Quand Blythe descendit du toit, ce fut en laissant Félix sur place, qui refusa de le suivre.
— Tu comptes passer la nuit dehors ? demanda-t-il, hésitant sur le premier barreau de l'échelle.
— Peut-être. J'aimerais admirer encore un peu les étoiles.
Blythe repensa à tout ce qu'il avait appris en seulement quelques heures sur le jeune homme. La vie qu'il avait été forcée d'abandonner quand il s'était réveillé dans le Bunker, la fuite qu'il avait orchestrée avec Eden, puis son arrivée chaotique à Serendipity. Il méritait bien de prendre un peu de temps pour lui.
Malgré lui, malgré toutes les émotions qui tourbillonnaient dans son cœur et les doutes qui l'assaillaient, Blythe était persuadé qu'il pouvait nouer des liens avec Félix. Le garçon était extraordinairement ouvert. Il paraissait naïf, mais il ne fallait pas confondre son honnêteté avec de l'innocence ou de l'ignorance. De toutes les personnes du refuge, Félix était probablement celui qui avait le plus vécu. Il s'entendrait avec merveille avec César, qui ne se lassait jamais de narrer ses aventures, ou encore avec Porter, qui était une merveilleuse oreille attentive.
Plus tard, songea Blythe. Il ne pouvait pas se permettre de trop se projeter dans le futur, ni de tirer des plans sur la comète. Il se sentait fragile, prêt à s'effondrer au moins accroc, et il refusait de se donner des raisons d'être déçu.
— Il y a des couvertures dans la serre, si jamais tu as froid, dit Blythe.
C'était le moins qu'il puisse faire.
— Tu exprimes ta sollicitude d'une manière qui peut être compliquée à comprendre, mais sache que je t'en suis reconnaissant.
Blythe se retrouva muet. L'attention de Félix s'étant retournée vers le ciel, il s'éclipsa.
Sa tête bouillonnait encore trop pour qu'il aille se coucher, alors il décida de rendre visite à Isaac et Poppy. La salle commune du refuge était vide et plongée dans la pénombre ; Joy s'était déjà retirée pour la nuit, et Blythe s'interdit de s'interroger sur Eden.
Un problème après l'autre. Il comptait bien respecter sa parole et de renouer avec le garçon, mais pas ce soir.
Comme il l'espérait, un rayon filtrait sous la porte de la chambre d'Isaac quand il descendit dans le quartier résidentiel. Il frappa doucement ; il arrivait que l'adolescent s'endorme avec la lumière allumée pour chasser les cauchemars. La voix de Poppy l'invita à entrer.
Le frère et la sœur étaient blottis dans le lit d'Isaac, avec Poppy assise contre le mur, un roman au dos brisé en équilibre sur son genou relevé. Elle caressait les cheveux de son frère de sa main libre.
— Il dort ? chuchota Blythe.
— Mmh. Il somnole, plutôt. Il a du mal à rester endormi. César a refusé de lui donner un somnifère.
— Ce serait dangereux s'il a eu un choc à la tête. Je pense que c'est plutôt bon signe qu'il parvienne à se réveiller.
— C'est dans ces moments-là que je suis incapable de te croire, même si je sais que tu as raison.
L'histoire de Poppy et d'Isaac était douloureuse. Ils vivaient auparavant dans une communauté nomade qui parcourait la région entourant New-Hope. Ce genre de groupe était généralement guidé par la foi, que ce soit en Dieu ou en une entité que les membres identifiaient dans les failles et le Plan-Miroir. Leur mode de vie était dangereux ; ils risquaient la mort à chaque instant qu'ils passaient en-dehors des refuges. Même s'il était couramment admis que les failles ne s'ouvraient pas par hasard à travers le pays, qu'elles étaient attirées par certains facteurs comme l'eau courante et les espaces dégagés, cela ne changeait guère grand-chose pour les nomades, qui passaient leur temps à chasser les phénomènes du Plan-Miroir pour exprimer leur foi.
VOUS LISEZ
SERENDIPITY
Science FictionÀ ce moment précis, alors qu'ils étaient entrelacés, Blythe était persuadé que l'éternité leur tendait les bras. Cela lui apparaissait comme une évidence : Eden et lui étaient liés. Là où l'un allait, l'autre suivait, avec peut-être un temps de reta...