Chapitre 2

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Emilia dirigeait une équipe de quatre personnes. Cela faisait cinq ans maintenant qu'ils montaient des projets ensemble. Maggy était sa plus ancienne collègue, elles avaient commencé ensemble chez White Communication. C'était certainement l'une des personnes sur lesquelles Emilia pouvait le plus compter. Elles n'avaient qu'un seul point de désaccord : Brett. Maggy qui était dans la confidence, était persuadée qu'il se fichait d'elle, la manipulant pour lui piquer des idées. Elle ne comptait plus le nombre de fois où Brett s'était allégrement inspiré d'idées de Mily. L'amoureuse ne voyait rien bien sûr et continuait de se faire berner encore et encore. Mag avait même quelques soupçons sur la fidélité du manager, mais elle n'avait aucune preuve.

- Qu'est-ce que tu fais avec ça ? lui dit Maggy en désignant du menton les sacs pleins de déchets.

- Rien laisse tomber. On a mieux à faire. Bon voilà le topo.

Emilia détailla les enjeux de ce projet.

- Si c'est notre équipe qui gagne le marché, nous serons promus. C'est vraiment notre chance.

- Tu as déjà des idées ?

- Oui, il se trouve que j'ai échangé avec le PDG de Mirabelous il y a quelques semaines sur un autre sujet. Il avait évoqué avec moi certaines idées. Je vais contacter l'égérie qu'il aimerait voir, si elle valide, le contrat sera pour nous.

- L'affaire est déjà faite en quelque sorte ! se réjouit Mika, le second assistant.

- N'allons pas trop vite, il y a quand même une masse de travail à abattre, mais en effet, toutes les chances sont pour nous.

Tous se réjouirent et se mirent au travail. Emilia décida de contacter elle-même l'agent d'Eva Saint-Clair, le mannequin qui selon le client incarnait le mieux les valeurs de leur enseigne cosmétique. Après, plusieurs appels infructueux, elle obtint enfin un interlocuteur. Elle expliqua ses attentes.

- Je comprends mais Mademoiselle Saint-Clair est très occupée.

- Il s'agit de la plus grande marque de cosmétiques du continent, elle est presque assurée de faire toutes les campagnes de publicité suivante. Il va sans dire qu'elle deviendra leur égérie. Je sais qu'elle apprécie cette marque.

- Hum, ok vous m'avez convaincue. Je lui transmets l'information, faites-moi une proposition par écrit. Je vous appelle dès que j'ai une réponse.

Le sourire aux lèvres elle se tourna vers son équipe. Sam ébauchait déjà des scénarii pour la publicité et Ciara une maquette. Elle ne doutait pas que ses graphistes feraient des merveilles. La réussite de son projet tenait au coup de téléphone qu'elle ne manquerait pas de recevoir lorsqu'Eva Saint-Clair acceptera leur proposition. La journée se déroula comme toujours dans la concentration et le sérieux. Elle fit valider la proposition de contrat par le service juridique et l'envoya sans tarder.

Confiante, elle s'attaqua aux autres tâches qui lui incombaient et abattit la masse de travail dans le temps qu'elle s'était imparti. Le soir, alors qu'elle fit un détour par le bureau de Brett, elle constata qu'il était déjà parti. Il ne l'avait même pas prévenue. Enfin, elle ne devait pas être surprise, c'était pour ainsi dire tout le temps le cas. Elle fila sans s'attarder. Alors qu'elle allait passer la porte du hall d'entrée, la standardiste la héla.

- Mlle Stanton ?

- Oui.

- Tenez, j'ai préparé les documents pour votre séminaire à Sainte Lucie. Voici vos billets d'avion.

- Oh, merci.

- M. Crawford m'a dit que vous vouliez partir la veille plutôt que le jour-même, j'ai pris l'initiative de vous réserver une nuit supplémentaire.

- Merci, c'est gentil de votre part.

Elle esquissa un sourire de façade. L'intention était gentille bien-sûr, mais cela ne l'arrangeait pas. Elle avait besoin de tout le temps qu'elle pouvait se dégager pour préparer le dossier Mirabelous avant son départ. Elle hésitait à remonter au bureau pour travailler encore un couple d'heures, seule solution pour compenser la journée qu'elle allait perdre en voyageant.

Elle ne le fit cependant pas, elle rentra chez elle, Emilia décida qu'elle serait aussi efficace en embauchant plus tôt le lendemain, et puis Brett allait certainement passer. Elle eut juste le temps de se déchausser que son homme passa la porte d'entrée. Il lui sourit, déposa un baiser sur ses lèvres avant de s'avachir sur le seul fauteuil du studio. Il desserra sa cravate et lui demanda sans même la regarder :

- Tu peux me passer un bière, Mily.

Ce n'était pas vraiment une question. Il avait pris l'habitude qu'Emilia le serve et s'occupe de lui.

- Brett, je peux te faire une remarque ?

Elle lui tendit la bouteille de bière.

- Bien sûr ma puce.

- Tu aurais pu t'abstenir de dire à la standardiste d'avancer d'une journée mon départ pour le séminaire. Ce n'est pas vraiment le moment pour perdre des heures.

Il prit un air contrit.

- Je pensais que c'est ce que tu voudrais. Je sais combien tu aimes être à l'heure.

- Je l'aurais été en partant le lendemain...

Il fronça le nez une seconde n'appréciant pas qu'elle le contredise. Puis reprit son air affable :

- Tu as besoin de profiter un peu, tu es tout le temps à fond dans le boulot, je suis sûr que cette journée de travail ne se verra même pas et que tu auras terminé largement dans les temps.

Elle soupira, elle n'aurait pas le dernier mot, elle devait se faire une raison.

- Laisse tomber ce n'est pas grave. Je me lèverai plus tôt les trois prochains jours.

- Voilà, tu as trouvé une solution. Je ne vois pas de quoi tu te plains.

Elle leva les yeux au ciel et s'éloigna prendre une douche. Elle en avait besoin après cette journée harassante. Alors que l'eau coulait sur son corps, elle crut entendre une sonnerie et la voix de Brett. Elle n'en sut pas davantage car lorsqu'elle ressortit, il était déjà reparti.

Elle ne s'en formalisait plus depuis longtemps. Elle se prépara un repas léger et s'installa devant son ordinateur pour avancer un peu son travail. Elle n'avait pas de connexion dans ce petit studio sous les toits, elle utilisait la connexion de son téléphone. Il lui fallut un certain temps pour remettre la main dessus. Etrangement, il ne se trouvait pas là où elle l'avait laissé en entrant. Elle était sûre d'elle car l'espace était plutôt restreint et l'ordre n'y régnait que grâce à ses habitudes ordonnées. Elle pensa que Brett avait dû le déplacer, bien qu'elle ne voyait pas pourquoi. Elle haussa les épaules et lut ses e-mails en mangeant la salade qu'elle s'était préparée.

Elle passa les trois jours suivants à travailler d'arrache-pied, ne comptant pas ses heures. Elle commençait à s'inquiéter de ne pas avoir de nouvelle d'Eva Saint-Clair. Elle n'osait rappeler son agent. Brett n'était pas repassé à l'appartement et semblait l'éviter. Peut-être était-il vexé qu'elle lui ait fait un reproche. Elle avait entendu certains de ses collaborateurs se féliciter de l'idée de génie qu'il avait eu qui leur assurerait d'avoir la promotion. Elle aurait bien aimé en savoir plus, mais elle n'était pas de celle qui espionnait le travail des autres. Elle chargea Maggy de contacter l'agent du mannequin s'ils n'avaient aucune nouvelle avant qu'elle ne soit revenue des Caraïbes.

Ce fut le cœur lourd qu'elle monta dans l'avion sans avoir eu aucun échange avec Brett. Elle n'aimait pas lorsqu'il la boudait comme ça. Cela pouvait durer des semaines. Elle lui envoya cependant un message pour faire le premier pas. Si elle devait attendre le sien, elle savait que cela pouvait durer longtemps.

Juste fait pour moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant