chapitre v

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Blythe ne s'autorisa à ouvrir les yeux qu'une fois que le silence avait repris possession de la vallée. Il tenait toujours Isaac et l'adolescent tremblait violemment, sa respiration s'échappant de ses lèvres en des gémissements terrifiés. Blythe ne s'en tirait pas mieux. Son esprit était un champ de bataille dont toutes les cicatrices venaient de se rouvrir, et cela lui coûta un véritable effort physique de se redresser.

Il se força à réfléchir, à se sortir de cette confusion qui allait finir par le paralyser. Première étape : s'assurer que personne n'est blessé.

— Isaac, tu m'entends ?

Le garçon ne répondit pas, alors Blythe entreprit de faire courir ses mains sur ses bras, ses côtes, son crâne pour s'assurer qu'il n'avait pas de blessure importante. Il ne trouva rien à l'exception de quelques bleus et coupures minimes. Ils avaient évité le pire.

La pensée fit sursauter Blythe. Porter et Poppy.

— Putain, jura Blythe.

Il se redressa, ignorant les protestations de ses muscles contractés et son instinct qui lui hurlait de partir en courant.

— Blythe ? appela Isaac entre deux sanglots.

— Ta... ta sœur, et Porter, ils sont là-haut, je...

— Ne me laisse pas, je t'en supplie...

Ses mots eurent l'effet d'une claque pour Blythe. Il s'immobilisa, cligna des paupières, et se détesta quand il se rendit compte de ce qu'il s'apprêtait à faire. Il avait été prêt à abandonner Isaac, traumatisé et apeuré. 

— Non, bien sûr que non, je ne vais pas te laisser...

Menteur...

En puisant dans ses ressources, Blythe parvint à passer le bras d'Isaac par-dessus ses épaules et de le redresser. L'adolescent était plus grand que lui mais il ne pesait pas lourd, permettant à Blythe de le soutenir pendant qu'il considérait quel chemin prendre. Remonter vers le lac était dangereux, mais descendre dans la vallée et contourner la hauteur leur ferait perdre un temps fou, temps qui manquait peut-être à Porter et Poppy...

Finalement, ce fut Isaac qui prit la décision, marmonnant à propos de sa sœur, encore en état de choc. Blythe ne réfléchit pas plus longtemps.

Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre, mais probablement pas au spectacle qui l'attendait. Si l'on ignorait la navette qui avait atterri sur la rive droite du lac, à l'opposée de la cabane d'observation, rien n'avait changé depuis son dernier passage seulement quelques minutes plus tôt.

Enfin, presque rien. Il remarqua avec une sueur froide que l'eau du lac était agitée et que la faille en suspension se tordait à la même vitesse, s'étendant et se rétractant dans l'air.

Blythe comprit que ce n'était plus qu'une question de temps avant que la faille ne devienne réellement dangereuse.

— Blythe ! Oh, mon Dieu, Isaac !

Porter et Poppy se précipitaient vers eux à toute vitesse, leurs visages arborant des expressions jumelles d'inquiétude et de peur. Un bref examen assura Blythe qu'ils allaient tous les deux bien, et le soulagement manqua de lui couper les jambes.

Contre toute attente, et malgré son malaise, Poppy fut la première à les rejoindre. Elle se jeta presque sur son frère, babillant de façon incompréhensible, les yeux humides.

— Doucement, Pop', il va bien... Il est en état de choc, et il a reçu quelques égratignures quand je l'ai poussé par terre, mais ce n'est rien.

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