chapitre xv

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L'au-delà ressemblait à une plaine aride battue par les vents et à un escadron d'hommes cagoulés et armés. Ils escortaient une silhouette qui avançait en traînant des pieds. Le groupe dépassa Blythe sans le voir, mais le jeune homme put observer de plus près le prisonnier.

Un nez légèrement proéminent, des grands yeux sombres, des mèches sombres qui dissimulaient en partie son expression dévastée et effrayée. Il avait l'air plus jeune que le jeune homme que Blythe avait retrouvé, à peine plus âgé que l'adolescent de seize ans qu'il avait perdu quatre ans plus tôt.

Eden.

Le cœur de Blythe se gonfla de soulagement et il cria le nom du garçon. En vain. Eden n'eut pas l'air de l'entendre, et il continua à marcher sous étroite surveillance.

Ainsi, c'était à cela que ressemblait l'enfer. Blythe était désormais condamné à errer sur Terre, invisible aux yeux d'Eden. Il s'interdit de s'effondrer, de laisser les larmes couler et le chagrin le submerger. À la place, il décida de suivre cet étrange cortège.

Rien n'empêcherait Blythe de rester auprès d'Eden, même quand le voile de la mort les séparait.

Blythe les suivit pendant une durée qui aurait pu se mesure aussi bien en seconde qu'en heures. Le temps était étrange dans cette nouvelle dimension, malléable et sans importance. En un clignement de paupière, Blythe et le cortège se téléportèrent à leur destination.

C'était une espèce de cuvette, ou un cratère, un trou dans le sol poussiéreux où un immeuble de quatre étages aurait pu se dresser. Blythe ne vit que trop tard la faille.

Elle ne ressemblait en rien à celle qu'il connaissait si bien, qui lui était devenue familière au fil des années avant de faire exploser son monde, encore une fois. La Plan-Miroir semblait souffrir à cet endroit, saignant à travers la fabrique du monde pour s'infiltrer dans la réalité. La faille était imprévisible, se déchirant et se raccommodant grossièrement à la vitesse d'un cœur palpitant.

Un des hommes ordonna au cortège de s'arrêter, avant de saisir Eden par le bras et de le traîner jusqu'au rebord du cratère malgré les protestations désespérées du jeune homme.

Arrêtez, vous lui faîtes mal ! voulut hurler Blythe.

Personne ne lui prêta attention.

Ça ne sert à rien de te débattre, grogna le soldat. Va faire ton boulot, c'est l'unique raison pour laquelle tu nous es utile et que tu n'as pas fini au compost avec les autres déchets.

Il poussa Eden dans le cratère. Sa chute fut amortie par la pente, mais rien ne vint le protéger des nombreux cailloux et pierres qui attaquèrent férocement chaque centimètre visible de sa peau. Quand Blythe vit le sang perler à une plaie, il perdit le contrôle.

Il bondit vers le garde avec la ferme intention de le rouer de coup et de lui faire ressentir la même douleur qu'il avait infligée à Eden. Blythe passa à travers son corps comme un fantôme traversant les murs d'une vieille demeure. Cela ne le découragea pas, et il se prépara à repasser à l'attaque, quand un gémissement l'interrompit.

Eden se redressait avec difficulté, chassant la poussière qui s'accrochait à ses vêtements et retirant les gravillons qui s'étaient enfoncés dans sa peau. Ses beaux yeux étaient bordés de larmes et sa lèvre inférieure tremblait.

Oh, tu vas pleurer ? railla le soldat. Bouge ! Ne nous fais pas perdre plus de temps, sinon...

Il porta une main au pistolet qui reposait à sa hanche, envoyant un message clair.

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