet, son visage choqué avait tiqué à la mention d'Eliana. Je n'en menais pas large, la réalité de la situation prenant toute son ampleur. J'avais espéré, si peu, mais si intensément, j'avais espéré que peut-être, une fin heureuse m'attendait. Mon pragmatisme était envolé et je me battais pour bloquer les larmes qui obstruaient ma vue. Mon choc s'accentua d'autant plus lorsque sa seule réaction fut de demander, livide :

- Quel est le nom de famille d'Eliana ?

- Elle s'appelle Eliana Morel, pourquoi ?

Quelle ne fut pas ma surprise quand je le vis s'effondrer dans mes bras, murmurant continuellement "non" sur le ton le plus abattu que j'ai jamais entendu de sa part. je relevais son corps, qui était étendu sur mes genoux et lui demandais le plus doucement possible, l'apaisant en même temps avec ma magie empathique :

- Qui est-elle pour toi ?

- Ma petite sœur, répondit-il dans un souffle, sa voix se brisant.

Mon cœur se brisa pour lui, je devinais qu'il avait pris soin de cacher sa sœur pour qu'elle soit protégée de toute cette souffrance. Savoir ce qu'ils lui faisaient en ce moment à partir des cicatrices qui me recouvraient devait être un enfer pour lui. Je le gardait dans mes bras, lui murmurant des paroles réconfortantes à l'oreille. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps, être diplômée, trouver mon premier travail. J'aurais aimé découvrir ce que la vie avait de beau, pour savoir si cela contrebalançait la connaissance accrue de ce qu'elle avait de cruel et mauvais que je possédais. Je savais que je mourrais ou que je retournerais à la souffrance que j'avais connue, mais ma souffrance aurait au moins le mérite de sécher le sang d'Eliana et les larmes de Dorian.

The tears we hideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant