Héda

33.

Héda observa la rue depuis la fenêtre de la maison dans laquelle elle se trouvait. Derrière elle se déroulait la scène émouvante d'un fils prenant sa mère dans ses bras avec toute la force dont il possédait. Kael referma le sac dans son dos puis l'observa.

- Héda ?

- Les soldats commencent à se rendre compte de quelque chose.

Kael se redressa et s'approcha d'elle. En effet, dans la rue, les soldats se dirigeaient vers les maisons où ils venaient de passer.

- Il ne leur faudra pas très longtemps pour comprendre.

Héda soupira et hocha la tête d'un air sombre. Le fils et la mère les observait, sans un mot, emplit de gratitude et de doute. Comment pouvait-on haïr quelqu'un à ce point avant de finir par lui être reconnaissant ? C'était assez simple en réalité. Ils n'avaient jamais vraiment haïs Héda. Solaris la haïssait. Le reste de sa Zone n'avait fait que suivre son mouvement.

- Ils restent combien de personnes ?

- Une dizaine, répondit Kael en observant la carte.

Le soleil devant eux se couchait, signe d'une longue journée qui venait de se dérouler.

- Je crois qu'on n'aura pas le temps, déclara finalement Héda lorsqu'elle observa deux soldats s'engager dans l'allée de la maison où ils se trouvaient.

- Putain, jura Kael en s'éloignant brusquement de la fenêtre.

Héda partit fermer à clé avant qu'ils n'arrivent à la porte puis se tourna vers le fils. Elle le jaugea un instant du regard puis plissa les yeux. Ce dernier déglutit en la voyant le fixer ainsi. Finalement, Héda saisit le sac dans ses mains et le jeta dans les bras du fils. Elle prit la carte des mains de Kael et lui tendit.

- Tu vas t'en charger.

- Hein ?

- Distribuer les antidotes à ceux qu'ils manquent.

Le fils commença à secouer la tête de droite à gauche.

- Non. Non. Pourquoi moi ?

- Pour ça, souffla Héda au moment où les soldats cognaient brusquement contre la porte.

Le fils et sa mère tournèrent leur regard vers la porte, paniqués.

- Tu préfères t'occuper d'eux à ma place ?

Le fils secoua brusquement la tête.

- Sans façon.

Héda sourit en l'entendant.

- C'est ce que je me disais. Passez par derrière. Vous inquiétez pas, on sera pas là, mais il ne vous arrivera rien.

Le fils cligna plusieurs fois des yeux, peu certain de ce que cela voulait dire. Mais il se contenta d'hocher la tête, bloqué par son regard qui ne le lâchait pas.

- Allez.

Le fils se mit debout, posa le sac sur son épaule puis prit sa mère par un bras et se dirigea vers la porte arrière. Au moment où ils sortaient, la porte principale sauta de ses gonds. Le jeune homme se retourna vers eux, un léger sentiment d'inquiétude s'emparant de lui. Puis il fronça les sourcils. Kael et Héda s'étaient mis en mouvement au même instant. Leurs gestes étaient terriblement assurés, précis. Ceux de Kael répondaient à ceux d'Héda et ils se battaient ensemble sans jamais se déranger. Ils étaient en symbiose parfaite, et ce n'était possible que par la confiance absolue qu'ils se portaient l'un pour l'autre. Porté par la confiance qu'il sentait transparaître d'eux, le fils continua sa route, déterminé à croire Héda lorsqu'elle lui disait qu'il serait sauf. Il déposa sa mère chez des voisins, lui embrassa le front, puis saisit la carte et partit en direction des croix qu'il voyait dessus. Il n'hésita plus une seule seconde. Bientôt arrivé à l'une d'elles, il s'arrêta brusquement en voyant un soldat marcher dans sa direction. Ce dernier posa ses yeux sur lui puis ils pivotèrent sur le sac qu'il avait entre ses mains. Le jeune homme fit quelques pas lents en arrière puis le soldat commença brusquement à courir vers lui. Il retint une exclamation et partit également en direction opposée. Il se retourna régulièrement, suffisamment pour voir le soldat se rapprocher de lui. Il sentit une main agripper le sac et il tomba au sol sous le choc. La seconde d'après, un bruit lourd résonna et deux pieds se placèrent devant lui. Le jeune hésita un instant puis releva la tête. Son visage se marqua sous la surprise en voyant Neyl devant lui, le frère du leader de la Zone 4. Il le fixait sans un mot, puis eut un léger sourire.