Chapitre 22

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          Il fallut cependant se remettre au travail et la parenthèse qu'ils venaient de s'offrir fut bientôt oubliée sous la masse considérable de travail qu'il fallait abattre. Ils devaient partir cinq jour plus tard pour présenter leur projet à leur client. Bly se délectait de pouvoir travailler avec sa compagne, s'enivrant de son parfum et veillant ainsi sur elle. Emilia se surprit à retrouver le plaisir de ses premières années de travail, lorsque débordante d'enthousiasme elle suggérait, échangeait, collaborait avec plaisir sans craindre de se faire dérober ses idées. Bly la soutenait et fournissait également un travail conséquent. Ils étaient souvent les premiers arrivés et les derniers partis. Elle rentrait chez elle exténuée mais satisfaite du travail accompli.

Le jour du départ pour la Louisiane, Emilia était accompagnée de Maggy, de Blake et de Bly lorsqu'elle prit place dans l'avion. Elle fut ravie de constater qu'ils étaient installés en classe affaire, ayant ainsi de l'espace et de la tranquillité. Le vol devait durer trois heures jusqu'à Bâton-rouge. Ensuite ils prendraient un plus petit avion pour Natchitoches au cœur de la Louisiane. Blake racontait avec enthousiasme le pittoresque de sa ville natale, vestige des premiers colons européens. Maggy l'avait taquiné sur le paradoxe entre ses origines amérindiennes non équivoques et son admiration pour les colonisateurs. Il avait haussé les épaules en disant que tout le monde avait sa place et que leur communauté avait rapidement été mixte. Cette explication attisa la curiosité d'Emilia. Elle questionna du regard Bly qui se trouvait à sa droite, près du hublot. Il lui sourit et lui chuchota à l'oreille :

— Attendons d'être arrivés, tu auras droit à une visite historique guidée.

Elle n'avait pas pu discuté avec Bly sur sa nature hybride depuis qu'il la lui avait avouée. Pas qu'elle n'y avait pas pensé, mais ils n'avaient pas vraiment eu le temps. L'avion n'avait pas encore décollé que son cerveau libéré des préoccupations professionnelles lui envoyait des tas de questions. Elle écoutait Blake et se demandait si lui aussi était au courant pour Bly. Peut-être que lui aussi était un homme-loup. 

Elle savait qu'ils allaient loger dans l'une des résidences de la compagnie des cèdres rouges. C'était le nom de la société appartenant à la famille de Bly dont faisait également partie Blake. Soudainement lasse, elle se détendit et se laissa emportée par le sommeil. Elle sentit vaguement, l'épaule de Bly se glisser sous sa tête. Son parfum l'emmena dans des contrées plus boisées, plus sauvages. Elle rêva de couleurs et d'odeurs végétales. Elle croisa la route d'un loup aux yeux familiers. Au lieu d'être effrayée, elle le laissa s'approcher et glissa sa main sur son pelage soyeux. Un étrange sentiment d'apaisement lui étreignit le cœur. Elle entendit alors son prénom :

— Emilia, Emilia, nous sommes arrivés.

La main tendre de Bly caressait sa joue pour la ramener à la réalité. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le visage de Bly était tout près du sien. Elle plongea dans les prunelles du jeune homme retrouvant les yeux qu'elle avait croisés dans son étrange rêve. Un besoin impétueux se réveilla dans son ventre. Elle voulait qu'il l'embrasse, elle voulait se fondre en lui. Elle prit soudainement conscience de cette curieuse impression, et au lieu de s'en délecter, elle prit peur et s'éloigna doucement de Bly. Elle crut déceler une douleur fugace traverser son visage, mais elle ne s'attarda pas dessus détournant le regard. Elle n'était pas prête, même si son corps réagissait au contact de Bly, son cœur était encore solidement enfermé dans une tour de briques solides cimentées par son manque de confiance.

Ils quittèrent l'avion pour rejoindre une autre piste plus petite où une connaissance de Bly les attendait avec son avion.

— Delaware ! Content de te revoir enfin parmi nous !

L'homme d'une quarantaine d'années fit une accolade à Bly et à Blake. Il reprit ensuite après avoir observé les deux jeunes femmes :

— Je comprends que tu n'avais pas vraiment envie de rentrer quand on voit de si charmantes demoiselles. C'est Rosa qui va être jalouse.

— Arrête donc de dire n'importe quoi ! le rabroua Blake. Ramène nous à la maison.

— A vos ordres Lieutenant.

Blake lui mit une bourrade dans l'épaule avant de se diriger vers un petit avion au nom de la compagnie forestière.

Bly aida Mily à monter et s'installa près d'elle. Il profita de la promiscuité pour se coller à elle. Il avait été un peu déçu à l'atterrissage lorsqu'elle l'avait repoussé. Il avait tellement eu envie de l'embrasser à ce moment-là. Son loup devenait impatient, il voulait la faire sienne, s'enfouir en elle pour la marquer. A cette pensée, son excitation se fit plus pressente. Emilia prenant son état d'agitation pour du stress, lui prit la main. Ce geste l'attendrit. Il la remercia en embrassant le dos de sa main. Il s'y accrocha ferment par la suite et traça du pouce des cercles sur la peau de la jeune femme qui ne tardèrent pas à enflammer ses sens. Il ne sembla pas s'en rendre compte et lui désigna à travers la fenêtre ce qu'ils voyaient en contre-bas. Peu avant d'atterrir, le soleil couchant se reflétait sur les frondaisons de la forêt. Les reflets métallisés des feuillages lui coupa le souffle. Le paysage forestier s'ouvrit pour laisser apparaître une piste vers un petit aérodrome.

Le climat chaud et moite accueillit les voyageurs sur le sol de Natchitoches. Une voiture les attendait. Bly ouvrit la porte pour faire entrer Emilia à l'avant et prit place à ses côtés derrière le volant. Il alluma le moteur avec assurance. Ils traversèrent la ville. Blake présentant les différents monuments et bâtiments typiques de l'architecture colonialiste. Emilia observait Bly et admirait sa conduite maîtrisée. Blake et Maggy débattirent ensuite sur un sujet quelconque que ni l'un ni l'autre n'écoutait.

— Ce que tu vois te plait ?

Emilia rougit, elle ne savait pas s'il faisait allusion aux somptueux paysages qu'elle découvrait ou bien à sa façon de le regarder. Elle bafouilla un oui et détourna le regard gênée. Bly ricana dans sa barbe et se concentra sur la route. Il ressentit avec force l'approche de la meute. Il revenait à la maison après plusieurs semaines auprès d'Emilia. Il avait hâte de la présenter aux autres tout en appréhendant la réaction de la jeune femme. Il craignait également que les anciens ne lui demandent de rester. Cependant il ne pouvait envisager de laisser repartir Emilia sans lui. Il ne voulait pas paraître égoïste pourtant une partie de lui désirait qu'elle reste ici, près de lui. Ils se construiraient un chalet dans la forêt, sur le terrain au bord du lac qui lui était destiné. Il était certain que la vue à couper le souffle charmerait le cœur de la jeune femme. Son loup rêvait de balade dans les bois avec son âme-sœur. Elle n'était pas une louve mais cela n'avait pas d'importance. C'était elle que le loup désirait, c'était elle que la lune lui avait destinée et il ne voudrait jamais une autre qu'Emilia.

Ils prirent une allée gravillonnée qui les firent entrer dans la forêt. Ils passèrent ensuite une barrière à bétail et suivirent la voie qui semblait mener au cœur des bois. La jeune femme ne vit pas tout de suite la grande résidence qui se dévoila vraiment au détour d'un dernier virage. L'immense bâtiment principalement conçu en bois s'inscrivait dans le décor végétal avec harmonie. Il était grandiose et devait pouvoir accueillir un grand nombre de personnes. Bly gara la voiture sur le côté du bâtiment sous un préau prévu à cet effet à côté de plusieurs voitures, certaines luxueuses, d'autres plus utilitaires. Il fit signe à Emilia d'attendre alors qu'il sortait du véhicule. il fit rapidement le tour et lui ouvrit la porte et l'aida à descendre tel un gentleman. Mily rougit à la fois charmée de l'attention et troublée de la sensation chaude de sa main dans la sienne.

Les hommes prirent les bagages et les dirigèrent vers l'entrée monumentale. La porte s'ouvrit soudainement et une magnifique créature brune aux yeux de bruyère se jeta sur Bly et l'embrassa à pleine bouche et s'exclama ensuite :

— Oh Bly, mon amour, tu es enfin de retour !

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant