— C'était un tueur, m'expliqua Amy, lorsque je lui racontai ma vision, un peu plus tard dans la journée.
— Nous sommes tous des assassins, répliquai-je naïvement.
— Ne te fais pas plus bête que tu ne l'es en réalité, s'il te plait. C'était un tueur à gages. Rappelle-toi ce que je t'ai appris à propos de nos métiers. Nettoyeur, ça rapporte gros. Et ça permet de se procurer du sang de première qualité.
Je devais sans doute afficher un air absurde, car elle pouffa avant de détourner le regard. Mais je n'y prêtai guère attention, je venais de trouver ma voie : je serais un assassin ! Encore me fallait-il dégoter un employeur. C'était une autre paire de manches.
— Il existe tout un tas de gens prêts à payer pour supprimer quelqu'un, me répondit-elle sans même que je pose la question. La plupart sont humains, le plus difficile est de les contacter au moment où ils en ont besoin.
— Je pourrais tuer sans avoir à me préoccuper des conséquences ?
— Bien sûr que tu t'en soucieras ! corrigea-t-elle. Un meurtrier n'est pas très bien vu par la société, je te signale. Qu'est-ce que tu as, aujourd'hui ? Tu as laissé ton cerveau dans la rue, ou quoi ?
Je ne répliquai pas. Je me doutais d'ailleurs que, quelle que fût ma réponse, son avis ne changerait guère. Cependant, j'avais l'esprit ailleurs. Une chose n'allait pas dans la scène dont j'avais été témoin plus tôt. La victime m'avait aperçu, j'en étais certain. J'étais en plein milieu de la rue, le pauvre gars m'avait semblé demander de l'aide. Mais sans parler. Tout avait été dans le regard. Comme s'il avait été muet.
C'était ça qui clochait ! Quand j'avais pris la vie de ce Français à Naples, lui non plus n'avait pas crié, pas un gémissement, rien. Malika, en revanche, avait émis des sons, mais il s'agissait de restes de son plaisir. Au moment où la mort avait pointé le bout de son nez et que j'avais planté mes crocs en elle, elle était demeurée silencieuse, pour ainsi dire. Nos victimes semblaient perdre leurs fonctions vocales en même temps que leur sang. Je me remémorai la première de mes morsures et ne me souvins avoir crié qu'une seule fois, lorsque ma peau me fut arrachée. J'en parlai à mon Sire.
— En effet, confirma-t-elle. Les mortels ne hurlent que très rarement. Ils se débattent tous, quelques instants, mais ne crient pas. Il semble y avoir plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, le choc extrêmement violent de se retrouver face à un Choisi. Et puis, ils comprennent dans la même seconde qu'ils vont mourir, et la plupart savent que ce sera très douloureux. Le choc est parfois si intense, qu'avant la première morsure, ils perdent connaissance. Toi-même, tu n'as pas fait long feu, si je me souviens bien.
Soudain, son bras passa autour de mon cou. De son autre main, Amy appuya à l'arrière de ma tête pour me forcer à la pencher en avant. Elle m'étranglait !
La pression de son bras autour de mon cou fut si forte que ma respiration se coupa et mes deux jugulaires subirent une compression importante. Je me débattis, en proie à une panique que je n'avais ressentie depuis longtemps. Malgré tous mes efforts pour la contrer, je devais me rendre à l'évidence : j'étais encore à sa merci.
Lorsque je commençai à voir des étoiles danser dans mon champ de vision, la pression diminua et mon Sire me lâcha.
— Si ta victime est toujours consciente, elle se débattra et concentrera son énergie à essayer de t'échapper, et uniquement là-dessus. Comme tu viens de le faire, reprit-elle tranquillement.
Mes yeux me piquaient mais ma respiration avait déjà retrouvé un rythme normal. Amy me souriait. Je constatai, qu'en effet, je ne lui avais même pas demandé d'arrêter, trop occupé à tenter de sauver ma peau.
— En cas de panique, l'esprit se focalise sur une seule chose. Il semblerait que se défendre soit plus important qu'appeler du secours. Enfin, reste le lieu de la morsure. La jugulaire est l'artère qui nourrit le cerveau. Tu as peut-être eu le temps de le sentir lorsque je t'ai ponctionné, la première fois. Le manque de pression sanguine te donne vite des vertiges, et tes forces, tout comme ta volonté, te quittent à très vive allure. Autant de raisons pour ne pas vouloir, ou du moins pouvoir, crier pendant une attaque.
— Je vois que tu as travaillé la question, dis donc, me moquai-je.
— Rose de Witford l'a fait pour moi, à vrai dire. Elle a étudié les Choisis pendant des décennies. Une légende prétend qu'elle a trouvé un remède à la maladie. Elle l'aurait testé sur elle avant de se donner la mort.
— On pourrait redevenir humain ?
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Choisi (édité)
VampireJeune homme sans histoire, Sébastien fait une rencontre qui va bouleverser sa vie et précipiter sa mort. Cette inconnue, croisée au détour d'une ruelle sombre, est-elle réellement un vampire ? Fasciné par cette créature de légende, il n'aura bientôt...