Chapitre 21 : Un jour plus tard

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            Les cheveux ébouriffés, l'esprit embrumé, le corps encore endolori de la veille, Mia s'était installée sur l'une des chaises confortables de la cuisine. Elle soupira, passant ses mains sur son visage. Elle s'était assise sans même prendre le temps de préparer son petit-déjeuner. Il était sept heures du matin et elle se demandait si aller en cours valait vraiment le coup. Maintenant qu'elle avait le statut de grande finaliste, elle pouvait se permettre des écarts qu'elle n'aurait jamais fait auparavant.

           Lentement mais sûrement, elle se leva pour fouiller dans les placards et trouver de quoi grignoter. Elle trouva une barre de céréale et un fond de jus d'orange dans le réfrigérateur.

La maison des Solotchova était classe, luxueuse mais restait d'une taille relativement standard à celles du quartier. Bourgeois, certes, mais ils ne faisaient pas d'excès en ayant un immense palace de la taille de leur réussite. L'intérieur, en revanche, était d'un standing élevé. Plan de travail et sol en marbre, grand canapé fait de cuir et plein de petits détails qui venaient confirmer la richesse de cette famille. La cave à vin qui sortait automatiquement du sol grâce à une commande vocale faisait partie de ses petits détails. La cuisine était ouverte, communicante sur un grand salon à l'écran plat et à la baie vitrée. Le soleil réveillait la maison et se reflétait dans le marbre avec une douceur absolue. C'était même étonnant qu'une maison aussi classe que celle-ci apporte une ambiance chaleureuse à ses habitants.

            Mia regarda sa montre après avoir bu à même la bouteille de jus d'orange. Il n'était pas sept heures du matin, mais huit heures. Les cours avaient déjà commencé, alors sa décision était prise. Elle n'irait pas aujourd'hui et certainement pas demain. Son attention fut cependant attirée par des bruits de pas venant de l'étage. Ses parents discutaient d'un sujet qu'elle avait du mal à cerner. La brune n'avait pas pu confronter ses parents à toutes les interrogations qui résidaient dans son esprit depuis la veille. Ils n'étaient pas rentrés en même temps qu'elle et n'avait aucune idée de ce qu'ils avaient pu faire pendant la soirée. Elle ne fit pas cas de la conversation qu'ils entretenaient, mais les dernières phrases prononcées aux dernières marches de l'escalier lui firent froncer les sourcils.

— On devrait quand même prendre les Joker histoire de ne pas se retrouver démunis si la grande fi...

            Nina se figea, tenant fermement la rambarde en fer forgé, posant le regard sur sa fille. Mia sourit grandement, l'impression d'être soudainement détentrice d'un immense secret d'état. Nikolai continuait d'avancer, sans relever l'arrêt soudain de sa femme ou la présence imprévue de sa fille. Il se contenta d'agir comme un père l'aurait fait, tout en appuyant sur la machine à café.

— Tu es en retard, Mia. Tu as besoin que je te dépose ?

           La jeune femme ne répondit pas directement, prenant le temps de les observer. Elle avait tant de questions qui lui venaient en tête. Ou étaient-ils hier soir ? De quoi parlaient-ils exactement ? Que sont les Joker dont sa mère avait parlé ? Quel était le lien qu'ils avaient avec son école et qui était cette Sacha qui ne lui voulait que du mal ?

— C'est quoi des Joker ? dit-elle, en croisant les bras, fixant sa mère. Malgré tout, c'était son père qui lui répondit.

Il se positionna entre les deux femmes, coupant le regard suspicieux qu'elle lui tenait.

— Est-ce que je te dépose à l'école ? répéta-t-il, articulant chacun de ses mots, regardant sa fille de ses yeux qui signifiaient « ne va pas sur ce terrain-là ». Mia sourit et l'imita en réitérant elle aussi sa question.

— C'est quoi des Joker ?

           Nikolai se retenait de déglutir pour ne pas devenir aussi suspect que sa femme. Il fit tournoyer ses clés de voiture sur son index, se dirigeant vers la porte d'entrée.

— C'est comme le Joker que tu utilises en cas de force majeur dans un jeu de carte. Il te débloque une situation. On en a, nous aussi. Est-ce que je te dépose ?

          Mia n'était pas satisfaite de la réponse, mais elle savait qu'elle n'aurait pas mieux. Elle connaissait son père ; semblable à une cocotte-minute, il finirait par imploser et elle préférait éviter. Elle secoua la tête, pour lui signifiait qu'elle n'avait pas besoin d'un taxi.

— Pourquoi tu ne vas pas en cours ? Et si tu rates la Grande Finale ? demanda Nina, qui savait pertinemment que cette dernière n'avait lieu que dans trois jours.

La brune fronça les sourcils. Ses parents avaient un rapport direct avec la Grande Finale, elle en était persuadée.

— Seriez-vous vraiment si calmes, si je risquais de la rater ?

          Les parents restèrent silencieux, la mère tournant le regard vers son mari. En un instant, c'était comme si cette dernière retirait son masque de mère douce et paralysée par la peur de faire une sottise. Elle descendit les quelques marches qui restaient, avant de rejoindre son mari.

— Non, ma chérie. Mais essaye donc de le découvrir.

Nina suivit Nikolai qui ouvrait la porte d'entrée pour se diriger vers la voiture. Ils devaient se rendre à l'entreprise, comme chaque matin. Mia les suivit, en restant sur le pas de la porte, les bras croisés, rabattant son fin gilet sur sa poitrine.

— Vous le savez, alors dites-moi quand est-ce qu'il faut que j'aille à l'Institut.

           Son père était d'ores et déjà dans la voiture, démarrant le moteur et attendant que sa femme daigne monter. Nina sorti une Vogue de son sac à main, l'allumant et tirant dessus.

— On en parlera ce soir, autour d'un bon repas. Bonne journée Mia.

           Elle rentra dans la voiture et le couple démarra aussitôt pour quitter le quartier résidentiel. Les observant partir, la frustration était son sentiment premier. La relation avec ses parents n'était pas la plus à plaindre, mais comme l'avait dit le Directeur de l'Institut Ultimate Joker, leurs vies allaient changer. Ils gardaient des secrets qui la dépassaient et pourtant, elle avait cette sensation étrange d'être au cœur du sujet.

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