Fucking Butterflies 1

C H A P I T R E . 8

Point de vue de Sarah

Une fois en classe je m'assois à côté de Louise. Cela fait quelques semaines qu'elle reste avec nous et elle se fait de plus en plus sa place dans le groupe. Il faut dire qu'elle est vraiment sociable, ce serait difficile de ne pas l'apprécier. Je jette un rapide coup d'œil dans la classe pour voir si Alix est là, mais ce n'est pas le cas, et je n'ai toujours pas de message.

— Tu manges avec nous à midi ? demande Louise.

Sa question me surprend. Je ne vois pas pourquoi je mangerais avec qui que ce soit d'autre.

— Comme d'habitude, répond-je.

— On mange dehors, explique-t-elle face à mon air sceptique, on a tous un pique-nique et on se pose au parc.

— Comment ça se fait que je ne sois pas au courant ?

— Hier Alix a dit qu'elle t'en parlerait pourtant. Je suis désolée, je pensais vraiment que tu savais.

— Elle a dû tomber malade, ça expliquerait pourquoi elle est absente et donc forcément elle a oublié de me proposer.

— Tu peux toujours t'acheter un truc vite fait ?

— Je suis demi-pensionnaire, il me faut un mot pour manger dehors. Et puis je n'ai pas d'argent sur moi. Personne ne mange au self ?

— J'en sais rien, faudrait demander aux autres.

Je suis amie avec personne d'autre dans le lycée, s'ils partent tous je ne sais pas ce que je ferais. Je prends mon téléphone discrètement et écris un message à Eva pour lui expliquer la situation.

Elle ne risque pas de se pencher sur son téléphone en cours sans une bonne raison. Je regarde alors vers elle en l'appelant doucement pour que le prof ne m'entende pas. Elle n'est pas loin de nous, la rangée à la droite de Louise. Eva se tourne vers moi et je lui fais signe de regarder ses messages.

— Mademoiselle Lebon !

Mon stress monte en flèche quand j'entends mon nom. On avait dit discrètement Sarah, discrètement.

— Vous avez bientôt fini votre cirque ? reprend-il. Si le cours ne vous intéresse pas vous pouvez sortir.

— Heu, non, j'adore les poèmes de...

Je plisse les yeux pour voir le nom au tableau

— Baudelaire.

Toute la classe rigole. Je n'y peux rien, le stress me fait perdre tous mes moyens. J'ajoute un léger "désolée" timide en espérant qu'il se retourne vers le tableau en oubliant cette histoire. Mais il me regarde en soupirant, puis sourit.

— Le portrait craché de votre frère.

Je ne sais pas vraiment comment le prendre sachant qu'il est plutôt du genre à perturber tous les cours. Je commence à croire que je ne suis plus vraiment l'élève calme que j'ai toujours été.
M. Aubry reprend son cours, j'en profite pour me tourner vers Eva, elle a lu mon message et me lance un sourire désolé.

On dirait que je vais être seule à midi.

Après avoir fini tous les cours de la matinée, je commence à me diriger vers le self d'un pas hésitant. À la récréation mes amis ont confirmé qu'ils déjeunaient tous dehors. J'ai dit que je trouverais quelqu'un avec qui aller pour qu'ils ne culpabilisent pas de me laisser seule, ou pire qu'un d'entre eux sacrifie sa sortie pour moi. Mais c'est faux, je ne connais personne d'autre.

Je ne comprends pas pourquoi être seul est si mal vu au lycée. Être seul au self semble même être interdit, c'est considéré comme l'une des pires hontes. Tout le monde va juger ou bien avoir de la peine, pourtant je n'ai pas besoin de qui que ce soit pour manger. Ça ne veut pas non plus dire que je n'ai pas d'amis. Et pourtant j'angoisse à cette idée.