Chapitre 3

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- Bienvenue à l'hôtel The Landings, mademoiselle Stanton. J'espère que vous avez fait un bon voyage.

- Oui merci.

Emilia sourit par politesse mais le cœur n'y était pas. Elle était épuisée, le vol avait duré près de neuf heures. L'escale d'une heure trente à Miami lui avait permis de souffler un peu. Durant la première partie du vol, elle s'était retrouvée coincée au milieu d'un groupe d'adolescents en voyage scolaire. Plusieurs fois, leur professeur l'avait regardée d'une mine voulant dire "désolé, mais je ne peux rien faire." La seconde partie du vol n'avait pas été mieux, elle avait subi la litanie d'une sexagénaire mécontente de tout et d'un homme ayant une forte odeur corporelle. Elle n'avait pu manger son repas tant elle était incommodée. Elle ne souhaitait plus qu'une chose : prendre une douche et dormir.

- Comme vous êtes arrivée un peu en avance, nous avons dû vous attribuer une autre chambre pour cette nuit.

- Je ne pourrais pas la garder pour tout le séjour, je dois avouer que je n'ai pas très envie de défaire plusieurs fois mes bagages.

La réceptionniste sembla mal à l'aise.

- Je... il faut que je voie avec la personne à qui cette suite a été attribuée. Comme la chambre que vous allez utiliser ce soir, ne sera pas occupée par la suite, je vais lui demander si cela ne le dérange pas. Vous êtes de la même entreprise après tout.

Une suite ! Emilia n'en revenait pas. Finalement elle était assez contente d'être partie plus tôt, elle aurait la chance de dormir au moins une nuit dans une suite dont, elle était sûre, elle n'aurait jamais les moyens. Elle suivit le groom et prit possession des lieux. La suite comprenait trois grandes chambres ayant chacune une salle d'eau privative. Emilia apprécia les couleurs chaudes des mosaïques et les fleurs tropicales qui agrémentaient chaque pièce. Elle choisit la chambre qui se situait à l'opposé des deux autres. La pièce commune comprenait une partie salon et une table où l'on pouvait déjeuner ou diner. LE décor était simple mais chaleureux. Elle s'y sentit bien tout de suite, en oubliant même sa fatigue.

Avant de défaire ses bagages, elle se dirigea vers ce qui lui semblait être un balcon. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir une large terrasse donnant sur une piscine privative ainsi qu'un jacuzzi. Les équipements étaient certes impressionnants, mais rien n'égalait la vue sur la baie et les pentes verdoyantes du volcan. Elle inspira profondément bien décidée à profiter de ces instants privilégiés pour le temps que cela durerait.

Elle fit quelques photos qu'elle voulut envoyer à Brett, mais se souvenant de leur dernière échange, elle s'abstint et délaissa son téléphone. Sans attendre, elle se dénuda et enfila son maillot de natation. Elle se regarda dans la psyché, la couleur foncée du tissu contrastait avec la pâleur de sa peau. Elle se retourna et constata qu'elle avait aussi perdu du muscle. Un petit ventre arrondi et la mollesse de ses fesses lui rappelèrent qu'elle avait déserté la salle de sport depuis trop longtemps déjà. Sa poitrine n'était pas très développée, le maillot épousait leur forme sans que cela ne lui fasse de décolleté avantageux. Elle n'avait rien de sexy dans cette tenue. Elle souffla après tout qui s'en souciait ? Personne. Même Brett ne l'avait jamais complimentée sur son physique arguant que c'était sa personnalité qui l'avait fait craquer. Elle sourit lorsqu'elle repensa à leur premier échange. Il avait tout de suite flirté avec elle. Elle avait aimé l'attention qu'il lui avait accordée. Cela nourrissait les papillons qui voletaient à chaque fois qu'elle croisait son regard.

Mais là elle était seule. Elle n'avait à se soucier de personne. Elle ne connaissait personne et ne reverrai certainement pas les collègues avec qui elle partagerait peut-être la suite.

- Autant profiter ! songea-t-elle.

Elle attrapa une serviette et ses lunettes de soleil. Elle mit un peu de crème solaire, elle ne désirait pas finir rouge écrevisse. Sa serviette installée sur le transat le long de la piscine, elle hésita à s'y allonger. Elle savait que si elle se couchait, elle s'assoupirait, ratant ainsi les belles heures de l'après-midi. Elle plongea alors les orteils dans l'eau et constata avec délice que la température était parfaite. Elle se laissa glisser dans la piscine et fit quelques mouvements de brasse. Elle soupira d'aise. Emilia se mit sur le dos et flotta à la surface.

Elle ne savait combien de temps s'était écoulé quand elle entendit un raclement de gorge. Elle sursauta et se releva trop rapidement. Emilia se retrouva sous l'eau et but la tasse. Les cheveux dégoulinants lui cachant la vue, elle toussa pour recracher l'eau qui s'était insinuée dans sa gorge.

Sur la porte de la terrasse, se tenaient un membre du personnel de l'hôtel et deux hommes en costume. La seule pensée qui lui traversa l'esprit fut « Crotte ! le jour où je rencontre les deux plus beaux hommes de la planète, j'ai l'air d'une grenouille qui s'est noyée ! »

- Je n'aurais pas dit grenouille, plutôt triton délavé, dit l'un de deux hommes.

Choquée du commentaire, elle mit quelques secondes avant de comprendre :

- Ah ! J'ai pensé tout haut.

Le deuxième homme se retint de rire un instant, puis voyant l'air dépité d'Emilia, éclata franchement de rire. L'hôtesse contint comme elle put son propre rire, le masquant élégamment derrière sa main. Devant l'hilarité des nouveaux venus, les joues de Mily prirent une teinte écarlate. Elle se serait bien laissée couler au fond de la piscine, mais cela n'aurait rien changé au fait qu'ils souhaitaient lui parler.

- Excusez-moi, mademoiselle, dit la jeune employé, ces messieurs ont réservé cette suite pour demain, mais ils sont eux aussi en avance.

- Vous voulez que je parte ?

Habituée à être celle qui dérange et surtout celle qui se sacrifie pour les autres, elle joignit le geste à sa parole. Elle sortit de l'eau dans l'idée de refermer son sac et de quitter les lieux. Mais l'hôtesse l'arrêta :

- Non, monsieur Delaware accepte de vous laisser passer la nuit ici. Dès demain, vous aurez accès à la chambre individuelle qui était prévue.

Emilia, au lieu de s'arrêter, continua de ramasser ses affaires. Ce fut une voix d'homme qui l'interpela :

- Mademoiselle ...

- Stanton, Emilia Stanton.

- Mademoiselle Stanton, il y a trois chambres, nous ne sommes que deux, nous n'allons pas vous mettre à la porte cette nuit. Vous pouvez continuer à occuper la troisième chambre, cela ne nous dérange pas.

Elle ne sembla pas comprendre. Le deuxième homme l'attrapa alors par le bras, grommela quelque chose qui fit rire les deux autres avant d'ajouter :

- Restez !

Elle arrêta de s'agiter et regarda la main qui avait saisit son bras. Ses yeux remontèrent lentement le long du bras puis les épaules et enfin les yeux ambrés de l'homme qui l'avait stoppé dans son élan. Comme si son cerveau avait eu besoin de tout ce temps pour comprendre, enfin le sens des mots prononcés lui parvint.

- Oh ! Vraiment ? Je ne voudrais pas abuser. C'est votre suite.

Lassé, l'homme la relâcha et s'éloigna sans même la regarder. Elle comprenait sa réaction. Elle était parfois tellement en décalage dans ses réactions maladroites qu'elle fatiguait les autres.

- Bien-sûr que vous pouvez rester. On n'est pas des bêtes ! lui répondit l'autre homme.

- Je vais vous laisser, s'excusa l'hôtesse avant de disparaître discrètement.

Dégoulinante au milieu du salon, Mily tenait maladroitement sa serviette contre elle. Elle se rendit compte de sa tenue lorsque l'homme la scruta avec attention. Mal à l'aise, elle essaya de se couvrir davantage.

- Pardon, je vous dévisage, c'est mal poli de ma part. Je suis Blake Alrick, je viens du Kansas, je travaille avec Bly.

Voyant qu'elle ne voyait pas de qui elle parlait, il explique :

- Bly Delaware, celui qui vous a dit de rester.

Les yeux de la jeune femme brillèrent de compréhension.

- Nous ne voulions pas interrompre votre baignade. Je vais aller m'installer moi aussi, donc faites comme chez vous.

Il s'éloigna et passa le pas d'une des deux chambres. Elle resta un instant sans bouger, un peu perdue. Elle était vraiment surprise de réagir ainsi alors qu'elle s'était toujours vu comme quelqu'un de vif. Le vol avait dû lui ôter des neurones. Elle ne voyait que ça. Une grande lassitude lui tomba sur les épaules. Au lieu de retourner à la piscine, elle partit prendre une douche dans l'optique de se coucher tôt. Elle avait besoin de récupérer ses esprits.

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant