La Zone

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Note de l'auteur :

*Elisa : Elisa fut la sœur adoptive, et muse de Verlaine, qui lui consacra un recueil entier « Mélancholia ». Ce dernier lui fit des avances qu'elle déclina.

*Stichomythie : Emprunté au genre théâtral, c'est un enchaînement de répliques très courtes de manière très rapide pour donner du dynamisme et de l'intensité à une scène. Elle marque souvent le conflit.


***

À vous ces vers, de par la grâce consolante
De vos grands yeux où rit et pleure un rêve doux,
De par votre âme, pure et toute bonne, à vous
Ces vers du fond de ma détresse violente."

- À une femme

Extrait de mélancholia, Paul Verlaine.









« M'emmènes-tu près de chemins escarpés ? »

L'écho doux de sa voix s'échoua contre la nudité de mon ossature.

Nous chuchotions tout bas, effrayés de quelques -absentes- oreilles indiscrètes. Chaque lettre, chaque souffle furent susurrés comme une confidence gardée précieusement, contre la peau de l'autre.

Pour réponse, mes jambes encerclèrent mon autre qui se laissa volontiers diriger entre mes mains agrippantes la sienne, blessée. Je vins y nouer le bandage de fortune que constituait la manche de mon haut.

Il y avait un peu de mon sang sur sa peau.

Un peu du sien sur la mienne.

Un peu de douceur après le chaos.

Je le vis distrait par le sillage pourpre au creux de ma main. Mélancoliques, quelques perles sanguinaires pleuraient contre le parquet.

« Vous n'avez pas pansé vos plaies. »


N'est-ce pas Kook' ?

N'est-ce pas.


Dans l'écho de ses yeux, les miens assistèrent à la chute plaintive de cette encre dont dépendait ma vie. Ce n'était pas douloureux, ce sang qui était le mien, glissait en une caresse tendre contre ma peau, la flattant.

L'habitude des combats sans doute.

Sentant ses iris me brûler l'épiderme, je compris que le brun n'allait pas rester sans rien faire si moi-même je ne le fis pas. Alors, pour le rassurer, un peu, pour lui cacher d'autres de mes meurtrissures, beaucoup, je lui laissai le soin de soigner la plus récente. Ainsi, je lui offris ma main, puis l'alcool.

Perdu par le silence de mes mots, il apostropha mes gestes d'un regard confus qu'il vint corser de ses mains sur mon torse. Taehyung se voulait particulièrement tactile, aujourd'hui, et cela, sans me consulter évidemment. Il caressait, effleurait, agrippait ma peau. Ainsi, j'avais la sensation qu'un énième rejet de ma part engendrerait contrariété, caprice, brouillerie. La tension des instants passées semblant oubliée pour lui, pour moi, je ne voulais pas être l'initiateur d'une nouvelle dispute puérile. Bon gré, mal gré, je laissai donc au brun, le soin de resserrer les liens carmin autour de nos deux poignets.

Ainsi dans mes bras, tu te montres vulnérable, pareil à l'enfant.

Aucun cri. Aucunes larmes. Aucunes lamentations.

Rien si ce n'est le froissement de son étreinte contre celui de mes vêtements.

C'était réconfortant.

Vendôme  ♘|ₜₖOù les histoires vivent. Découvrez maintenant