Chapitre 11

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Le chef parut aussi choqué qu'elle lorsque Bly lui proposa de venir. Elle regarda sa tenue et tenta de s'esquiver :

- Ma tenue n'est pas adéquate, je ne veux pas commettre d'impair.

- Je peux passer chez vous pour que vous vous changiez. Nous avons encore le temps. Quant à commettre un impair, vous avez certainement déjà participé à ce genre de dîner...

Voyant la mine piteuse du chef, Bly comprit rapidement que la jeune femme avait toujours été mise de côté. Il serra les poings se retenant de ne pas incendier le "chef". Il devinait de plus en plus les raisons de la jeune femme de s'isoler et de se méfier de lui et de son équipe. Il n'avait pas vraiment compris le choix du chef de mettre ses deux équipes en compétition. Il était en phase d'observation pour l'instant et outre qu'il était ravi de travailler dans les mêmes bureaux qu'Emilia, il avait vraiment envie de travailler AVEC elle.

- Je ne veux pas déranger, vraiment.

- Vous ne dérangez pas.

- Allez, acceptez Emilia, Bly a raison, vous devez être présente.

Le chef partit alors devant et Bly suivit Emilia jusqu'en bas de chez elle. Elle lui proposa de monter, par politesse, mais il déclina, ne voulant pas s'imposer. Elle sembla soulagée lorsqu'il refusa, elle n'était pas prête à faire entrer un homme chez elle, surtout un homme tel que Bly qui visitait ses rêves depuis quelques semaines. Mais elle ne l'avouerait jamais même sous la torture. Pensant attendre au moins une demi-heure, il fut surpris de la voir redescendre dix minutes plus tard. Elle portait une robe patineuse bleue marine faisant ressortir ses cheveux blonds. Elle n'avait rajouté qu'un trait de crayon à ses yeux et les escarpins assortis soulignaient délicieusement ses jambes. Il ne put retenir un sourire d'admiration lorsqu'elle passa la porte d'entrée. Il lui ouvrit la porte passager et attendit qu'elle soit installée pour lui dire qu'elle était très jolie ainsi apprêtée. Emilia rougit et détourna le regard pour attacher sa ceinture.

Le trajet se fit dans le silence, il avait juste mis un fond musical très doux qu'Emilia apprécia. Une fois arrivés, il se dépêcha de sortir pour lui ouvrir la portière. Elle ne savait pas si elle devait accepter ce genre de galanterie, ce n'était pas un rendez-vous. Il n'alla pas jusqu'à lui proposer son bras pour aller dans le restaurant, mais lui tint tout de même la porte après avoir marché à ses côtés. Ils rejoignirent le chef qui se trouvait déjà en compagnie d'un couple de quinquagénaires.

- Bly et Emilia vous voilà enfin. Nous allions commander l'apéritif.

Bly installa Emilia entre le client et lui. Ainsi, elle faisait face à l'épouse qui se trouvait au côté du chef et de son mari. Ils se présentèrent et discutèrent tranquillement autour d'une coupe de champagne. L'univers machiste dans lequel évoluait Emilia eut tôt fait de la mettre de côté si elle ne s'était pas imposée elle-même. Bly l'écoutait attentivement ce qui obligea les deux autres hommes à en faire de même. La compagne du PDG sembla aussi s'intéresser à ce qu'elle disait et intervenait de temps à autre sous les regards courroucés de son mari. Un peu plus tard, Emilia s'excusa pour aller se rafraichir et la femme l'accompagna. Elles se retrouvèrent devant les grands miroirs surplombant les lavabos. En la regardant à travers le miroir, la femme du PDG lui dit :

- Je vous remercie pour cette soirée.

Emilia surprise bredouilla :

- Je n'y suis pour rien.

- Oh bien sûr que si ma chère. Vous avez l'audace de vous imposer et de dire ce que vous penser. Ils vous ont écoutée ces hommes. Ah peut-être qu'ils nous laisserons enfin assez de place pour que nous existions.

- Je suis étonnée, je ne crois pas être aussi pleine d'assurances que vous le dites.

- Alors vous cachez bien votre jeu. Continuez ainsi. Défendez vos idées. Portez-les. Vos projets sont intéressants, je vais faire en sorte que vous obteniez le contrat, vous le méritez.

- Je ne sais pas quoi dire, vraiment ... je suis ...

- Ne dites rien. Retournons-y avant qu'ils ne recommencent leurs discours machistes.

Elle lui sourit et ensemble elles reprirent leur place. Le café arriva et ils convinrent d'une date pour la présentation des projets. Emilia s'adressa alors directement à la femme du client :

- Vous serez là bien sûr ? J'ai trouvé nos échanges vraiment intéressants ce soir et j'aimerais que vous puissiez donner votre avis.

Les yeux brillants de gratitude, la femme acquiesça, le PDG n'osa contredire sa femme devant des collaborateurs mais manqua de s'étouffer en avalant de travers son brandy. Le sourire jusqu'aux yeux, Emilia prit congé, suivi de Bly qui la raccompagnait. Lorsqu'ils furent seuls, il lui déclara :

- Vous avez été époustouflante ce soir.

- Merci. Je ne me rends pas bien compte en quoi j'ai fait quelque chose d'extraordinaire.

- C'était votre premier dîner d'affaires et vous avez été parfaite. Je suis sûr qu'ils choisiront votre projet. Il est brillant, vraiment.

Elle se raidit quelque peu lorsqu'il lui parla de son projet. Allait-il le lui prendre ? La voyant mal à l'aise, il lui demanda s'il avait dit quelque chose de mal.

- Non, c'est moi. Je suis fatiguée, il faut croire.

Il souffla rassuré et la guida jusqu'à la voiture. Le trajet se fit encore une fois en silence, sans que ce ne soit réellement pesant. Ils étaient chacun perdus dans leurs pensées ne sachant comment exprimer à l'autre ce qu'ils souhaitaient vraiment dire. Alors qu'ils étaient arrivés près de l'immeuble d'Emilia, Bly se lança enfin :

- Je suis vraiment heureux de pouvoir collaborer avec vous. J'espère que ce projet sera le premier d'une longue liste.

Alors c'était ça ? Il allait s'approprier les bénéfice de son travail en faisant croire qu'il y avait participé ? Il avait certainement oublié qu'ils étaient en compétition et que jamais elle ne lui laisserait l'opportunité de mettre ne serait-ce qu'un orteil dans les bureaux de son équipe. La colère monta en flèche et après un regard furibond, elle sortit précipitamment de la voiture sans le remercier ou lui souhaiter une bonne nuit. Bly resta bouche-bée devant ce changement d'attitude aussi soudain que violent. Il ne comprenait pas ce revirement. Il attendit tout de même qu'elle soit bien entrée dans le bâtiment avant de reprendre la route pour rentrer chez lui.

Emilia ne décolérait pas. Elle se dévêtit à peine le pas de la porte passé et fonça dans la douche. Elle avait besoin de se calmer. Elle avait pourtant passé une soirée formidable, elle sentait qu'enfin son avenir professionnel s'ouvrait. Cet idiot avait tout gâché. Elle se demandait cependant pourquoi son ressentiment était si fort. Peut-être avait-elle cru un instant, qu'il n'était pas comme ces abrutis qui se croient plus forts car ils ont une queue dans leur slip. Il avait été attentif et l'avait complimentée pour ses idées. Il avait été un vrai gentleman. Il était certainement trop bien pour être vrai. Elle était encore une fois la cible d'un manipulateur. Elle refusait de se faire avoir encore une fois. Il pouvait aller se rhabiller celui qui essaierait de l'avoir. Elle avait retenu la leçon de Brenda et Brett, c'était fini les "trop bonne, trop conne". Elle allait se protéger farouchement. Tant pis si elle finissait seule, elle prendrait un chat !

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant