chapitre x

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Le danger, de vivre dans un endroit comme Serendipity – outre les failles et l'isolement de la société –, c'était de trop se laisser aller. Il n'y avait pas d'autorité supérieure qui martelait des règles et un rythme de travail à suivre, ni de comptes à rendre à quiconque à part soi-même.

C'était pour cela que les habitants du refuge avaient mis en place une organisation rigoureuse des tâches ménagères.

César avait pour mission de gérer l'infirmerie et le centre de commandement. Il partageait ce dernier avec Joy, quand elle n'était pas enfermée dans le laboratoire à étudier les manifestations du Plan-Miroir de la vallée. Poppy était polyvalente, mais préférait quand même être chargée des repas et du ménage dans les parties communes. Isaac l'aidait souvent en cuisine, même s'il passait la majorité de son temps avec Blythe, à entretenir la serre, quand ce dernier ne partait pas au lac récupérer les données sur les failles. Chacun nettoyait sa chambre et la salle de bains après son passage.

Ils unissaient leurs forces pour les gros travaux, comme quand César avait l'idée de rénover et de redécorer une pièce, ou quand il fallait contrôler les antennes radios et que grimper sur le toit de refuge avec des outils plein les mains seul n'était pas une bonne idée, comme l'expérience leur avait prouvé.

L'arrivée de Félix et d'Eden bousculait le quotidien de la station. Quelques jours étaient passés depuis leurs premiers pas à Serendipity, et tout le monde, eux inclus, estimait qu'il était temps qu'ils mettent la main à la patte ailleurs qu'en faisant simplement la vaisselle ou en assistant aux repas.

Blythe ne put s'empêcher d'assister à la parodie d'entretien d'embauche que Joy leur imposa. Il était passé par la même étape, quatre ans plus tôt, et il était amusé de voir que les techniques de Joy n'avaient guère changées.

— Avez-vous des capacités qui sont utiles à la survie de notre communauté ?

La scène était comique. Joy était installée en tête de table, vêtue de son éternel chemisier et d'une paire de lunettes rondes qu'elle ne sortait que lorsqu'elle voulait paraître plus sérieuse. Félix et Eden étaient attablés à l'autre bout et échangeaient des regards nerveux. Depuis le canapé où il était avachi avec Isaac, Blythe devait se mordre la lèvre pour ne pas sourire.

— Non, je suis plutôt incapable, répondit honnêtement Félix. Mais je promets de faire de mon mieux !

Son expression honnête et son hochement de tête assuré perturba Joy. Isaac ricana.

— Je... merci de ta franchise ? Eden ?

— Je suis touche-à-tout. Je suis doué en mécanique, et j'aime travailler avec l'électronique. Et je suis assez fort, ça peut servir pour les gros œuvres.

— Oh, oui ! Il passait son temps dans la salle de sport du Bunker, approuva Félix. Les autres avaient peur de lui chercher des noises juste parce qu'il a de gros bras, alors qu'il n'a pas une once de méchanceté en lui.

Eden lui asséna une claque sur la poitrine pour le faire taire. Blythe haussa un sourcil. Cela ne l'étonnait pas ; Eden avait toujours apprécié l'effort physique. À la Communauté, il pratiquait tous les sports que l'orphelinat proposait, accompagnant Blythe lors de ses propres entraînements pour la patrouille, même s'il n'y avait rien d'excitant à courir sur les sentiers étroits de la montagne ou se faire botter les fesses à la lutte.

Blythe nota également que son intérêt pour la technologie n'avait pas disparu. C'était une chose qu'il faisait souvent, ces derniers temps, retenir toutes les bribes d'information qu'il apprenait sur Eden. Ils n'avaient pas eu l'occasion de parler depuis leur brève rencontre nocturne et le départ précipité d'Eden. Non pas que Blythe ait activement recherché à renouer le contact. Il sentait que le garçon était mortifié de sa remarque, et qu'il n'était pas ouvert au dialogue.

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