« Vous me rendrez une rédaction sur trois procédés alchimiques et un exemple d'application pour chacun d'entre eux pour demain, bonne fin de journée ! » nous annonça notre professeur d'alchimie, M. Silverthorn. La journée de cours enfin terminée, je rassemblai mes affaires et remontai tranquillement vers ma chambre. Chaque soir, après les cours, je m'autorisais toujours une demi-heure de temps libre malgré la lourde charge de travail qui nous était imposée. En effet, l'Académie de sorcellerie de Saint-Andrews avait beau être un refuge pour les sorciers du monde entier et un endroit particulièrement chaleureux, elle demeurait avant tout une académie, regorgeant de connaissances transmises chaque jour à un peu plus d'apprentis. Tous les soirs, presque tous les élèves se rassemblaient à la bibliothèque de l'Académie pour étudier pendant au moins trois heures. Je ne faisais pas partie de ces étudiants, il y avait trop de monde pour que je parvienne à me concentrer le soir, j'allais plutôt dans les salles de relaxation. Elles étaient dédiées aux pauses des élèves durant la journées, lorsque nous n'avions pas le temps de retourner dans nos chambres.
Et puis, lorsque vos pairs vous tiennent en horreur, généralement, vous préfériez les éviter. C'était ce que je faisais chaque jour avec acharnement en me plongeant dans mes études ainsi que d'autres activités captivantes. Les murs de l'école étaient, à mes yeux, plus rassurants que la compagnie d'autres apprentis. L'Académie, elle, m'acceptait telle que j'étais tandis que les autres élèves me regardaient constamment avec un mélange de peur, de pitié et de répulsion. Comme si ce qui m'était arrivé me plaçait dans une catégorie à part, incompatible avec la leur, telle la répulsion naturelle entre deux aimants.
Après mon arrivée à l'Académie, je ne voulais intéragir avec personne et j'avais passé le plus clair de mon temps libre à explorer le château et à déambuler dans ses couloirs déserts. C'était reposant, rassurant, de savoir que l'on pouvait aller où l'on voulait, sans surveillance, sans chaînes, après avoir été enfermée pendant si longtemps, après que sortir ait signifier souffrir si longtemps. Les murs de l'Académie contenait des sorts de protection incroyablement puissants mais il en émanait une énergie douce, maternelle, bénéfique. Lorsque je marchais pieds nus dans les longs couloirs de pierre la nuit, le sommeil se refusant à mon esprit tourmenté, je me sentais en sécurité, je pouvais me laisser aller à pleurer, à me montrer vulnérable sans danger. Je m'immergeais alors dans cette sensation, je m'y noyais, tout en gardant l'espoir fou que, peut-être, cela pourrait durer toujours. Je savais pourtant que rien n'était éternel, je l'avais appris de manière violente, lorsqu'on m'avait révélé que l'état français avait déclaré que j'étais morte à mes parents. Ca avait été le coup de grâce. Je n'avais pas pu leur dire au revoir, leur dire que tout irait bien, que j'irais bien, non, tout ce qu'il leur restait était la pire souffrance imaginable et toute la magie du monde était impuissante devant ce sombre spectacle parce que s'ils l'apprenaient, ils seraient exécutés. J'étais égoïste, je préférais les voir souffrir et vivre que mourir en paix.
À l'Académie, les études étaient structurées sur huit années. Les sept premières sont consacrées à un apprentissage très complet et approfondi de la sorcellerie. La huitième, quant à elle, est dédiée à la constitution d'un réseau, des recherches complémentaires spécialisées et surtout, à l'apprentissage de la dissimulation. Étant traqués par les services de renseignement du monde entier, la dissimulation est une compétence essentielle à notre sécurité.
Je me présente, Ophélie Fontaine, étudiante en deuxième année et employée en tant qu'"assistante de direction assignée au service de sécurité". Je fais partie des rares élèves de l'Académie spécialisée en magie noire. Ce n'est pas une magie maléfique, mais elle peut être très violente, le tout étant de l'utiliser à bon escient. Je suis également la seule étudiante ayant réchappé des griffes des services de renseignement. J'ai été enlevée quand j'avais dix-sept ans et gardée prisonnière, torturée inlassablement par mes geôliers. Cela a duré sept interminables mois.
L'Académie est un cocon, les élèves y sont parfaitement protégés, et logiquement, ne veulent pas voir ce qui se passe dehors, cela fait de moi une marginale, impossible à intégrer à cause de ce que je représente : la réalité qu'ils ne veulent pas voir. Je ne leur reproche pas, je les comprend, je n'ai qu'un souhait, revenir à cette insouciance qui m'a un jour caractérisée.
À vingt heures précises, je descendis au sous-sol, en direction du service de sécurité de l'Académie. Trois soirs par semaine, je m'acharnais à analyser les informations dont nous disposions sur les services nous recherchant afin de trouver un moyen de les arrêter, ou à tout le moins, de les éviter. Avec les autres membres du service, nous travaillions également à améliorer la protection de l'école, distribuer les bons de sortie aux élèves aptes à se défendre et accompagner à l'extérieur ceux qui ne l'étaient pas. Ce soir-là, comme beaucoup d'autres, je travaillais jusqu'à minuit passée et finis d'étudier aux alentours de trois heures du matin. Tel était mon quotidien bien rôdé à l'Académie. À cela s'ajoutait les crises d'angoisse à répétition, les cauchemars et autres insomnies régulières ainsi que les souvenirs que je tentais vainement d'oublier.
Je ne connaissais aucun élève et tous à la fois. Je les avait presque tous accompagné au moins une fois au-delà des murs de l'école mais jamais je n'avais eu une discussion à cœur ouvert avec l'un d'eux.
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The tears we hide
Paranormal"Alors, tu joues les gardes du corps maintenant ?" me demanda Dorian, un sourire moqueur dansant sur ses lèvres, très calmement, en poussant sa magie contre mes défenses. "Que pourrais-tu possiblement en avoir à faire ? La seule chose qui t'intéress...