~Chapitre 22~

2.2K 93 7
                                    

~Hortense~

Je suis allongée dans le lit de Froy. Plusieurs jours ont passé depuis que j'ai tué Alvin. Froy allait bien, il n'était pas mort et c'était grâce à moi, même si j'avais dû tuer un homme, lui enlever la vie. Depuis, je ne dors plus, je fais des cauchemars dès que je ferme les yeux. Ce sont toujours les mêmes : Alvin tente de tuer Froy, je lui tire dessus, il tombe dans une flaque de sang, je me précipite vers Froy pour le soutenir. Je revis constamment la même situation. Mais dans mes rêves, Alvin se relève, revient d'entre les morts et me tue en me plantant un couteau dans le dos, Froy me regardant effrayé, et c'est à ce moment-là que je me réveille. Je me souviens de chaque détail, j'aimerais tous les oublier mais visiblement mon cerveau n'est pas du même avis que moi. J'aimerais trouver un moyen d'effacer ma mémoire, de pouvoir retourner en arrière. J'aurais voulu ne jamais être sortie d'ici, ne jamais m'être retrouvée dans ce bâtiment en feu, ne jamais avoir rencontré Alvin. J'aurais voulu être moins bornée et avoir eu le bon sens d'obéir à Froy, et rien de tout cela ne serait arrivé. Il n'aurait pas eu besoin de venir me chercher, il ne se serait pas retrouvé entre les mains d'Alvin, il n'aurait pas été à deux doigts de mourir. Je n'aurais pas eu à tuer cet homme. Froy tente de m'aider en me disant que ce n'est pas plus mal, ce n'était pas un type bien, il allait le tuer froidement, sans remords, comme si ce n'était rien. Il avait fait plus de mal que de bien. Si je ne l'avais pas tué, il aurait poursuivi son dessein dans le but de prendre la tête du gang de Froy. Mais peu importe si c'était un saint ou non, j'avais tué un homme, qui avait sûrement une famille. Certes, je m'étais entraînée au cas où un jour je me retrouverais dans une situation similaire, mais je ne m'étais jamais posée la question de savoir si cela arriverait rééellement un jour, si j'étais capable de faire une telle chose. Avant, je n'aurais jamais pu faire cela, tuer une personne. Mais en y réfléchissant, nous sommes tous capables de tuer, tout dépend des circonstances, de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Une personne frappe à la porte de la chambre et me sort de mes pensées. Je ne réponds pas, je n'y arrive plus. Parler devient trop dur, voir Froy devient trop dur. Je me sens vide.

- C'est moi, dit Froy en entrant.

Il apporte avec lui un plateau sur lequel sont posés un sandwich, un verre d'eau et un yaourt. Il veut encore me faire manger, je n'ai rien avalé depuis notre retour. Je n'ai plus faim, je n'ai plus envie de rien. Il pose le plateau sur la table de nuit et s'assoit sur le lit. Je me retourne, je ne veux pas le voir, je ne veux pas non plus qu'il me voit comme ça. Je ne ressemble plus à rien, je suis hantée par Alvin, par cette journée. J'ai souvent l'impression qu'il se tient en face de moi, qu'il me regarde. Je l'entends me parler au creux de mon oreille, parfois je ne comprends pas ce qu'il me dit, et d'autres fois, je l'entends me menacer de mort. Tout tourne en boucle dans ma tête. Mon cerveau ne s'arrête jamais, il passe ce film en permanence, mais je n'ai qu'une seule envie, c'est qu'il s'arrête. J'ai l'impression de perdre pieds...

- La première fois que j'ai tué quelqu'un, j'avais 11 ans, me dit Froy.

Je ne dis rien, je ne bouge pas, je n'ose pas le regarder.

- Mon « père » m'y a obligé, il disait que cela ferait de moi un homme, un bon chef de gang. Selon lui, tuer était le seul moyen pour devenir un chef estimé et craint, c'est comme ça que j'allais me faire respecter.

Son père était vraiment malade, obliger son fils de 11 ans à tuer un homme de sang froid, c'est complètement irrationnel.

- Je devais le faire absolument car si je ne le faisais pas, il pouvait devenir violent avec moi, il pouvait aller jusqu'à m'enfermer pendant plusieurs jours sans me nourrir. Alors je me suis exécuté, sans hésiter. J'ai gardé les yeux grands ouverts pour montrer à mon « père » que je n'avais pas peur, que j'étais courageux, que j'étais comme lui, dans l'espoir de ne pas lui faire honte et qu'il soit fier de moi. J'ai regardé cet homme dans les yeux, il avait peur, et j'ai tiré sans hésiter. J'ai regardé son corps inerte baignant dans du sang pendant plusieurs minutes. Puis j'ai posé l'arme et je suis sorti de la pièce en faisant comme si rien ne s'était passé.

LIVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant