Chapitre 4

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La première conférence avait lieu à neuf heures trente. Mily s'était donc levée vers huit heures afin d'avoir le temps de se préparer, refaire sa valise et manger. Elle n'avait croisé aucun des occupants de la suite et en était ravie. Elle était encore honteuse de l'image peu valorisante qu'elle avait renvoyée lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Elle descendit au restaurant prendre son petit-déjeuner. Elle remarqua que beaucoup arboraient un badge au logo de son entreprise. Elle n'eut pas l'audace de s'installer auprès de ses collègues qui n'étaient pour elle que des inconnus. Elle trouva une place dans un coin de la salle, elle avait une vue imprenable sur les allers-et-venues des clients. Elle mangea doucement, grignotant sa viennoiserie, en observant la vie qui se déroulait devant elle. Elle aurait été devant la télévision qu'elle n'aurait pas été aussi obnubilée. Elle ne remarqua même pas lorsque Blake vint s'assoir à sa table et que son deuxième colocataire l'y rejoint ensuite.

- Vous avez bien dormie ?

Elle sursauta renversant la moitié de son thé devenu tiède sur la table. Elle ne put éviter que la table ne manque de vaciller lorsqu'elle se releva brusquement. Les tasses tintèrent, mais l'adresse des deux autres continrent la casse. Malheureusement, son chemisier fut touché ainsi que le pantalon de Bly Delaware.

- Du calme ! vous allez tout casser !

- Oh mon dieu, je suis désolée, votre pantalon...

Elle se saisit des serviettes se trouvant sur la table et voulut nettoyer la tâche qui se formait. Cependant l'homme toujours aussi placide, lui retint la main.

- Ne me touchez pas !

Sans en dire davantage, il l'éloigna de lui.

- Vous devriez aller vous changer, votre chemisier...

Elle rougit mal à l'aise, baissa la tête et observa l'ampleur du dégât. Le thé avait rendu transparent le coton blanc révélant sa lingerie. Elle rougit encore davantage si cela était possible. Par réflexe, elle plaqua ses mains sur sa poitrine. Blake se mordait les lèvres, il se retenait de rire, à n'en pas douter. Elle retint comme elle put la gène qui s'installait, elle bredouilla des excuses, attrapa son sac et se sauva.

Par bonheur, elle trouva l'ascenseur libre devant elle. Elle appuya sur l'étage, maugréant sur le fait qu'elle n'allait pas avoir beaucoup de temps pour ensuite se rendre à la conférence. Elle n'avait pas besoin de se faire remarquer davantage. Elle ne doutait pas que la moitié des participants se trouvant dans le restaurant l'avait déjà cataloguée dans la case maladroite et ridicule, idiote peut-être aussi. Les portes commencèrent à se refermer, elle souffla de soulagement, elle était seule. Alors que les deux battants allaient se rejoindre, une grande main d'homme se glissa entre les deux et rouvrit les portes. Elle se retourna bien vite, ne voulant pas faire face à cet inconnu. Elle avait déjà bien assez l'air pitoyable, pas besoin d'en ajouter davantage. L'ascenseur se referma finalement sur eux. Elle resta tête baissée, le dos tourné. L'homme eut l'amabilité de ne rien dire jusqu'à ce qu'ils arrivent à son étage :

- Nous sommes arrivés, venez.

Le voix dure et ferme ne laissait aucun doute sur l'identité de son propriétaire. Bly Delaware était certainement monté se changer lui aussi. Par sa faute, il allait lui aussi perdre du temps. Gênée, elle hocha doucement la tête et se retourna pour le suivre. Il ouvrit la porte et sans l'attendre fila dans sa chambre. Son manque de galanterie arrangea Mily. Elle fila dans sa chambre et fouilla dans sa valise, tentant du mieux qu'elle le pouvait de ne pas tout défaire. Elle finit par mettre la main sur son second chemisier, un peu moins confortable que le précédent car beaucoup plus cintré et dont l'absence de bouton au dessus de la poitrine, dévoilait un décolleté plus prononcé que ce à quoi elle s'autorisait dans un milieu professionnel. Il n'y avait pas tellement de monde au balcon comme l'on disait, mais on pouvait facilement deviner l'arrondi de la naissance de ses seins. Elle regarda sa montre et jura en voyant qu'elle n'avait pas le temps de se changer. Elle sortit précipitamment de sa chambre et s'arrêta net devant son colocataire. Lui aussi venait juste de sortir de sa chambre face à la sienne. Il laissa glisser son regard sur sa silhouette, s'arrêta une seconde sur sa poitrine ainsi mise en valeur. Il secoua la tête et fit la moue, dépité. Finalement, même ainsi, elle faisait toujours pitié pensa-t-elle.

Il se reprit et passa devant elle. Alors qu'elle fermait la porte de la suite, il ne l'attendit même pas. Regardant sa montre, il força la fermeture de la porte et disparut derrière les portes métalliques la regardant les yeux toujours aussi déterminés. C'était terminé, elle ne pourrait jamais être à l'heure. Elle songeait dépitée que l'homme manquait sérieusement de savoir-vivre et que finalement, il n'avait pas eu pitié d'elle. Elle aurait été en meilleure forme, entendons un peu plus de confiance en elle, elle aurait pris les escaliers et lui aurait fait un pied de nez en arrivant avant lui. Mais bon, sept étages... elle serait certainement arrivée en nage et essoufflée. Pas sûr que l'image soit plus reluisante que ce qu'elle avait pu lui montrer jusque là. Elle soupira bruyamment et attendit que l'ascenseur veuille bien revenir. Ce qu'il fit après avoir déposer son colocataire au rez-de-chaussée si elle en croyait le peu de durée d'attente. Enfin ce fut tout de même trop long pour qu'elle arrivât à l'heure. Elle passa la porte de l'amphithéâtre dont le couinement affreux des gonds avait annoncé son entrée, alors que l'assemblée écoutait religieusement le grand patron lancer les réjouissances de la semaine. Elle réussit tant bien que mal à se faufiler au bout d'une rangée non loin de là sans trop se faire remarquer. Elle avait eu cependant la désagréable vision d'un Bly Delaware qui lui avait lancé un petit regard satisfait et moqueur depuis sa place bien en vue au centre de l'amphi.

La première conférence l'avait passionnée. Elle avait pris quelques notes et s'était dit qu'elle voulait absolument aller saluer l'intervenant. Il donnait des clés de management et une vision du métier tout à fait éclairante. Elle s'était rendue compte que sa façon de faire ne correspondait peut-être pas aux critères d'un bon manager. Elle songeait qu'il faudrait peut-être qu'elle revoit sa façon de faire par la suite, même si elle ne doutait pas des résultats de sa façon de faire. Elle appela Maggy pour savoir où en était le projet et si elle avait des nouvelles du mannequin. Elle n'obtint pas de réponse et la pause étant terminée, elle ne put réitérer son appel. Confiante, elle ne douta pas un instant que ses collaborateurs travaillaient d'arrache-pied. Enfin ce fut ce qu'elle se dit pour ne pas angoissée. Elle était trop loin pour pouvoir faire quoi que ce soit de toute manière.

Elle n'alla pas déjeuner avec ses collègues. Une inquiétude persistante lui nouait les boyaux. Elle n'eut pas davantage de nouvelles du bureau. Elle sursauta de nouveau lorsqu'une voix interrompit ses réflexions :

- Vous devriez manger quelque chose.

Elle se retourna et vit Blake, le plus sympathique de ses colocataires. Il lui tendit un fruit qu'elle déclina :

- J'ai déjà raté le début de la conférence ce matin à cause d'une tâche, je vais éviter de réitérer l'exploit.

- Si vous ne mangez pas, cela pourrait être toute la conférence que vous rateriez, car vous n'auriez pas assez de force pour rester attentive.

- Ce n'est pas en ratant un repas que je vais m'évanouir ! J'ai l'habitude vous savez !

Il se rembrunit en entendant cette remarque.

- Venez prendre au moins un morceau de pain, vous n'avez presque pas mangé ce matin et il me tuerait si je n'arrivais pas à vous faire avaler quoi que ce soit et qu'il vous arrivait quelque chose.

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant