Chapitre 40 : Question de valeur

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Le lendemain, Mia, Jay, Gabriel et Lou se réveillèrent dans un bâtiment désaffecté. Ne connaissant pas la ville à proximité et voulant éviter d'attirer l'attention, ils préférèrent se cacher dans la pénombre le temps que les choses se tassent.
Inquiets, peinés et touchés par ce qu'il s'était passé la veille, ils n'avaient pas réussi à trouver le sommeil. Alors, grâce à quelques branches récupérées dans la forêt, ils purent se réchauffer autour d'un feu que Mia avait généré. Ils ne s'étaient pas échangés de parole bien que leurs regards étaient remplis de discours.

— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda timidement Lou, les yeux encore boursoufflés.

Au bout de trois ans d'absence, elle avait le deuil de Paola. Elle qui n'était jamais revenue après la deuxième édition de la Grande Rencontre, Lou s'était rendu à l'évidence : Paola avait disparu à tout jamais. Elle s'était donnée beaucoup de mal pour ne sombrer. Elle avait construit un mur entre son cœur et la réalité. Hier, il s'est effondré ave une violence absolue.

— On va retourner chez nous et sauver mon frère, proclama Jay, la main sur le cœur. Mia se leva brusquement, avant de venir le surplomber, avec la lenteur d'un prédateur.

— Tu nous fais chier avec ton frère. Tu nous fais chier...

Jay se figea de désarroi, tout comme Gabriel et Lou, qui la dévisageaient. Ça ne lui ressemblait pas. Elle perdait son sang-froid, la nuit ne semblait pas avoir été porteuse de bons conseils. Allumant de nouveaux les braises du bois qui dormait, elle fit les cent pas, nerveusement. Le brun se leva et la poussa violemment. Fatigués et éreintés, ils n'avaient plus la patience pour sagement communiquer.

— Je te fais chier ? Alors que c'est à cause de tes parents qu'on est dans cet énorme bordel ?

Mia arqua un sourcil, le défiant du regard. Elle le poussa brusquement, à son tour.

— Si t'es dans cet énorme bordel, c'est parce que t'as bien voulu participer à la Grande Rencontre. Pour ton petit égo, pour ta petite fierté. Tu te rappelles ? Ton frère aussi, alors laisse le se démerder.

Jay se contenait, même si la patience le quittait petit à petit. Mia, quant à elle, laissait ses démons s'échapper. Le brun tira l'épée de son fourreau qu'il avait dans le dos, la plantant dans le sol, comme une menace. 

— Ce n'est pas ton frère qui voulait prouver ce qu'il valait aux yeux de tes parents ? Il n'a qu'à le faire, je suis sûre qu'ils seront épatés ! cingla Mia, un sourire malicieux aux coins des lèvres.

              Jay reconnaissait que son frère avait tenu un discours qui ne lui ressemblait pas, ce jour-là. Au fond, il regrettait même d'être meilleur que lui en termes d'études et de combat, car son petit frère devenait invisible aux yeux des parents. L'adrénaline monta subitement et le brun pointa son épée sous la gorge de la Solotchova, qui ne bougea pas d'un cil.

— Vous ne pensez pas qu'on a assez à gérer, sérieusement, s'indigna Gabriel en les rejoignant.
              Cependant, ce n'était pas suffisant pour calmer les ardeurs de chacun. Mia sourit et sortit son bâton, qu'elle déploya en un geste. Elle s'écarta de l'épée et donna un coup dedans pour la faire voler à l'autre bout de la pièce. Jay, piqué au vif, l'attrapa par le col et colla son front contre celui de la jeune femme, qui était plutôt amusée par la situation.

— Si tu avais un frère, tu comprendrais. Mon égo n'est pas aussi grand pour ne pas demander votre aide. J'ai besoin de vous pour le libérer de l'emprise de tes connards de parents et l'autre directeur de l'institut.

Sans attendre la réponse de Mia, ils furent séparés par un courant d'air glacial provenant de Lou. Pourtant pas la plus téméraire ni la plus calme, c'était elle qui voulut abaisser les tensions. D'un œil attristé mais compatissant, elle s'approcha d'eux.

— On est tous à bout. La meilleure des solutions, dans tous les cas est de rester soudés. Déjà qu'on a perdu Evan, je n'ai pas envie qu'on se retrouve tous séparés.

— Au Diable Evan, déclara la jeune Mia, encore agacée de son soudain départ.

             Elle ne le portait peut-être pas dans son cœur, mais il était l'un des leurs. Elle l'avait cru et il venait de les trahir.

— Qu'est-ce qu'on fait, alors ? questionna de nouveau Gabriel.

— S'il vous plaît. S'il te plaît, Mia, prononça Jay comme dans un murmure.

               L'enjeu était trop grand pour laisser la place aux sentiments, autant légitimes soient-ils. Mia le regarda et ressenti tout ce qu'il avait au plus profond de lui. Elle soupira, inquiète du futur qui les attendait. Elle ne se voyait pas vraiment laisser tomber Ryo. Elle ne le connaissait peut-être pas mais elle se connaissait elle-même et dans ses valeurs ne résidait pas la lâcheté.

— Je ne connais pas assez mes pouvoirs et vous non plus. Il faut d'abord qu'on apprenne à les manipuler correctement pour songer à le sauver... Et puis, qui sait...

— Il est probablement déjà mort. Oui, je sais, répondit Jay à la femme du feu.

               Un silence s'installa. Ils y avaient tous songés mais refusaient de le dire à haute voix, de peur de rendre les choses concrètes. Les Solotchova avaient prévenus ce dernier : s'il venait à leur faire faux bond, son petit frère passait à la trappe. Mais au fond de lui, malgré cette culpabilité qui le rongeait, il était persuadé que le couple de scientifique n'était pas si fou que ça. Jay, était encore en liberté, ils pouvaient tenter de faire pression pour le faire revenir.

— Je comprends votre volonté de vouloir manipuler au mieux vos éléments... mais on n'a pas le temps de rester ici pour ça. Il faut qu'on apprenne en route.

Le jeune homme hocha de la tête pour demander l'accord des autres. À leur tour, ils acquiescèrent, tandis que Mia alla récupérer l'épée de Jay pour lui rendre en main propre : une façon pour elle de s'excuser.

— C'est d'accord. Mais il va falloir être très vigilants. Mes parents n'ont pas que des relations dans l'éducation... Ils en ont absolument partout. 

— Désolée Mia, mais je hais tes parents, dit Gabriel.
— Moi aussi... lança Lou.

— Et moi aussi, rajouta Jay.

Mia soupira longuement avant de ranger son arme dans sa poche. Elle se tourna vers la ville, qu'ils pouvaient voir au loin, pensant à toutes les emmerdes qu'ils risquaient de rencontrer par la suite.

— Moi aussi.

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