Le sommeil échappa à Blythe cette nuit, et il ne fit aucun effort pour le chercher. Il avait beau s'être mis en lit, faisant même l'effort de prendre une douche et d'enfiler un pyjama propre, il savait pertinemment qu'il ne parviendrait pas à fermer les yeux dans les prochaines heures. Pas tant qu'Eden serait otage du Bunker.
Il ignorait dans quoi il s'engageait. Peut-être qu'il s'apprêtait à déclarer la guerre à des individus qui n'hésiteraient pas à faire couler le sang, et qu'il entraînait Serendipity avec lui dans sa chute. Peut-être qu'il allait commettre la plus grande erreur de sa vie – et cela voulait tout dire, étant donné que Blythe ne possédait pas de plus grand talent que de regretter tout ce qu'il avait accompli ou n'avait pas fait dans le passé.
Mais il se rendait compte que les implications le dépassaient. Il était incapable de dire de quoi l'avenir était fait, et il ne désirait pas s'aventurer à prédire les jours suivants. Cela ne lui apporterait que des soucis et des préoccupations dont il pouvait se passer. Il devait se concentrer sur Eden.
Lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit doucement, quelques minutes ou heures plus tard, Blythe retint son souffle. Il eut la pensée, fugace mais terrible, qu'il s'agissait d'Eden, revenu après avoir compris que son geste n'était pas la solution.
Blythe dut ravaler sa déception quand la lumière faible de sa fenêtre virtuelle dévoila non pas le garçon qu'il aimait mais un visage aux traits fins et des cheveux blonds ébouriffés. Félix.
— J'espère que je ne te dérange pas, murmura-t-il.
Il entra dans la chambre et referma la porte derrière lui avec un petit clic qui résonna dans le silence.
— Je ne dormais pas.
— C'est ce que je pensais. Ça tombe bien, je devais te parler.
— De quoi ?
— De ta vision. Ou plutôt, de tes visions. Mon instinct me souffle que ce n'est pas la première fois que cela t'arrive.
Félix ne lui demanda pas s'il avait raison, alors Blythe ne confirma ni ne nia. Il voulait voir ce que Félix était prêt à dévoiler seul. Même s'il avait affirmé au jeune homme qu'il ne lui en voulait pas d'avoir menti, une petite part de lui-même qu'il avait honte d'écouter ne pouvait s'empêcher de songer que rien de tout ça ne serait arrivé si les deux amis avaient été honnêtes avec les habitants de Serendipity. Ils auraient pu mieux gérer la situation, dissimuler leurs traces. À la place, ils avaient laissé une navette en ruines au lac, visible de loin, et Eden était parti.
— Je suppose que ça doit te faire peur.
— Pas vraiment, répondit finalement Blythe avec un soupir. C'est un peu comme rêver, sauf que je suis plus conscient, et que je me rappelle tout au réveil.
— Si cela ne t'effraye pas, alors pourquoi gardes-tu la lumière allumée ?
Touché.
— Les visions ne sont pas effrayantes, corrigea Blythe à contrecœur. Elles sont déchirantes, incroyablement tristes et tragiques, mais ce ne sont pas exactement des cauchemars. Enfin, je ne crois pas. Mais comment faire la différence ?
— Ça s'apprend. Si tu le souhaites, bien entendu.
Blythe entendit un froissement, Félix qui bougeait son poids d'une jambe à l'autre, mal à l'aise ou impatient. Il lui fit signe d'approcher dans la pénombre, et le jeune homme n'hésita pas. Il grimpa dans le lit de Blythe avant de se laisser tomber à ses côtés.
— D'où viennent-elles ? Les visions, je veux dire. Qu'est-ce qui les a provoquées ?
Félix soupira. Blythe sentit son souffle effleurer son épaule et un frisson parcourut la peau nue de ses bras. Il était partagé entre l'envie de mettre de la distance entre eux et de se rapprocher pour partager la chaleur du garçon. Il avait si froid...
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SERENDIPITY
Ficção CientíficaÀ ce moment précis, alors qu'ils étaient entrelacés, Blythe était persuadé que l'éternité leur tendait les bras. Cela lui apparaissait comme une évidence : Eden et lui étaient liés. Là où l'un allait, l'autre suivait, avec peut-être un temps de reta...