chapitre vii

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Blythe aurait aimé dire qu'il avait réagi comme un adulte responsable quand les autres rentrèrent enfin, mais ce serait mentir. Il s'était lâchement caché dans le centre de commandement, installé devant un écran de surveillance donnant sur le hangar, tandis que Joy allait accueillir les nouveaux venus – ou devait-il plutôt les appeler les revenants ?

L'image était en couleur mais dépourvue de son. Malgré lui, il se percha au bord de son siège pour ne louper aucun détail. Il dut cependant ravaler sa déception : le groupe ne perdit pas de temps à traîner dans le hangar et se rendit tout de suite dans le refuge.

Il les entendit descendre dans la salle commune. La situation n'avait pas l'air critique à en croire l'absence de boucan et une boule d'inquiétude que Blythe n'avait même pas remarquée se desserra enfin. César avait probablement dû prendre en charge ceux qui avaient été amochés près du lac, c'est-à-dire Isaac et l'ami d'Eden, le garçon aux réactions étranges qui s'était probablement cogné la tête.

La politesse voulait qu'il sorte du centre de commandement pour aller se présenter convenablement aux nouveaux venus et qu'il aide Joy à les installer. La jeune femme insisterait probablement pour qu'ils passent au moins la nuit avec eux avant de reprendre la route. Ce n'était pas la première fois que Serendipity accueillait des voyageurs, des gens de passage qui s'abritaient dans la station quelques temps avant de reprendre leur chemin. Blythe avait toujours apprécié ces moments qui secouaient le quotidien d'une façon fort agréable : sa nature curieuse trouvait beaucoup de plaisir à converser avec des personnes qui avaient vu le monde au-delà de la vallée et la montagne, les deux seuls endroits qu'il n'ait jamais visités.

Mais Blythe se trouvait incapable de bouger, paralysé par un mélange de peur, de colère et de désespoir. Un goût métallique pesait sur sa langue, et il mit un instant à comprendre qu'il s'était mordu l'intérieur de la joue jusqu'à en saigner. Il jura.

La porte s'ouvrit au même moment. Blythe se tendit, avant de soupirer.

— Je me doutais que tu te cacherais ici, répondit Porter. Enfin, c'était mon second choix, mais ta chambre était vide.

— Ferme la porte, s'il te plaît.

Porter s'exécuta, s'appuyant contre le battant, les bras croisés sur la poitrine.

— Combien de temps comptes-tu rester planqué ?

— Aussi longtemps qu'ils seront au refuge.

Blythe avait voulu répondre avec humour – ou sarcasme, plutôt – mais son ton était trop vindicatif pour prétendre le contraire.

— Admettons qu'ils décident de rester indéfiniment. Que vas-tu faire ? Te terrer pour le restant de tes jours au milieu des ordinateurs ?

— J'attendrai que tout le monde dorme pour aller prendre l'air, ne t'inquiète pas pour moi.

Porter n'avait pas l'air réceptif à sa tentative de détendre l'atmosphère, alors Blythe fit l'effort d'être sérieux.

— Qu'est-ce qui te fait dire qu'ils resteront ?

— Nous n'avons pas vraiment eu le temps de discuter, mais à en croire leur état, et la façon dont ils ont abandonné leur navette, ils n'attendaient rien d'autre que de trouver un endroit où se poser.

— Que penses-tu réellement ?

Porter réfléchit un instant, s'humectant les lèvres, avant de répondre.

— Qu'ils fuyaient quelque chose. Ou...

— Qu'ils cherchaient quelque chose, compléta Blythe. C'est ce qu'il a dit.

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