Chapitre 38 : Onde de choc

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            Trahis par les frères Goldberg, ils perdirent pied l'espace d'un instant. La température extérieure était aussi glaciale que la situation dans laquelle ils se trouvaient. Le bruit des moteurs de voiture se faisait de plus en plus fort, tandis que de nouveaux camions blanc immaculé arrivaient, remplis de soldats.

— J'amène Jay à l'intérieur, je vous rejoins vite, déclara Gabriel, en attrapant le corps de son camarade inerte sur ses épaules.

            Il se mit à courir vers l'intérieur de la maison pour le déposer et l'enfermer dans une des chambres. C'était la meilleure chose à faire sur l'instant. Les deux jeunes femmes bouillonnaient, sentant la nécessité de faire jaillir leur feu et leur air pour se protéger. Alors que les esprits commençaient à s'échauder, Nikolai sortit par la fenêtre, s'asseyant sur le rebord, un mégaphone en main.

— Mia ! Lou ! Gabriel ! Nous sommes là en paix, nous ne voulons pas déclencher une guerre inutile.

            Le Directeur de l'Institut Ultimate Joker sortit par le toit ouvrant, se tournant vers Nikolai. Après avoir secoué la main près de son cou pour lui demander de se taire, il montra la petite télécommande ronde métallique.

— Jay a court-circuité les puces des Éléments. J'ai pu le neutraliser mais Gabriel l'a emmené à l'intérieur de la maison. Que fait-on ?

            Nikolai serra les dents, se tournant vers les camions blancs qui les suivaient. D'un geste de la main, il leur demanda de se placer en dehors du champ et de les encercler. Le père Solotchova se tourna vers sa fille tandis que la voiture s'arrêtait progressivement, à plusieurs mètres d'elle. Le mégaphone créa un larsen insupportable avant de laisser la voix de ce dernier être amplifiée.

— Mia, ma chérie... Rentre à la maison. Où iras-tu vivre sinon ?

             Encore dans le doute et la culpabilité, la jeune femme avait du mal à suivre. Encore étourdie, la vision des soldats qui s'alignaient autour d'elles et qui sortaient leurs armes à feu la déstabilisait d'autant plus. Une larme coulait sur sa joue, signe de sa tristesse et de son anxiété. Comment en était-elle arrivée là ? Faisant un pas vers ses parents, Lou se demandait ce qu'elle faisait.

— Qu'est-ce que tu fiches, Mia !

            Sa voix n'était qu'un bruit trouble, n'entendant que les phrases qui avaient bercées sa vie résonner dans sa tête : « Tu n'en serais pas là sans tes parents », « Tu n'as rien, mis à part le nom Solotchova ». Elle avait du mal à avaler le départ des Goldberg. Alors qu'elle les détestait depuis le début de la Grande Rencontre, la voilà peiné de leur départ soudain. La tension était à son comble, Lou n'avait qu'une envie : balayer d'un geste l'intégralité de leurs assaillants à l'autre bout du monde. Mais il s'agissait là plus que d'une affaire la concernant, il s'agissait d'une affaire de famille et Mia en était la principale intéressée.

— Tu as raison, papa. Qu'est-ce que je ne ferai pas sans vous ?

            Nikolai, au premier abord inquiet par cette réponse si positive, fini par baisser la garde. Heureux, il le signala à sa femme, restée en sécurité dans la voiture, même si c'était aussi une façon pour lui seul de prendre le contrôle de la situation. Pendant ce temps, Mia se retourna vers Lou. D'un regard, elles se comprirent. Hurlant puissamment à l'aide de sa rage, Mia créa une boule de feu dans sa main, qui grandissait progressivement.

— Regarde, papa. Ce que je fais grâce à vous.

            Soudain, la flamme grandit de plusieurs mètres, apeurant les conducteurs des voitures ainsi que les soldats. Ces derniers perdirent patience et tirèrent en direction des jeunes femmes. À ce moment, la terre se souleva sous leurs pieds, créant une multitude de crevasses. Les mains posées contre le sol, Gabriel était de retour. Les voitures noires reculèrent tandis que Nero et Nikolai leur ordonnaient d'avancer, mais la survie était plus importante que l'écoute des ordres. Lou sourit, visant de son élément, celui de Mia. Une bourrasque de vent s'engouffra dans les étincelles, puis dans les flammes grandes plusieurs mètres. Une tempête de feu venait d'être créée sous les yeux terrifiés des scientifiques et elle se dirigeait droit sur eux.

— On a créé des monstres, Nikolai... murmura Nina.

— On a créé des lions et on va les foutre en cage ! aboya Nikolai, se décidant à passer un court appel téléphonique.

            Derrière des boucliers virtuels mais pourtant résistants, une dizaine de Joker arrivait, totalement imperméables à l'électricité encore présente dans les herbes hautes. De l'autre côté, Papillon, le robot qui n'avait pas résisté au duel contre Lou et Tori apparut. Dans la voiture de Nero se trouvait Milan, télécommande en main pour contrôler son robot de trois mètres. Visiblement, il avait bénéficié de quelques rafistolages. Le directeur de l'école hocha de la tête en direction du jeune homme et ce dernier appuya sur un bouton. Un grand jet d'eau puissant sortit d'un des bras du robot, combattant durement contre la tempête de feu.

— C'est quoi ce bordel ? Evan est parti pourtant ?! se demanda Lou avant de voir que le feu et l'air se séparaient.

            Elle fut surprise de voir un immense robot, qui lui rappelait vaguement Papillon, son adversaire le temps d'un combat. Mia relâcha son feu avant que Lou ne l'imite : elles furent mouillées de plein fouet et furent expulsées au loin.

— Il faut qu'on se barre d'ici ! hurla Lou.

            Mia ne semblait plus savoir où donner de la tête. Ils ne pouvaient pas laisser Jay ici sans défense et ne pouvait pas non plus se permettre de rester, au risque de perdre leur propre vie. Les cris stridents de Lou, les hurlements de Gabriel, les ordres de son père qui résonnaient au loin, le bruit des moteurs... Le bruit de ses propres pensées, ses mains qui la brûlaient, ses nerfs qui lâchaient.

— ÇA SUFFIT ! hurla-t-elle de tout son cœur.

           De toute son âme. De tout son être. En une seconde, une onde de choc venait de se produire, heurtant tout ce qui était à proximité d'elle. Du feu se propagea au niveau des forêts voisines tandis que les voitures et les camions avaient été envoyés à plusieurs mètres, retournés. Le robot avait été éjecté dans le feu tandis que les Joker étaient comme collés au sol, défiant l'onde de choc. Gabriel et Lou furent projetés contre les murs de la maison sans comprendre ce qui venait de se passer.

            Mia était bouche bée, elle n'avait rien fait et pourtant, ceci venait de se produire. Devant un désastre encore plus grand que le premier, elle se demandait si c'était légitime d'être inquiète pour des parents qui l'avait prise pour un simple cobaye. Mais ses coéquipiers la ramenèrent à la raison. Ils l'attrapèrent par les bras, la tirant en arrière dans la maison. Gabriel poussa la table, entassa les chaises ainsi que les fauteuils devant la porte, sachant pertinemment que ça ne leur ferait gagner que quelques secondes de plus. Lou secouait Mia qui ne retrouvait toujours pas ses esprits. Dans un élan de panique, elle lui mit une gifle.

— Putain, réveille-toi ! On n'a pas le temps ! Il faut qu'on trouve une solution pour sortir vivant de là et pour réveiller Jay !

           Accusant la gifle qu'elle trouvait méritée, la Solotchova secoua la tête pour lui faire comprendre qu'elle réfléchissait à une solution. Gabriel regardait par la fenêtre, voyant la horde de Joker arriver en courant.

— Les filles... On va avoir un sacré problème...

           Subitement, Mia eut l'étincelle qu'il fallait pour débloquer la situation. Tout en accélérant la cadence, elle expliquait son plan. Elle attrapa Gabriel, activa le robinet de l'évier et le mouilla de haut en bas.

— Gabriel, tu es l'élément qui peut le plus accuser le choc. Apparemment, Jay électrocute ce qui est mouillé sans en ressentir la douleur, même quand il ne le veut pas. Souvenez-vous, quand Evan s'est jeté dans ses bras, Jay n'a pas moufté mais Evan s'est paralysé au sol un instant. Vous ne voyez pas où je veux en venir ?!

             Voyant de l'agitation à travers la fenêtre, elle décida de passer à l'action. Elle se dirigea vers Jay, allongé dans le lit et le tourna sur le ventre. Elle montra sa nuque où se trouvait la puce.

— On va le réveiller.

— Tu viens littéralement d'envoyer en l'air tous nos ennemis par je ne sais quel miracle et c'est moi que t'envoie électrocuter Thor, le dieu de la Foudre ?! s'insurgea Gabriel.

— Tu es la Terre. Je pense que ton corps va réussir à assimiler le choc plus que le ferait l'Air ou le Feu. Regarde comment a réagi Evan. Nos éléments ne sont pas anodins là-dedans.

            Sans dire un mot de plus, Gabriel comprit ce qui lui restait à faire. Se mettant à côté de Jay, accroupit, il se concentra pour ne pas vaciller. Posant un doigt sur la puce, puis deux... Un petit bruit de tension se fit entendre avant que le jeune homme aux dreadlocks ne se prennent une décharge. Pa réflexe, il recula. Lou le poussa de nouveau, l'engageant à réessayer. Gabriel réitéra l'expérience et cette fois-ci, il résista. Pendant plusieurs secondes, il serrait les dents pour ne pas hurler de douleurs sous la tension électrique qui lui traversait le corps. Puis, une onde électrique beaucoup plus forte l'obligea à se reculer, tombant en arrière contre le parquet.

            Brusquement, la porte d'entrée ainsi que tous les meubles posés pour bloquer l'ouverture, explosèrent.

— On a plus le temps, ils sont là... s'inquiéta Lou.

— En dessous de ces masques, il y a d'anciens participants. Comme vous, comme Jay, comme moi. Il doit y avoir un moyen pour les arrêter... autrement que par la force, dit-elle en se levant progressivement, se demandant si elle allait, à elle toute seule, pouvoir résonner des Joker de longues dates.

            Étaient-ils vraiment toujours là ? Ou étaient-ils devenus des monstres sans cœur ? La main sur la poignée de la porte, sans écouter les réprimandes de Lou, elle ouvrit. Elle se retrouva face à huit Joker, capés et masqués. Ils étaient encore plus terrifiants que les premières fois. Sans avoir le temps de faire quoique ce soit, un Joker fonça sur elle. Tendant un fil de pêche quasiment invisible, il tenta de l'attraper pour l'étrangler avec. Dans la précipitation, Mia ne réalisa pas et porta des yeux ronds de surprise sur le Joker... jusqu'à ce que ce dernier ne vol dans les décombres de la maison, le corps trésaillant à cause d'un choc électrique violent. Mia se retourna et découvrit Jay, presque en aussi bonne forme qu'auparavant.

— Que la fête commence...

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