Chapitre XIII

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La douleur lui transperçait le crâne, au point qu'il souhaita l'ouvrir en deux pour en extirper son cerveau, et en dérouler les méandres jusqu'à trouver le nœud – le point névralgique qui provoquait cette insupportable sensation. A mesure qu'il revenait à lui, la souffrance s'accentuait. La nausée, les vertiges, l'obscurité, l'impression de n'être qu'un élastique en tension permanente. Son corps et son esprit le suppliaient de mettre un terme à cet enfer. Pire que le bûcher, une brûlure insoutenable qui envahissait chaque membre.

Son t-shirt collait contre son dos, pourtant il ne transpirait pas. Contre la fièvre, il s'agitait sur le béton froid et se roulait involontairement dans les flaques qui constellaient le sol puant. Les ploc ploc indiquait que l'eau provenait du plafond. Un petit crépitement discret – à peine un frémissement – laissait aussi deviner les rigoles qui suintaient sur les murs. Mais pour confirmer toutes ces suppositions, il fallait vite recouvrer la vue.

Seth se fit violence. Dans un effort surhumain, il s'efforça d'ouvrir les yeux, en dépit des protestations que lui assénait sa raison.

La lumière lui incendia les rétines. Il s'en doutait, mais il n'avait pas le choix. Il devait reprendre le contrôle afin d'agir, s'il souhaitait quitter sa situation inconfortable. A tâtons contre le mur le plus proche, il se releva en frottant sa joue contre le crépi grisâtre.

A mesure qu'il prenait conscience du monde alentour, il réalisait l'ampleur de son cauchemar. La situation ne présageait rien de bon.

Un grésillement sourd emplissait l'air ; les tubes néons accrochés au plafond projetaient une lumière blafarde, blanche, électrique, agressive. Les murs nus contribuaient à appesantir davantage l'atmosphère. De longs corridors s'étiraient, hors du renfoncement dans lequel Seth se trouvait. De multiples voix se répercutaient entre les parois en béton. On criait, on hurlait des ordres, et parfois, comme des courants d'airs, des murmures diffus circulaient, porteurs d'étranges secrets.

Le jeune homme observa à droite et à gauche avant de s'aventurer dans le couloir le plus proche. Tout possédait la teinte uniforme d'un ciel d'hiver un jour de pluie. Un style blockhaus, type troisième Reich, assez rigoureux, déprimant – pour ne pas dire totalement terrifiant. Seth s'attendait à voir débarquer à tout moment un homme en uniforme noir, avec sa brassière rouge, ses bottes et son long manteau. A intervalles réguliers, de lourdes portes rompaient la rectitude uniforme des lieux ; depuis l'autre côté, des bruits divers lui parvenaient – cliquetis de chaînes, cris de terreur ou de rage, gémissements. Rien de très rassurant.

S'agissait-il d'une prison souterraine ? D'un abri antiatomique ? Etait-il encore à Seattle ? Ou bien même encore sur le continent américain ? Il n'aurait su le dire, puisqu'aucune ouverture ne permettait de jeter un œil sur l'extérieur.

Il avança à pas de loup. Il lui semblait que le moindre de ses mouvements se répercutait devant lui en produisant un interminable écho.

Une minute s'écoula. Puis une deuxième, sans le moindre signe de vie. Seth ne pensait à rien ; il ne parvenait pas à formuler une réflexion cohérente, tant sa tête le faisait souffrir. Il se fiait donc à l'instinct qui lui tiraillait les tripes, en s'efforçant d'oublier la lame imaginaire qui lui transperçait le cerveau. Pour une raison qui lui échappait, il savait exactement où se diriger – non pas qu'il connaisse les lieux, mais un élément l'appelait irrésistiblement.

Enfin, après plusieurs minutes d'errance, des silhouettes aux contours indistincts se dessinèrent devant lui, avant de bifurquer soudainement. Seth se soumit à l'attrait qui le guidait dans leur direction, en prenant soin de ne pas se faire remarquer. Il les suivit d'un pas souple et discret, et s'aventura à son tour dans le couloir que le groupe venait d'emprunter.

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