chapitre xiii

16 2 13
                                    

Auparavant, Blythe avait l'habitude de décrire son humeur et son état d'esprit de la même manière que l'on parlerait du temps qu'il faisait. C'était une astuce qu'il avait trouvée par le biais de ses lectures, une façon pour lui d'aborder un sujet sur lequel il avait du mal à s'exprimer, mais qui inquiétait énormément ses amis.

La plupart de ses journées étaient alors semblables à un orage. Un chagrin incommensurable composé de gros nuages noirs, une pluie torrentielle, et un tonnerre grondant qui noyait ses pensées et lui donnait l'impression d'être entraîné dans les abysses sans possibilité de remonter à la surface. Au fil des semaines et des mois, avec l'aide des autres et d'un traitement mis en place par César, il pouvait affirmer qu'il se sentait telle une journée de printemps : l'avenir était imprévisible, les averses pouvaient survenir à tout moment, mais il profitait de l'accalmie tant qu'elle durait.

Quand Blythe se réveilla dans les bras d'Eden, ce fut avec la certitude que les jours pluvieux étaient derrière lui pour de bon.

Il se sentait prêt à exploser de bonheur et d'un sentiment qui s'apparentait fortement à de l'amour. Cela n'avait rien à voir avec l'affection qu'il avait ressentie pour Eden quand il n'avait que dix-huit ans. Il avait grandi, et ses sentiments avaient été trop sévèrement mutilés par les quatre dernières années pour avoir mûri en même temps que lui. Mais cette nouvelle flamme... Blythe voulait la chérir, la protéger, la voir se développer en quelque chose qui promettait de devenir magnifique.

Blythe s'autorisa à feindre le sommeil le temps d'apprécier la situation dans laquelle il se trouvait. Il était couché sur le côté gauche, face à la porte comme toujours, et Eden était plaqué dans son dos. La nuit ne les avait pas séparés, le jeune homme le retenant de ses bras et jambes. Son front reposait entre ses omoplates et sa respiration était lente et régulière.

Eden s'était endormi, malgré ses insomnies, ce qui rendit fier Blythe. C'est grâce à moi, pensa-t-il avec un petit sourire satisfait. C'était une petite victoire à savourer, comme le fait de ne pas avoir cauchemardé cette nuit. C'était comme si son inconscient savait que la raison de ses terreurs nocturnes était vivant et en sécurité à ses côtés.

Un remède inconventionnel, il fallait l'admettre, mais terriblement efficace.

Blythe saisit la main d'Eden quand le jeune homme remua derrière lui, entremêlant leurs doigts.

— Bien dormi ? demanda-t-il en se retournant.

Eden se redressa sur un coude, baillant à s'en décrocher la mâchoire avant de se frotter les yeux. Il grogna et Blythe rit, attendri.

— Je vois que tu es toujours aussi grognon au réveil.

— Pourquoi changer une bonne habitude ? marmonna Eden.

— Très bonne question.

Eden s'affala sur Blythe, qui tenta de le pousser.

— Tu m'écrases !

— Ne fais pas comme si tu n'aimais pas ça.

Blythe se sentit rougir et Eden lui lança un sourire goguenard.

— Si tu es assez réveillé pour te moquer de moi, il est temps que l'on se lève. Allez, hop !

Eden protesta quand Blythe puisa dans ses forces pour se relever.

— Je n'ai pas envie, râla-t-il.

— On ne peut pas passer la journée enfermés ici, Joy viendra nous chercher par la peau des fesses. Ou pire : elle enverra Isaac. Crois-moi, tu ne veux pas ça.

SERENDIPITYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant