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L'homme saisit l'une des pipettes puis versa quelques gouttes d'un liquide sombre. Il secoua le tube à essai et l'examina avec attention. Il s'assit autour de la table en inox principale puis posa le tube à essai sur un portant et saisit quelques feuilles avant de se lancer dans quelques écritures et lectures. La salle dans laquelle il se trouvait était plutôt basse de plafond, donnant un aspect quelque peu oppressant à l'ensemble. Il était entouré d'étagères d'un gris terne. La luminosité de la pièce était assez faible et fade, donnant au lieu une atmosphère sinistre, outre sa simplicité presque écœurante. Plongé dans sa lecture, l'homme ne remarqua à aucun moment la silhouette sombre présente près de l'embrasure de la porte, présente depuis quelques minutes déjà. Elle était immobile et indiscernable pour quelqu'un ne regardant pas précisément dans sa direction. Après quelques secondes d'impatience de plus, la silhouette s'avança un peu plus dans la lumière et laissa échapper un rire incontrôlé. Dans un sursaut, l'homme présent autour de la table se redressa vivement en entendant ce rire mesquin et leva les yeux. La personne qu'il voyait face à lui était probablement la personne qu'il eut le moins envie de voir. Il la connaissait bien sûr. Solaris suffisamment insisté sur le fait de garder cet endroit secret de sa connaissance pour comprendre qu'elle était une personne hostile. Et puis, les rumeurs présentent dans toutes les zones et au palais ne faisaient qu'enfler. S'il y a bien quelqu'un que personne ne voulait affronter, et plus particulièrement cet homme, c'était Héda. Et pourtant la voilà bien présente dans un endroit qu'elle n'est pas censée connaître, parfaitement à l'aise, nonchalamment appuyée contre le mur. Le plus effrayant pour l'homme n'était probablement pas le fait qu'elle soit ici, dans un lieu où elle n'était pas censée être, mais le sourire qu'elle arborait, qui jurait parfaitement avec son regard sombre. De plus, elle semblait parfaitement savoir qui il était, et il ne l'avait aperçu que parce qu'elle avait fait remarquer sa présence. Cette pensée lui donna l'impression d'une brusque cascade glacée dans son dos. Dans la seconde où il remarqua sa présence, son bras se leva immédiatement à sa gauche, là où il avait posé l'arme que lui avait confié Solaris en cas «d'extrême nécessité». Aussitôt fait, aussitôt il se rendit compte que l'arme avait disparue.

- C'est ça que vous cherchez ?

L'homme releva immédiatement la tête. Désormais, son bras était levé et elle tenait l'arme du bout de son doigt. Il déglutit et se recula instinctivement de quelques centimètres. Il se demanda l'espace d'une seconde comment elle avait pu s'en saisir sans qu'il ne s'en rende compte mais dégagea vite cette pensée de son crâne. Il n'y avait nulle utilité à chercher une explication au fait qu'elle soit simplement surhumaine.

- Vous êtes Elijah, c'est bien ça ? Demanda-t-elle en reprenant de nouveau la parole et en décollant son épaule du mur. Le scientifique personnel de Solaris ? Continua-t-elle en voyant qu'il ne répondait pas.

L'homme resta silencieux. Même s'il avait voulu répondre, il en était incapable. La peur bloquait le moindre de ses muscles, y compris ceux de sa mâchoire, l'empêchant d'ouvrir la bouche pour amorcer un son. Les rumeurs avaient raison, et c'était probablement la première fois qu'il eut entendu des rumeurs qui ne reflétaient que la pure vérité chez quelqu'un, sans l'amplifier. Elle était effrayante. Tout bonnement. Tout dans sa posture imposait l'effroi et le respect par nécessité. Ou instinct de survie. Elle ressemblait à un félin prêt à bondir sur sa proie.

- Vous savez qu'il est absent ces derniers temps, pas vrai ?

Elijah sortit de ses pensées. Il n'avait presque pas entendu ce qu'elle venait de dire tant ses pensées étaient restées figées sur ce qu'elle dégageait.

- Je vais avoir besoin de vous, dit-elle plus doucement, un léger sourire en coin.

Elijah fronça ses sourcils puis il se redressa. Sa posture semblait désormais confiante. Et il pensa que s'il devait mourir ainsi, autant que cela soit avec honneur.

HédaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant