Les Vampires existent. Ce fut en fin de compte la seule chose qui resta de ces deux jours dans le noir. Ma vie reprit lorsque mon bien-aimé patron me rappela qu'une absence non excusée était motif de renvoi. Vous connaissez la ritournelle habituelle, je suppose. J'allai donc faire un tour chez mon médecin qui, découvrant ma tête de déterré, ne se fit pas prier pour me rédiger un arrêt de travail en bonne et due forme. J'eus encore une semaine devant moi pour me remettre de cette rencontre. Mais croiser un Vampire est autrement plus marquant qu'une entrevue avec une star de K-pop. Du moins, le pensais-je. Je revoyais cette ombre penchée sur cet inconnu en permanence. Le soir, dans mon appartement, j'allumais toutes les lumières et restais le plus loin possible des zones sombres. Elle aurait très bien pu vouloir me retrouver pour éliminer le seul témoin de son existence, après tout.
Il me fallait être prêt. C'est ainsi que j'entrepris mes premières recherches sur le sujet. Les bibliothèques et autres librairies ne m'apportèrent aucune aide. Dès que vous évoquez cette race supérieure, votre interlocuteur vous oriente systématiquement vers le rayon fantastique de sa boutique et vous abreuve de romans aussi divers que variés, mais sans aucun intérêt. Internet me donna plus de satisfaction dans un premier temps, en me permettant de dénicher des essais et des thèses liés au folklore vampirique. Il me fallut tout de même près d'un mois pour enfin avoir la sensation de progresser. Durant ce laps de temps, j'avais repris mon travail, mais tout le reste de ma vie fut abandonné par petits bouts : les sorties, les amis, l'alcool. Seule la cigarette résista. Je n'avais plus qu'un leitmotiv : trouver une preuve. Mon intégrité psychologique était en jeu. J'avais vu une de ces choses s'attaquer à un être humain à quelques mètres de moi. Personne n'en avait parlé dans la presse ou ailleurs et, visiblement, personne au monde ne croyait en leur existence.
Personne excepté un Américain du nom de Klepin. Sa page web expliquait en partie pourquoi mes recherches n'aboutirent à rien. Le terme Vampire était en réalité impropre, il fallait les appeler Choisis. Son site, dédié à l'évolution humaine et fermé depuis, ne contenait que très peu d'informations, et aucun lien vers une quelconque source à ce sujet, mais il suffit à me rassurer : je n'étais pas fou. Si je l'étais, du moins avais-je un compagnon.
Pourtant, j'étais encore loin de la délivrance. La page de Klepin ne m'apprit rien de plus que ce nouveau terme et son vague témoignage sur une scène ressemblant grandement à celle que j'avais moi-même vécue. Il publia une bonne partie de ce texte sous forme d'essai en novembre 2006, tout en prenant bien soin de masquer ses allusions aux Vampires. Quant à moi, je recommençai mes recherches en remplaçant Vampire par Choisi.
Évidemment, les résultats tombèrent par millions et faire le tri fut un travail titanesque. En parallèle, je tentai, en vain, d'entrer en contact avec ce James Klepin. Pendant de nombreuses semaines, je fouinai partout, de forums en pages web, de boutiques ésotériques en librairies spécialisées, et chaque fois, le constat était le même : aucun être humain ne semblait connaître cette appellation étrange. Les mois qui suivirent furent une succession incessante de journées calquées les unes sur les autres. Je me rendais à mon travail sans la moindre motivation, la tête remplie de théories sur l'existence des Choisis et les raisons de ce silence.
Il me paraissait impossible d'être le seul imbécile à avoir assisté à ce genre d'événement. Mais si les témoins paniquaient autant que moi à l'idée de recroiser une telle créature, cela suffisait à ce que leur secret perdure. Aussi décidai-je de poster quelques messages sur des sites web pour voir ce qui en ressortirait. Chaque jour, en rentrant du boulot, c'était la même chose. Je me connectais sur Internet et reprenais mes recherches où je les avais laissées la veille. Le week-end, je parcourais les forums.
Il m'arrivait tout de même de rejoindre des potes, mais plus jamais tard le soir, ce qui finit de convaincre le peu d'amis qu'il me restait que je n'étais plus digne d'intérêt. La seule personne à qui je parlai de ma rencontre fut ma mère. Je lui faisais un rapport détaillé à chacune de mes visites. Il faut dire qu'avec son Alzheimer, elle ne risquait pas de répéter quoi que ce soit. Elle peinait déjà de plus en plus à me reconnaître. Les humains sont si fragiles...
Je n'eus jamais le plaisir d'obtenir une réponse de cet énigmatique Klepin. Les forums ne m'apportèrent guère plus de satisfaction. En revanche, je découvris une drôle de surprise qui m'attendait au pied de mon immeuble, un soir de février 2007.
VOUS LISEZ
Choisi (édité)
VampirosJeune homme sans histoire, Sébastien fait une rencontre qui va bouleverser sa vie et précipiter sa mort. Cette inconnue, croisée au détour d'une ruelle sombre, est-elle réellement un vampire ? Fasciné par cette créature de légende, il n'aura bientôt...