To be or not zombie (1/3)

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J'adore novembre.

Quand le vent vous cingle le visage, que le froid vous glace les os, que la pluie s'infiltre jusqu'à votre âme. J'aime quand, la nuit, l'agonie d'une proie résonne à travers l'épais manteau de brume qui pare les collines du Northumberland, terre ignorée d'une civilisation frileuse, où l'impensable côtoie l'effroyable.

Situé à l'orée d'une forêt à la réputation sinistre, Kielder Hill surplombe avec orgueil la petite ville de Falstone, à deux kilomètres en contrebas. Enveloppé d'un brouillard continuel, le domaine voit les décennies s'égrener sans fluctuer, défiant quiconque de braver la colline pour s'aventurer en territoire hostile.

Bien sûr, le manoir a perdu de sa superbe d'antan. La façade en pierre s'est assombrie ; la toiture menace de crouler lors des virulentes tempêtes d'hiver. Infesté de mauvaises herbes, le potager est à l'abandon depuis longtemps et les sycomores du jardin, soumis aux aléas d'un climat capricieux, mériteraient un entretien d'envergure. Toutefois, même délabré, Kielder impose à ses - très - rares visiteurs un spectacle particulier, entre majesté et cauchemar.

Qu'est-ce qu'ils fichent ?

Nichée dans l'alcôve de la chambre, le nez collé à la vitre, j'ai l'impression que l'impatience est en train de consumer ma pauvre carcasse décharnée. Des semaines que j'attends, trépigne, rêve de ce moment. Des semaines que je prévoie, avec une minutie fébrile d'adolescente en émoi, chaque heure, chaque pièce, chaque détail de cette soirée fatidique. Je n'ai pas le droit à l'erreur, je le sais. Le moindre relâchement pourrait causer un désastre abominable.

Hors de question.

Enfin, un amas de silhouettes émergent du brouillard ! Ils sont là ! Neil, Molly, Cody et tous ceux qui ont eu assez de gentillesse - ou de courage ? - pour venir se perdre quelques heures chez Elsie Jefferson.

Le sourire jusqu'aux oreilles, je bondis sur mes pieds et tourbillonne dans ma chambre, à la recherche, une dernière fois, de l'infime grain de sable qui risquerait ma chute. Euphorique, je m'arrête face au psyché, dont le reflet saisissant m'arrache une moue approbatrice. Pour l'occasion, et après mûre réflexion, je me suis décidée pour une longue chemise de nuit blanche, cachant bras et jambes, déchirée et tachée d'un mélange obscur de terre et d'hémoglobine, mes fidèles boots usées jusqu'à la semelle et une petite croix inversée en guise de pendentif. Un classique indémodable.

Enchantée de mon inspection, je file hors de la pièce et dévale le grand escalier en vieux chêne, pour stopper net une fois en bas.

Bon sang, c'est génial !

Glacial - merci à mon père et sa maladresse au cricket - et sombre, le salon ressemble à s'y méprendre à l'un de ces décors sinistres de film d'horreur. Avec davantage de distinction, cela dit.

Amusée, j'observe ma mère ôter de minuscules ampoules sur la longue guirlande accrochée aux murs et constituant l'unique éclairage de la pièce. Finalement, son idée de l'entremêler à la mousse installée la veille dans les multiples lézardes des cloisons est excellente. Ici et là, quelques lambeaux de papier ont été retirés, d'autres pendent au sol. Lustré jusqu'à la transparence, le parquet deux fois centenaire grince sans que l'on marche dessus. Posé sur le guéridon, un plateau de bois vieillot sur lequel on a disposé un sucrier renversé, une théière au motif indistinct et deux tasses ébréchées. Près de la causeuse, un ouvrage de broderie aux traces brunâtres, deux fauteuils aux coussins de velours éventrés, un vaisselier presque vide. À l'opposé de la pièce, la bibliothèque regorge de livres d'un autre siècle, couverts d'une épaisse couche de poussière et dignes des plus folles collections scientifiques.

Au hasard d'une idée [nouvelles]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant