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Héda, livre coincée contre la poitrine, marcha d'un pas vif dans le palais vide. Elle entendait le bruit de ses chaussures résonner contre les dalles tandis que ses yeux se posaient sur les fenêtres devant lesquelles elles passaient. Le jour aurait dû être levé depuis quelques heures, mais au lieu de ça, de gros nuages noirs se sont amoncelés au-dessus d'eux et le bruit du tonnerre semblait résonner à l'intérieur des murs. Des éclairs blancs semblaient déchirer le ciel en deux et Héda ne put retenir un sursaut en entendant un grondement plus fort que les autres. Bien que presque arrivée à destination, Héda s'arrêta devant la fenêtre et dans un fracas, la pluie se mit à tomber drue. Elle l'observa un instant avant de repartir vers la porte et de toquer quelques coups. Elle attendit, le regard dans le vide, et releva les yeux lorsqu'elle s'ouvrit. Kael fronça les sourcils en la voyant, puisque ça faisait presque trois jours qu'il ne l'avait pas vu et pencha la tête. Héda le fixa quelques secondes, impassible, puis ouvrit le livre à la page qu'elle avait gardé, et le mit sous le nez de Kael.

-C'est quoi ce mot ? Demanda-t-elle simplement en indiquant un mot du bout de l'index.

-Femme, répondit Kael avec un léger sourire.

Héda fronça les sourcils et tourna le livre dans sa direction. Elle passa son doigt sur le mot et grimaça.

-Pourquoi ça s'écrit avec un «e» ?

Kael leva les épaules.

-La langue française est incompréhensible.

Héda resta silencieuse. Un éclair blanc illumina son profil.

-C'est le livre des registres ?

Sans le fixer, Héda hocha simplement la tête en regardant à travers la fenêtre. Elle sembla compter silencieusement dans sa tête puisqu'elle faisait de légers mouvements et s'immobilisa quand le tonnerre retentit. Kael pencha la tête, n'ayant cessé de la fixer et plissa les yeux. Elle semblait terriblement différente d'habituellement, et il n'était pas sûr d'aimer le changement. Elle semblait absente, vide et c'était trop inquiétant.

-Est-ce que ça va ? Demanda-t-il finalement.

Héda sembla sortir de ses pensées et le fixa. Elle hocha simplement la tête, referma le livre, puis pivota sur ses talons et fit demi-tour. Toujours perturbé par son regard absent, Kael resta immobile pendant de long instant jusqu'à ce qu'elle ait disparu de son champ de vision depuis un moment. Finalement, il sortit de sa suite, ferma la porte derrière lui et marcha dans ses propres pas pour la retrouver. Il toqua à la chambre de sa suite mais il n'eut aucune réponse alors continua d'explorer. Arrivé au rez-de-chassée, il vit le livre qu'elle lisait posé sur une table, près d'une fenêtre. Kael prit le livre entre ses mains puis releva les yeux et fronça les sourcils. Il le reposa, ouvrit la fenêtre et fit un pas à l'extérieur. Le bruit de la pluie était aussi bruyant qu'apaisant, et, encore protégé par le mur, Kael posa ses yeux sur la silhouette d'Héda. Elle était assise au sol, l'eau tombant en cascade sur elle. Ça ne devait même pas faire quelques minutes mais on aurait dit qu'elle venait de sortir de sa douche. Kael resta immobile. Héda avait les yeux fermés, le visage levé en direction du ciel, mais sa poitrine se soulevait irrégulièrement et à plusieurs instants, Kael cru qu'elle était en train de pleurer. Il était hypnotisé par la détresse qu'il ressentait simplement en la voyant assise sous la pluie et se sentit plusieurs fois mal à l'aise en la voyant dans un état qu'il ne comprenait pas. Après de longues minutes, il n'en pouvait plus. Il secoua la tête, puis sortit. Il s'approcha d'elle aussi silencieusement que possible, bien qu'il aurait pu courir que ses pas auraient été étouffés par la pluie. Sa main se posa sur son épaule et Héda rouvrit les yeux. Elle baissa la tête.

-Tu vas attraper froid, chuchota doucement Kael.

Toujours dans son état second, le visage légèrement grimaçant, Héda se contenta de se relever et tout en tenant son bras, Kael la ramena à l'intérieur. C'était à peine si Héda semblait consciente de ce qu'elle faisait. Il récupéra le livre puis la ramener à sa suite. Une fois arrivés, Héda s'assit sur son lit, ses yeux fixés sur l'extérieur. Héda était trempé et des gouttes d'eau roulait sur son visage. Kael déposa une serviette sur ses épaules, puis tira un fauteuil et s'assit en face d'elle. Il était tellement habitué à la Héda battante, plus effrayante que le Démon, à Deathstorm qu'il ne pouvait que s'inquiéter de cette impassibilité qui ne lui ressemblait pas. Avant qu'il n'ait pu prendre la parole, les yeux d'Héda se plongèrent dans les siens et il ne put que s'empêcher de reculer. Elle semblait en colère, mais aussi terriblement triste, et encore une fois, Kael n'était pas habitué à la voir aussi démonstrative dans ses émotions.

HédaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant