Chapitre 14

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Dongwoo se tourna dans le canapé. Il n'arrivait pas à suivre le drama qui se déroulait à la télévision. Il se retourna encore une fois vers son téléphone et l'alluma avec culpabilité. Pourtant il n'avait toujours pas d'appel. Habituellement, il avait au moins six courses dans la journée et après huit ans, son nombre de jours de congé était comptable sur les doigts. Mais depuis l'arrivée du directeur, beaucoup d'inattendus perturbaient son quotidien. Il finit par se redresser et éteindre le téléviseur. Débat du jour: Ce qui s'est passé plutôt dans les toilettes du parking souterrain était-il du viol? Que faire en conséquence de la réponse?

C'est vrai qu'il avait été pris de court mais il ne s'était pas senti agressé. Ce n'était pas comme si le directeur ne l'avait pas prévenu: depuis son arrivée il n'avait cessé de flirter et de lui faire des avances. Et puis lui-même n'avait pas eu de rapport sexuel depuis si longtemps. Sa dernière relation datait de huit ans et son dernier partenaire sexuel de deux ans. Peut-être en mourrait il d'envie finalement? Mais c'était sans compter leur position mutuelle. Il s'agissait du directeur de Mido, fils de son patron le PDG de Mido. Lui n'était qu'un chauffeur avec en plus de l'ancienneté dans la boîte. Et il avait terriblement peur de perdre ce job après toutes ces années. Mais si jamais il en parlait auprès de monsieur Kim et se plaignait à lui, ce dernier ne se mettrait sûrement pas de son côté. De plus, le caractère du directeur lui sous-entendait qu'avant même qu'il ne puisse songer à en parler à ses parents, il le ferait licencié. Et s' il déposait une plainte à la police? Cela aurait plus de désavantage pour lui. Certes il n'y aurait probablement plus de harcèlement mais ce serait à nouveau parce qu'il aurait perdu son travail. Et le procès n'aurait sûrement pas de suite, dans le but de protéger la dignité du directeur et de l'entreprise. Finalement la conclusion était tristement prévisible: il allait devoir le supporter s'il voulait continuer à payer les études de sa sœur. Peut-être pouvait-il aussi en prendre du plaisir...?

Dongwoo secoua la main pour chasser ses pensées. Il ne fallait pas qu'il pense comme ça! Il s'agissait de son patron, pas d'un ami à bénéfice! Soudain la sonnette retentit. Tiré de ses pensées, Min Dongwoo s'écria avec une irritation coupable:

"C'est qui?"

On ne lui répondit pas. Le visiteur se mit à frapper à sa porte. Le cœur battant, le jeune homme alla voir à l'interphone. Un petit visage aux grands yeux apparut. Une couette s'étalait dans sa nuque. Elle fixa la caméra, sachant parfaitement où elle se trouvait. Le chauffeur soupira; à qui d'autre s'était-il attendu? Il ouvrit et laissa entrer sa sœur.

"Soju et bière!"

S'exclama celle-ci. Elle déposa son colis sur la table de la cuisine et s'étira le dos.

"Tu es à la maison depuis longtemps?"

Lui demanda-t-elle. Il hocha de la tête, l'air ailleurs. Comme elle n'avait pas eu de réponse claire, la plus jeune des Min insista:

"Comment s'est passé ta journée?"

Dongwoo eut un temps d'hésitation. Il y pensait, y pensait et y repensait à cette journée...

"Mouvementée. Répondit-il enfin. Le directeur m'en fait voir de toutes les couleurs."

"Tu n'auras bientôt plus à travailler comme ça Oppa!"

Assura sa petite sœur en sortant les bières et les barquettes. Il vint s'asseoir face à elle.

"J'aurai fini mes études dans trois mois, ensuite il me reste deux examens à passer et du travail à trouver. Dans moins d'un an, tu seras libre de faire ce qu'il te plaît."

"Ça ne me dérange pas."

Assura-t-il. Elle le fusilla du regard, le visage boudeur. Dongwoo se mit à rire et retira ses paroles. Contente, Min Soohin s'assit à son tour et ouvrit les bières. La petite sœur tenait beaucoup moins l'alcool que son frère. Après deux bières, ces joues avaient rosies et sa tête ne cessait de se balancer. Sachant cela, Dongwoo demanda:

"Soohin, j'ai un problème."

"Dis-moi tout! Soohin est là!"

Soutient-elle en se frappant la poitrine. Il eut un sourire. La bouteille tournait entre ses doigts, le liquide se balançant et clapotant. Il soupira. Il hésitait. Soohin plissa les yeux en voyant le regard voilé de son frère. Elle insista pour qu'il lui parle de ce qui n'allait pas. Dongwoo commença:

"Je pense connaitre un ami dans une situation compliquée. Il a rencontré quelqu'un et cette personne lui a donné des avances pour avoir des rapports avec lui. Si on exclus les sentiments, mon ami considère que cela pourrait aller pendant un temps. Le hic c'est que cette personne est en fait son supérieur. Avoir une relation intime dissimulée n'est pas très sain n'est-ce pas?"

La jeune femme se mit à secouer la tête. Dongwoo le savait, la situation lui était difficilement favorable. Devait-il tout de même démissionner? Tenter de convaincre le directeur lui devenait pénible et ce dernier semblait décidé à l'avoir. Soudain, Soohin déclara:

"Mais ton ami aime son travail n'est-ce pas? Il ne veut pas le quitter mais il ne veut pas non plus porter préjudice à son supérieur ?"

L'aîné des Min hocha de la tête avec surprise. Avait-elle deviné? Elle secoua la bouteille avec assurance:

"Évidemment! Il n'est pas ton ami pour rien: vous êtes semblable ! Mais... Tu sais, une relation sexuelle sans sentiment, s'ils sont tous les deux célibataires, ce n'est pas si mauvais. Et puis tu as une vie si morne Dongwoo! Tu ne pourrais pas comprendre à quel point c'est excitant! Franchement, dis-le à ton ami: c'est une expérience à vivre."

Elle plissa son nez et posa sa tête sur la table. Soohin s'endormit: c'était sa troisième bouteille. Son grand frère la regarda en rigolant. Puis ses pensées s'agitèrent. Dans le désormais silence qui envahissait la maison, les paroles de sa sœur lui revenait. "Une expérience à vivre"? Il ne s'était pas rendu compte que sa vie avait un tournant si habituel. Lui la trouvait piquante et pleines de rebondissements. Mais après cette discussion, la fadeur de ces multiples courses, toujours les mêmes, et des discussions qu'ils entendaient, toujours les mêmes, lui apparurent. Devait-il simplement accepté la situation? Devait-il en profiter?

Il coucha sa sœur puis s'allongea dans son propre lit. Dans la chambre, seulement le cliquetis du réveil résonnait. Il devait dormir, une nouvelle journée de travail l'attendait demain.

Entendu, directeur KimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant