Elle était belle. Ce fut ma première réflexion en la trouvant assise sur le petit muret qui ceinturait mon bâtiment. En dépit du froid pénétrant de ce milieu de soirée, elle était vêtue d'une simple veste en jean par-dessus un corset qui dévoilait une bonne partie de sa poitrine. Son pantalon baggy, dans la même matière que sa veste, se mariait difficilement avec le reste et ses rangers bleu électrique. Je n'avais jamais eu la prétention d'avoir un goût sûr pour la mode, mais j'étais convaincu qu'il y avait un problème avec sa tenue. Malgré tout, son air angélique, son petit nez retroussé, ses grands yeux gris et ses fines lèvres m'avaient conquis au premier regard. Je savais d'ores et déjà que jamais je ne l'oublierais. Pour autant, je ne pensais pas lui adresser la parole, aussi fus-je passablement étonné lorsqu'elle me gratifia d'un timide « Salut ! » à peine audible.
Réaction physique à la hauteur de ma surprise, je marquai un temps d'arrêt puis l'interrogeai du regard. Elle dégagea son visage de ses longs cheveux noirs avant de me sourire, dévoilant par la même occasion une canine tout juste plus grande que la moyenne. Rien d'extraordinaire, en réalité, vous croiserez au moins une fois dans votre vie, si ce n'est déjà fait, une personne avec cette petite anomalie. Mais depuis huit mois, j'étais à la recherche de ce que je pensais être des Vampires. Depuis tout ce temps, je vivais avec l'image persistante d'une femme se nourrissant au cou d'un être humain. Si belle fût-elle, mon sang se glaça dans mes veines. Je parvins, tant bien que mal, à garder le contrôle de mes émotions et lui fis face. Après tout, ce n'était peut-être pas elle.
— Bonsoir, répondis-je à mon tour.
— On devrait aller chez toi, fit-elle.
Et elle accompagna ces mots d'un nouveau sourire. Je n'avais plus aucun doute sur ce qu'elle était, en revanche, j'ignorais si je courrais le moindre danger. La rue était déserte, elle aurait pu me tuer sur-le-champ. Pourquoi donc se donner la peine de monter sept étages et prendre le risque de croiser des témoins ?
J'ouvris la voie jusqu'à mon F3 deux fois trop grand pour moi et, par habitude, allumai toutes les lumières avant de me fixer, debout dans le salon, attendant la mort. Curieusement, mon cœur qui battait la chamade n'était pas la manifestation de ma peur, mais plutôt de mon excitation. De son côté, mon invitée surprise entreprit d'éteindre méthodiquement chacune des lampes, à l'exception d'une liseuse dans la pièce. Elle se déplaçait vite malgré des mouvements d'une lenteur fantomatique. Aujourd'hui encore, je ne sais expliquer ce phénomène étrange chez certains Choisis.
Je me retrouvai donc à quelques pas d'elle, un air malicieux accroché au visage, qui collait si peu à l'image que j'avais d'un Vampire. Elle m'observa un moment sans rien dire, son regard balaya ma silhouette rendue svelte par une alimentation réduite à son minimum. Sans tenir compte de la gêne qui me rongeait, je décidai de me mettre à mon aise, elle pouvait faire ce qu'elle voulait de moi, de toute façon. Une fois assis sur mon canapé bon marché, sa présence me parut moins incongrue, c'était une jeune fille dans mon appartement ; une de plus sur la liste.
— Tu cherches après nous, semble-t-il, attaqua-t-elle sans préambule. Pourquoi ?
— Je... je voulais savoir, hésitai-je. On parle de vous depuis des années tout en prétendant que vous n'existez pas. Et il y a presque un an, j'ai cru voir l'un d'entre vous. Depuis, j'essaie de découvrir si j'ai rêvé...
— Sûrement, répondit-elle, laissant son sourire au vestiaire pour cette fois.
Elle me fixa un instant et sembla hésiter. Enfin, elle avança vers moi. Je ne la vis faire qu'un pas, et pourtant, les trois mètres qui nous séparaient furent franchis. Son visage à quelques centimètres du mien, assise sur le canapé, elle me chuchota à l'oreille.
— Crois-tu réellement qu'il soit intelligent d'attirer notre attention ?
À dire vrai, cela n'avait jamais été mon intention. Je cherchais des réponses, pas la mort. Mais le sang battait si vite dans mes tempes que je ne fus capable de formuler aucune réponse. Son souffle dans mon oreille me paralysait. J'étais le lapin pris dans la lumière des phares ! Une pauvre créature sans défense face à la puissance d'une déesse destructrice.
Elle se pencha encore un peu vers mon cou et je crus ma dernière heure arrivée. Pourtant, si une mèche de ses cheveux caressa mon visage, elle ne me toucha pas. Elle se contenta de se relever et de me jeter un regard espiègle de haut. Après une nouvelle pause, elle s'éclipsa sans plus de commentaire, me laissant là, à la limite de la crise de panique.
Je restai interdit, ne comprenant pas vraiment ce qu'il venait de se passer. Mon unique certitude, à ce moment-là, était que j'allais la revoir. Contre toute logique, je réalisai que j'en mourais d'envie. Et puisqu'elle savait où je vivais, il était plus que probable qu'elle revienne. Elle m'avait laissé là, sans un mot, sans une explication, et surtout, sans me tuer. Pourquoi ?
J'avais cependant pu obtenir une réponse, après des mois de recherches infructueuses : quel que soit le nom qu'on leur donnait, ils existaient. Naturellement, je n'arrêtai pas mes investigations. Après tout, à part cette confirmation, je n'avais rien appris. Je relançai donc mes fouilles.
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Choisi (édité)
VampirJeune homme sans histoire, Sébastien fait une rencontre qui va bouleverser sa vie et précipiter sa mort. Cette inconnue, croisée au détour d'une ruelle sombre, est-elle réellement un vampire ? Fasciné par cette créature de légende, il n'aura bientôt...