Chapitre 8

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Lorsqu'elle retourna à son bureau, la mine totalement déconfite, elle trouva un calme assourdissant. Ses collaborateurs piquaient du nez, à la fois dépités et épuisés. Ils ne s'étaient fait aucune illusion, ils savaient que ce qu'ils avaient imaginé en une nuit ne valait pas le projet que Mily avait imaginé. L'air victorieux de Brett qui avait fait le détour par leurs bureaux en avait dit long. Ils attendaient que Mily prenne la parole, qu'elle les réconforte ou qu'elle leur dise quoi faire.

- Bon on ne va pas épiloguer. Je me suis faite avoir en beauté. Je me suis faite, pardon pour le mot, baiser dans tous les sens du terme. Je vous demande pardon de n'avoir rien vu.

Elle eut un rictus mauvais et laissa un rire jaune éclater. Si le message n'était pas clair jusque là, l'univers et Brett s'étaient ligués contre elle pour faire éclater sa bulle.

- Mily on sera toujours là pour bosser ensemble. On n'est pas si mal ici en plus, essaya de la réconforter Maggy.

- Merci pour vos efforts. Je vous mets pour le reste de la semaine en congés. Vous avez beaucoup travaillé, vous l'avez mérité.

Ils rangèrent leurs affaires et se levèrent en silence. Ils la saluèrent comme on salut une veuve à la fin de l'enterrement de son époux. Elle resta encore un moment seule dans le bureau avant de soupirer.

Elle s'octroya une nuit, une seule nuit pour pleurer ses désillusions. Elle aurait aimé avoir quelques affaires à Brett pour pouvoir les déchirer ou les brûler. Elle fit simplement le tri du peu de photos qu'ils avaient fait ensemble. Lorsqu'elle observa son studio, un sentiment étrange d'oppression lui prit. Cela faisait trop longtemps qu'elle était là, Brett y avait laissé son empreinte malgré lui. Prise d'un besoin soudain de changer d'air vers quatre heures du matin, elle enfila une tenue de sport et descendit courir.

L'air froid et vif brûlait son visage et ses mains. Elle se dit que c'était à cela que ressemblait le monde : froid et piquant et que si elle voulait s'en sortir, elle devait devenir plus féroce encore que les hyènes qui l'entouraient. Elle trottina sur place devant la vitrine d'un agent immobilier et prit la décision de le contacter pour changer de logement.

Il fallait qu'elle change. Son reflet dans le miroir lui renvoyait l'image d'une pauvre fille pathétique. Elle avait besoin d'une nouvelle coupe, d'un nouveau style. Plus motivée que jamais elle rentra chez elle et trouva l'énergie de trier ses affaires et de préparer son déménagement.

La fin de semaine acheva de la métamorphoser. La chenille s'était enfermée dans sa chrysalide, elle ne s'occupait que d'elle et de son environnement. Elle fit le ménage dans le bureau, allant jusqu'à faire passer un technicien pour qu'il s'assure qu'il n'y ait pas de micro ou de logiciel pirate sur les postes de son équipe. Elle fut surprise de constater qu'il ne l'a prit pas pour une folle parano. Elle ne lui fit pas la remarque, mais il la félicita pour cette initiative qui était selon lui une bonne chose. Elle ne croisa pas Brett ni aucun membre de son équipe. C'était mieux ainsi. Elle fit la sourde oreille lorsque l'on tentait d'aborder le sujet avec elle. Elle n'était pas prête à affronter tout ce qui ce qui s'était passé.

Son chef l'a convoqua le vendredi, le jour qui aurait dû être la consécration de sa carrière.

- Mily, entrez.

- Mon nom est Emilia, monsieur.

Elle avait dit ça d'un ton sec qui surpris son supérieur.

- Hum... Oui Emilia. Je voulais vous informer du départ de certains de vos collaborateurs. Brett a besoin d'une équipe au complet. Seuls Maggy et Mika ne souhaitent pas partir travailler avec lui.

Alors c'était comme ça, il allait aussi le dépouiller de ses collaborateurs ? Elle les avait aidé à progresser, à faire en sorte qu'ils expriment tout leur potentiel. Tout ça pour servir les intérêts d'un autre. Elle retint un grognement d'agacement. Ne la voyant pas réagir, il poursuivit :

- Le siège nous envoie deux nouvelles équipes. Une pour travailler avec vous et une autre qui sera dirigée par un nouveau manager. Il n'arrivera que dans deux mois, le temps pour lui de terminer son précédent projet.

Elle hocha simplement la tête et demanda si ce serait tout. Il acquiesça et la regarda partir, la mine inquiète.

Le lundi suivant, Maggy et Mika crurent qu'ils étaient arrivés dans un monde parallèle. Leurs bureaux étaient complètement isolés du reste de l'étage. Des cloisons avaient été installées, si bien qu'il était impossible de voir où d'entendre ce qu'il se passait dans l'espace qui leur était dédié. Leur boss aussi avait changé. Ils ne la reconnurent pas tout de suite. Elle présentait quelque chose à trois personnes qui leur étaient inconnues. Elle portait un tailleur stricte et chic. Sa nouvelle coupe de cheveux, un carré très droit lui donnait à la fois un air sévère et dur. Elle était méconnaissable. Elle avait l'air peu engageant tout en attirant le regard.

Maggy approcha n'en croyant pas ses yeux. Elle attendit qu'Emilia ait fini avant de l'interpelle :

- Emilia ! Une tornade est passée dans le bureau ou quoi ?

- Vous tombez bien. Maggy et Mika voici les nouveaux collègues de l'équipe. Voici Virginia, designeuse, Fred, chargé de communication et Carlos, Web designer.

Chacun se salua et se présenta poliment. Emilia installa chacun sur son poste et leur donna une heure avant le premier briefing. Elle fit signe à Maggy et Mika de la rejoindre en salle de réunion.

- Tu es époustouflante Emilia ! Lâcha Maggy lorsqu'ils se trouvèrent dans la salle.

- Merci. Je tenais aussi à vous remerciez d'être restés travailler avec moi plutôt que de rejoindre l'équipe de Brett.

- Franchement la question ne se posait pas ! Hors de question de bosser pour ce connard ! S'insurgea Mika.

Maggy confirma les propos du second assistant.

- Prêts pour de nouveaux projets ?

- Bien sûr ! Plus que jamais !

- Bien, Mika tu t'occupes de préparer la salle de réunion. Descends chez Ernesto de quoi prendre des encas, nous n'aurons pas le temps de déjeuner. Maggy, tu me sors tous les dossiers sur Apfelnite et les autres entreprises travaillant dans des domaines similaires. Évitons de copier sans le savoir des campagnes déjà existantes. Il vous reste quarante minutes, ne traînez pas !

Elle sortit d'un pas assuré, laissant ses assistants estomaqués et charmés tout à la fois. Ils se regardèrent un instant, le sourire aux lèvres, avant de se lever et de se mettre au travail.

Finalement ce changement était bien moins difficile qu'elle ne pensait. Elle dirigeait toujours sans pour autant tout faire. Ses collaborateurs furent tellement subjugués qu'ils ne se plaignirent pas de l'augmentation de leur charge de travail. Elle les guidait, leur disait quoi faire et les stimulant pour qu' ils soient productifs. En un mois, ils avaient bouclés sept projets de plus qu'en temps normal. Il faut dire que sans équipe concurrente, elle n'avait pas à s'inquiéter de se faire voler ses idées. Autant, les nouveaux de son équipe reçurent un bon accueil de sa part, autant l'autre équipe subit son indifférence. Sans réel chef, ils manquaient d'efficacité et regardaient avec envie la salle de réunion où Emilia briefait son équipe.

Mais les choses changèrent lorsqu'arriva le nouveau manager. Bly Delaware. Lorsqu'elle le vit entrer dans la salle de réunion suivi de son acolyte Blake, elle manqua de laisser échapper ses émotions. Son cœur qui semblait jusque là anesthésié, fit une embardée. Il était aussi beau que dans son souvenir. Il darda sur elle un regard qu'elle ne saurait qualifier. Le silence dura un certain temps, trop long surement pour leur chef qui d'un raclement de gorge, fit reprendre le cours du temps.

- Bonjour à tous, je suis ravi de reprendre le poste de manager. Mon nom est Bly Delaware et j'espère que nous mènerons beaucoup de projets ensemble.

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant