chapitre vi

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Blythe n'était pas une personne spirituelle. Il ne trouvait aucun réconfort en la croyance d'une vie après la mort, ou d'une entité omnisciente et toute puissante qui tirait les fils en coulisse, même s'il comprenait l'attrait de la chose.

Mais comment expliquer la présence d'Eden, en chair et os devant lui, quatre ans après sa mort, autrement que par un miracle ?

Eden avait changé. Il avait grandi ; disparu, le garçon de seize ans qui enchaînait les crises de croissance qui le laissaient maladroits et perdus dans son propre corps. Il avait perdu ses dernières rondeurs de l'enfance, arborant désormais un visage aux traits bien définis, aux pommettes hautes et à la mâchoire saillante. Mais ses yeux n'avaient pas changé, toujours aussi innocents et pleins d'émotions, incapables de dissimuler ce que le garçon pensait réellement.

Un bref instant, Blythe crut qu'il s'agissait d'une illusion. Il s'était cogné en se jetant au sol plus tôt et une commotion cérébrale lui jouait des tours, lui faisant miroiter une vision qu'il désirait plus que tout.

— Blythe ?

Une main sur son épaule le fit violemment sursauter. Porter le lâcha et recula comme s'il avait reçu une décharge. Le livreur semblait perdu.

— Que se passe-t-il ?

— Blythe ?

Blythe tourna la tête vers Eden avec assez de force pour provoquer un coup de lapin. Il mit un moment à comprendre que le garçon parlait, sa voix débordant de soulagement, de joie, d'expressions bien trop brillantes pour l'état d'esprit dans lequel Blythe se trouvait.

— C'est vraiment toi ? Oh, merci, merci... Ca fait des années que je te cherche, et enfin...

— Tu es mort.

Eden s'interrompit, la bouche ouverte.

— Quoi ? Non, non... Je suis vivant. Je suis là, Blythe, je...

Quelque chose dans l'expression de Blythe le fit se taire, et il se tourna vers son acolyte, écartant les bras comme s'il le suppliait de l'aider. Il n'eut pas de réponse.

L'adrénaline qui avait envahi Blythe après le crash de la navette commençait à disparaître, remplacée dans ses veines par une sorte de vague glacée qui le paralysait complètement. Il se sentait engourdi, comme détaché de la scène qui se déroulait devant ses yeux. Une petite voix lui murmurait qu'il lui suffisait de se coucher et de dormir pour que tout rentre dans la normale.

— Je ne comprends pas ce qu'il se passe ici, mais vous avez intérêt à vous expliquer tout de suite, menaça Porter.

Même s'il ne touchait plus Blythe, il restait à ses côtés, fixant avec méfiance les deux rescapés. Le premier, l'étrange garçon blond, fronçait les sourcils.

— Ce n'était pas comme ça que c'était censé se passer, murmurait-il.

Avant que Porter ne puisse l'interroger, une exclamation de surprise retentit dans le dos de Blythe. Il se tourna à temps pour voir Poppy s'approcher, suivie par un Isaac encore instable sur ses jambes. Les yeux écarquillés de son amie faisaient l'aller-retour entre Eden et Blythe, et la réalisation la fit pâlir. Blythe s'inquiéta brièvement de la voir s'évanouir à nouveau.

Si elle s'effondrait, il n'aurait pas la force de tenir debout à son tour.

— Tu ne devrais pas être là, finit-elle par dire à Eden.

Son ton n'était pas agressif ni particulièrement violent, c'était une simple déclaration. Et cela suffit pour que Porter comprenne, pour qu'il fasse enfin le lien entre le jeune homme debout devant lui et le fantôme qui hantait les nuits de son amant.

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