Chapitre XII

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L'agent Novak s'avança dans la pièce obscure, composa ses codes sur le pavé numérique et attendit que le grand écran s'illumine. Un visage y apparut, déposant une lueur blafarde sur celui de l'espionne. Le directeur esquissa un demi-sourire de soulagement, rapidement effacé par un masque plus grave.

Emily Novak se présentait devant son supérieur sans avoir accompli sa mission ; elle dissimulait son humiliation sous un air impassible, prête à encaisser une réprimande sévère. L'entretien débuta d'ailleurs par une remarque moqueuse, incisive, qui éreinta son amour-propre.

– Ainsi, l'Originel vous a échappé... C'est une première, agent Novak ! Il mériterait presque une médaille pour un tel exploit. Vous qui n'échouez jamais, d'habitude.

Le sous-entendu attaquait l'ego, mais la jeune femme ne broncha pas. D'un ton calme, elle rétorqua :

– Je vais le retrouver, monsieur. Sa disparition n'est que temporaire, je vous l'assure. Si j'ai pu l'atteindre une fois, je m'estime en mesure de recommencer.

Son supérieur fronça légèrement les sourcils, soucieux. Il examina des documents qui circulaient dans une bande passante, à côté de la fenêtre de communication.

– Vous avez mis un sacré bazar, agent Novak. Avez-vous la moindre idée de l'état actuel du campus de médecine de Seattle ? Il n'en reste que des ruines. Les médias s'en donnent à cœur-joie ; terrorisme, complot gouvernemental, expérience d'une agence de renseignement internationale, étudiants recrutés secrètement par des fanatiques... Personne n'avale la pilule de la fuite de gaz. Des dizaines de rapports parallèles circulent déjà sur certains sites pour confirmer qu'aucune conduite proche ne comportait d'anomalie. Nous essayons tant bien que mal de les effacer, en restant discrets. C'est également la consigne que je vous avais donnée, si j'ai bonne mémoire. De la di-scré-tion !

– De la prudence, monsieur, pour être exacte, répondit l'espionne, toujours de marbre. Ne me blâmez pas pour des incidents dont je ne suis pas la cause. Vous vous doutez bien de l'identité du responsable...

– L'Originel, ne vous avais-je pas mis en garde contre ses capacités ? Son degré de dangerosité dans une zone habitable ? Et maintenant il vous a échappé, à ce que j'en sais !

– Seth Larkin est aussi innocent que moi – dans cette affaire, j'entends, pour le reste, nous savons que je... Peu importe. Il ne possède pas la puissance nécessaire pour anéantir un bâtiment : son pouvoir est bien plus subtil, pour ce que j'en ai vu. Il s'agirait d'une forme d'ubiquité – une projection astrale, grâce à laquelle il m'a sauvé la vie, d'ailleurs.

Pensif, le directeur observa son agent et prit un instant pour réfléchir aux différents éléments de cette affaire. Et enfin, à mesure qu'il réalisait, les traits de son visage passèrent de la colère froide à l'horreur. Il bafouilla une bouillie de mots incompréhensibles, avant de se reprendre.

Il a refait surface, alors, murmura-t-il. Ils l'ont envoyé afin de... Ils ont dû s'imaginer que seul un être d'une nature aussi particulière pourrait neutraliser un Originel... Et moi qui vous aie plongé droit dans ce bain explosif, sans songer que...

– Monsieur, peu importe ce qu'il se passe actuellement, vous ne mesurez pas encore l'ampleur du désastre qui pointe à l'horizon.

– Et qu'est-ce qui pourrait être pire que Méphisto en liberté ? s'exclama le directeur. Il vous a arraché Seth Larkin, et maintenant seul le ciel sait ce qu'il lui inflige pour le garder sous sa coupe !

L'agent Novak s'empressa de secouer la tête pour détromper son interlocuteur. Elle lui raconta brièvement les évènements du campus, dans la mesure de ses connaissances. Lorsqu'elle aborda l'affrontement entre Seth et le pyromane, les yeux du directeur manquèrent de quitter ses orbites. La rencontre avec la projection du jeune homme, ainsi que l'enlèvement, finirent de l'atterrer. Il prit sa tête entre ses mains et souffla. Compatissante, l'espionne tenta de le rassurer.

– Monsieur, je peux le retrouver, et plus vite que vous ne le pensez. Seth a été enlevé dans une camionnette encore immatriculée ; ils ont agi dans la précipitation. Je pense qu'une telle erreur signifie clairement qu'ils ont peur, et qu'ils pensent pouvoir isoler très rapidement l'Originel de l'influence extérieure, dans un endroit hors d'atteinte – et je ne pense pas qu'ils me considèrent comme la menace, pour être franche... Je m'estime dangereuse, directeur, mais pas au point de terrifier ce genre de personnes. Eux, ils craignent plutôt...

– Méphisto ? Leur propre créature ?

– Seth lui a échappé à deux reprises. Durant la deuxième, il a enchaîné les uppercuts avant de lui briser la nuque. Voyez l'état du campus, je vous laisse deviner la réaction de notre ami enflammé lorsqu'il est revenu à lui... Méphisto est un soldat, cela ne fait aucun doute quand on voit la rigueur avec laquelle il exécute les ordres ; mais il est aussi instable mentalement, on le sait depuis le temps. Les synthètes ne sont jamais tout à fait... Enfin, vous savez bien, ils peuvent se dérégler, avoir une araignée au plafond, se fêler la carafe, faire des fixettes – souvenez-vous de Tchernobyl.

– Si Méphisto a rongé sa laisse, je n'ose imaginer les conséquences, agent Novak. Sa puissance de feu – littéralement – ne connaît presque aucune limite.

– Et il la mettra au service de sa vengeance. Il va traquer Seth Larkin, à moi d'être plus rapide.

Le ton presque désinvolte de l'espionne alarma le directeur. Il bondit de son siège et, les paumes à plat sur son bureau, il fixa la jeune femme droit dans les yeux, avec une intensité suffisante pour imposer son autorité à travers l'écran.

– Emily ! Ne t'approche pas de lui ! Ramène-moi l'Originel si tu le peux, mais demande une extraction si Méphisto pointe ne serait-ce que le bout de son aura démoniaque. Il a tué des dizaines des nôtres, depuis des années, mais pas toi, c'est hors de question !

– Pas d'inquiétude, monsieur, je n'aurais peut-être pas besoin de suivre sa trace pour mettre la main sur Larkin. La camionnette me conduit tout droit à une société de Seattle. Je vais leur rendre une petite visite, par acquit de conscience, même si j'ai déjà une idée d'où cela risque de déboucher.

Légèrement calmé, le directeur soupira, conscient que son accès de colère revenait à mettre des coups de pieds dans un cheval de bois ; l'espionne demeurait froide, inatteignable, persuadée d'une invulnérabilité qu'elle ne possédait pourtant pas. Tout ce temps passé à côtoyer des pseudo-immortels influençait son jugement ; même si elle s'en sortait bien jusqu'à aujourd'hui, avec sa mentalité inflexible, rien ne garantissait qu'elle passe éternellement entre les gouttes.

Son supérieur se reprit et, en réponse à sa dernière remarque, il ajouta :

– Evidemment, eux. Ils ont envoyé Méphisto, puis ils l'ont doublé pour récupérer Seth Larkin quand les choses ont dégénéré. Mais à qui vont-ils le confier désormais ?

– A des gens capables d'influencer son esprit, je suppose. Il est méfiant, et terrorisé par ce qu'il lui arrive ; ils vont avoir besoin de le conditionner pour pouvoir exploiter ses facultés. Ils doivent forcément posséder une base dans les parages, un endroit suffisamment sécurisé pour emprisonner un Originel. Je vais grappiller les miettes qu'ils me laissent, et voir où elles me conduisent... En prenant soin de ne pas croiser la route de leur Cerbère en furie, c'est promis, monsieur.

Le directeur acquiesça et, après un ultime regard plein de préoccupation, il coupa la communication. Emily Novak verrouilla de nouveau le système, puis quitta la pièce d'un pas pressé. Plus elle attendait, plus la piste refroidissait ; il ne lui restait que peu de temps si elle espérait arracher Seth des griffes de ses ravisseurs.

* * *

Et voilà, vous l'attendiez, elle est là ! On reprend les publications d'Evolution avec la partie 2 (encore en travaux sur la fin de mon côté, mais je vais essayer de dégager du temps pour la finir ^^). J'espère qu'elle vous plaît, n'hésitez pas à dire ce que vous en pensez et à voter, partager, commenter, c'est toujours un plaisir de discuter avec vous ! Bonne semaine à venir et à bientôt !

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